Le spectacle hier place de l'Étoile ressemblait à celui qui s'était produit au Sérail il y a un mois, lorsque le ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil, avait attaqué en Conseil des ministres et en présence des cameramen des télés locales le chef du gouvernement, Tammam Salam, au sujet du mécanisme de prise de décision en Conseil des ministres, faisant sortir ce dernier de ses gonds. La cible des députés aounistes, hier, était Mohammad Kabbani, président de la commission parlementaire des Travaux publics et de l'Énergie. À l'ouverture de la réunion, alors même que les photographes et les cadreurs étaient toujours dans la bibliothèque du Parlement, où celle-ci se tenait, le député aouniste, Hikmat Dib, a pris à partie Mohammad Kabbani, l'accusant de « laisser filtrer de fausses informations et de mentir sur ce qui se passe au sein des réunions de la commission ». Le ton est acerbe et les accusations sont dures, comme l'a montré le film de l'incident relayé par les médias audiovisuels et les sites électroniques d'informations. La réaction du président de la commission a été tout aussi vive et la prise de bec qui a suivi a vite dégénéré en dispute à laquelle se sont associés les camarades de Hikmat Dib, notamment Ziad Assouad, et ceux de Mohammed Kabbani, Jamal Jarrah et Mouïne Merhebi. Les députés Assouad et Jarrah ont failli en arriver aux mains, n'était-ce l'intervention de leurs collègues. M. Jarrah a quand même reçu à la figure une bouteille d'eau en plastique lancée contre lui par Ziad Assouad. Le tout sur fond d'insultes et d'accusations du genre : « Menteurs, voleurs... »
Mohammad Kabbani a aussitôt levé la séance. Il ne pouvait en être autrement, étant donné la tension qui prévalait et l'état de nervosité des belligérants.
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Le sujet de la querelle ? Le dossier de l'électricité dont la commission s'était saisie consécutivement à la polémique entre les deux ministres de l'Énergie, Arthur Nazarian, et des Finances, Ali Hassan Khalil, pourtant du même bord politique, autour de la gestion de ce secteur et les révélations faites par Mohammad Kabbani à la presse concernant d'éventuels abus commis sous le mandat de Gebran Bassil. La polémique date de septembre. Ali Hassan Khalil avait accusé le ministère de l'Énergie d'avoir illégalement modifié son contrat avec une société danoise, BWSC, chargée de la construction de nouvelles unités de production dans les centrales de Jiyeh et de Zouk, faisant assumer au Trésor des charges supplémentaires injustifiées de l'ordre de plusieurs millions de dollars. Le ministère de l'Énergie accuse, de son côté, les Finances d'avoir suspendu sans raison les paiements à BWSC, qui réclame plus de 130 millions d'euros de pénalités. (Lire ici et ici)
Il y a deux semaines, M. Khalil avait donné des détails en commission sur cette affaire et ses propos ont été rapportés à la presse par le député Mohammad Kabbani. « Si la justice était appliquée dans ce pays, certaines personnes auraient été jetées en prison », avait déclaré le ministre des Finances, cité par Mohammad Kabbani. Une phrase malheureuse que le courant aouniste n'a jamais pardonné aux deux et qui a été à l'origine des invectives de Hikmat Dib et de ses collègues hier. « Que ceux qui veulent ternir notre réputation commencent par payer leurs factures d'électricité », a-t-il lancé à la figure du président de la commission dont le nom avait figuré sur une liste de personnes convoquées par le parquet financier pour cause de factures impayées d'électricité. Le parquet avait pourtant précisé que cette liste n'était pas très exacte et n'avait jamais révélé les noms qui figuraient sur celle que le directeur d'EDL, Kamal Hayek, lui avait remis.
Des réunions ouvertes aux médias
Toujours est-il que la querelle entre aounistes et haririens s'est poursuivie à coups de conférences de presse après la réunion qui s'était tenue en présence des ministres Nazarian et Khalil et du président de la Cour des comptes, Ahmad Hamdane. Selon MM. Jarrah et Kabbani, le bloc de Aoun a « fait exprès de provoquer l'esclandre pour éviter de répondre à la Cour des comptes ». « Leur tactique est devenue une routine. (...) Il est évident que la présence de représentants de la Cour des comptes munis de documents montrant les irrégularités commises au ministère de l'Énergie les a poussés à provoquer ce tapage », a indiqué M. Kabbani, en insistant sur le fait que ses déclarations à la presse « reprennent fidèlement le procès-verbal de la séance ». « Il est regrettable de constater qu'en vingt-cinq ans, le niveau de démagogie n'a jamais atteint ce point au Parlement. (...) Je défie quiconque de trouver une facture que je n'ai pas payée », s'est ensuite emporté le parlementaire avant d'annoncer qu'à partir de la semaine prochaine, les réunions de sa commission seront ouvertes aux médias. Il convient de rappeler à ce propos que conformément au règlement intérieur de la Chambre, les commissions parlementaires tiennent leurs réunions à huis clos.
« J'ai entendu dire par les médias qu'un député a demandé que le président de la commission soit remplacé », l'a interrompu son collègue, Ahmad Fatfat. « Je peux l'assurer que Mohammad Kabbani restera à la tête de la commission à la demande même des députés du CPL qui savent bien que dans le cas contraire des présidents d'autres commissions sauteront. » Et d'ajouter : « Il ne s'agit pas d'un défi, mais du respect d'un équilibre à la tête des commissions. »
Poursuivant ses explications, M. Kabbani a assuré que les propos du ministre des Finances au sujet des abus au ministère de l'Énergie sont consignés dans le procès-verbal de la réunion précédente, en insistant sur le fait que M. Khalil parlait de Gebran Bassil et non pas d'Arthur Nazarian, « un homme honnête ». « Mais que peut-il faire à la tête d'un ministère dirigé par 40 ou 50 conseillers nommés par Gebran Bassil. Je l'avais plaint parce qu'il était contraint de couvrir la caverne d'Ali Baba et des quarante conseillers. (...) Nous n'avons pas lancé de guerre médiatique ou politique. Nous avons ouvert des dossiers », a insisté M. Kabbani, avant que son collègue Jamal Jarrah n'expose le problème. En deux mots, ce dernier a insisté sur le rôle de contrôle du Parlement et rappelé en substance que « le contrat entre BWSC et l'État libanais avait été modifié par le ministère de l'Énergie à l'insu du ministère des Finances, qui avait plus tard demandé à ce que la version modifiée soit envoyée à la Cour des comptes pour approbation. Mais cela ne s'est pas produit, ce qui laisse craindre des marchés suspects. Le ministre des Finances ne peut pas enfreindre les lois et entériner un contrat qui n'a pas l'aval de la Cour des comptes », a expliqué M. Jarrah, qui a également rappelé « une irrégularité » qui coûterait 50 millions de dollars au Trésor, dans le contrat pour la construction de nouvelles unités de production à Deir Ammar. « Toutes ces irrégularités ont été commises par l'ancien ministre de l'Énergie, Gebran Bassil », a-t-il insisté, suivi à la tribune par MM. Mohammad Hajjar et Kazem Kheir, qui sont également tombés sur la gestion du dossier de l'électricité par le Courant aouniste.
commentaires (6)
Pauvre Liban bien aimé .ton chemin va être tres long.tres tres long !!!!!!
Kelotamam
21 h 11, le 06 octobre 2015