La commémoration de l'Achoura a donné aux dirigeants du Hezbollah l'occasion de lancer des attaques en règle contre le 14 Mars et notamment le courant du Futur, responsable, selon lui, du blocage politique et de la vacance à la tête de l'État. Comme un seul homme, le secrétaire général adjoint et le vice-président du Conseil politique du Hezbollah, les cheikhs Naïm Kassem et Nabil Qaouq, ainsi que les députés Nawwar Sahili et Nawaf Moussaoui, pour ne citer qu'eux, ont de nouveau reproché au courant de Saad Hariri de vouloir accaparer le pouvoir et de « prétendre » la modération « pour atteindre ses objectifs ».
C'est cette argumentation qu'ils ont développée devant leur public afin d'expliquer l'opposition de leur adversaire à l'accession du général Michel Aoun à la tête de l'État. « Le Liban ne pourra pas préserver longtemps sa stabilité avec cette mentalité qui repose sur la provocation de dissensions confessionnelles ou avec des déclarations fondées sur des calculs mesquins qui ne sont pas dans l'intérêt du Liban », a déclaré Naïm Kassem, en soulignant que son parti « a proposé diverses solutions pour dynamiser l'action du Parlement et du gouvernement et pour faciliter l'élection d'un président mais aucune d'elles n'a abouti parce que le camp opposé les a rejetées et continue de poser des obstacles à un règlement ».
Après avoir réaffirmé l'importance du dialogue « engagé pour la préservation de la stabilité interne », le cheikh Kassem a dénoncé « les joutes oratoires qui servent à provoquer des tensions à des fins en rapport à des postes à pourvoir » dont il a en même temps minimisé l'importance. « Pour nous, cette tension est comparable à des bombes sonores sans valeur. Elle ne sert qu'à mettre des bâtons dans les roues à ceux qui essaient de trouver des solutions », a-t-il dit, en insistant sur le fait que le Hezbollah est « celui qui se soucie le plus du maintien de la stabilité interne ». « Pourquoi vous opposez-vous à l'élection d'un président voulu par son public et par la majorité des Libanais. Si vous voulez une preuve de la majorité, les moyens servant à la démontrer son nombreux », a-t-il averti en s'adressant à ses adversaires politiques.
Lui faisant écho, Nabil Qaouq a accusé le 14 Mars de vouloir « accaparer le pouvoir, rejeter le partenariat et la parité et maintenir le vide présidentiel en s'opposant à la candidature du général Michel Aoun, qui est le plus fort aux plans national et chrétien, à la tête de l'État ». Il a critiqué « le style d'action du courant du Futur qui veut couvrir ses actes avec sa prétendue modération, comme si le masque de la modération qu'il porte lui permettait de nuire au pays et au Liban. (...) Mais le masque est tombé : ceux qui mettent en péril les intérêts des Libanais, qui justifient et qui couvrent les crimes des Saoudiens au Yémen n'ont rien à voir avec la modération et le centrisme », a-t-il dit, en reprochant aussi au courant de Saad Hariri d'avoir « facilité à cause de ses positions le déploiement de l'État islamique et d'al-Nosra dans le jurd d'Ersal ».
« On ne veut pas de n'importe qui »
Au moment où Nawwar Sahili expliquait ce qu'il a appelé « le durcissement de la position du 14 Mars et du courant du Futur en particulier » par le fait que les deux « n'ont pas reçu l'ordre de déblocage de l'Arabie saoudite et d'autres États auxquels ils sont stipendiés », son collègue Nawaf Moussaoui a descendu les déclarations de ses adversaires politiques. « Nous avons été interpellés par un de leurs responsables qui a affirmé qu'il ne pouvait pas accepter n'importe qui à la tête de l'État. Comme lui, nous affirmons que nous n'accepterons pas n'importe qui à la présidence, d'autant que nous avons tenté l'expérience du président consensuel. Nous avons bien vu comment ce président a viré. Nous ne sommes pas près de répéter la même erreur », a affirmé le parlementaire en insistant sur le fait que le nouveau chef de l'État doit « être indépendant et ne pas se laisser soumettre aux pressions ». « Le général Michel Aoun est la personne faite pour cela, en raison de sa liberté de décision et parce qu'il peut réaliser un partenariat authentique ainsi que l'équilibre au sein du pouvoir », a poursuivi Nawaf Moussaoui, avant de faire observer que l'élection d'un président « semble pour le moment impossible ».
Selon lui, si la partie adverse continue de camper sur ses positions, « un appel à l'organisation d'élections législatives anticipées est inévitable ». « On réduira le mandat du Parlement après l'adoption d'une nouvelle loi électorale juste. Les élections qui suivront permettront de recomposer le pouvoir, à commencer par le Parlement pour arriver à la présidence du Conseil et au gouvernement en passant, bien entendu, par la présidence », a expliqué le député qui a plaidé vigoureusement en faveur de la proportionnelle, rejetant les arguments avancés par le 14 Mars pour s'y opposer.
« Le camp adverse s'oppose à la proportionnelle parce qu'elle donne la majorité des sièges parlementaires au Hezbollah. Il est quand même curieux de juger une loi électorale par ses résultats potentiels alors qu'elle doit être jugée en fonction de son degré de représentativité », a déclaré M. Moussaoui. « C'est le courant du Futur qui rejette la proportionnelle parce que ce mode de scrutin lui permet de gagner 65 % des sièges parlementaires (dans les régions sunnites) alors que le système majoritaire lui en assure 90 % », a-t-il déploré, en invitant « les Libanais et notamment les chrétiens à ne pas se laisser berner parce que seule la proportionnelle peut préserver leurs droits ».
commentaires (10)
Ce ne sont pas les ultimatums qui sont vides mais le fonctionnement du pays... il y a quelque chose qui s'appelle le realisme en politique (ou realpolitik). Quand on n'a pas les moyens de ses ambitions, on negocie ou on bloque. Pour l'instant c'est le blocage des 2 cotés et personne ne veux negocier. Mais alors il faut arreter de se plaindre...
Augustin Lorent
18 h 09, le 21 octobre 2015