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Liban - Réforme

Rifi à « L’OLJ » : Nous nous dirigeons vers la fin des tribunaux d’exception

Le ministre de la Justice propose de créer des juridictions spécialisées en matière de terrorisme.

Le ministre de la Justice, Achraf Rifi. Photo d’archives

Après six mois de travail, une équipe de juges et d'avocats, désignée par le ministère de la Justice, a élaboré un projet de loi qui prévoit d'établir des juridictions pénales spécialisées en matière de terrorisme et autres grands crimes.

Ce projet porte la marque du ministre de la Justice, Achraf Rifi, qui avait fait de l'abolition du tribunal militaire son cheval de bataille. Sans aller jusqu'à abolir le tribunal militaire, « l'environnement politique ne s'y prêtant pas encore », le projet prévoit d'en restreindre le ressort, en lui ôtant toute compétence à juger des civils, explique le ministre dans un entretien à L'Orient-Le Jour. « Le texte proposé ne maintient que les prérogatives normales du tribunal militaire, celles de ne juger que des militaires pour des crimes militaires », explique le ministre.

En outre, le projet apporte une innovation, qui s'inspire des modèles occidentaux : il prévoit d'établir une juridiction pénale spécialisée – c'est-à-dire aménagée au sein du cadre judiciaire ordinaire existant – et de lui transférer la compétence de poursuite, d'enquête et d'examen de tous les crimes associés au terrorisme.
Sachant que cette compétence relève, pour l'heure, de tribunaux exceptionnels, à savoir le tribunal militaire et la Cour de justice, le projet a prévu de maintenir le premier en lui restreignant ses prérogatives et d'abolir définitivement la seconde. « La Cour de justice porte une atteinte flagrante au principe du double degré de juridiction », explique Achraf Rifi.

(Pour mémoire : Avocats et députés du 14 Mars réclament d'une seule voix la révision des prérogatives du tribunal militaire)

Par conséquent, dès l'entrée en vigueur du projet de loi (que le ministre promet d'obtenir, « tôt ou tard » ), les dossiers relatifs au terrorisme qui seraient en cours d'examen devant la Cour de justice seront systématiquement transférés à la juridiction spécialisée. Les dossiers pendants devant le tribunal militaire seront en revanche maintenus devant lui.

L'objectif est d'initier « le processus de modernisation et d'autonomisation de la justice libanaise, et son harmonisation avec le droit international pénal », explique Achraf Rifi.
Ainsi, le texte proposé « introduit, pour la première fois dans l'histoire judiciaire libanaise, le concept de tribunaux pénaux spécialisés, qui achèvent, irrévocablement, l'épisode des tribunaux exceptionnels et toutes ses tares », précise-t-il. « Le temps des tribunaux d'exception est révolu », estime-t-il.

Il faut savoir que la juridiction spécialisée viendra se greffer sur la structure judiciaire existante : des instances spécialisées en matière de terrorisme s'ajouteront aux instances ordinaires (le parquet, l'instruction, les tribunaux...). Y siégeront des juges du corps judiciaire, déjà en exercice, mais ayant acquis une expertise en matière de terrorisme, grâce à une sélection et une formation préalables.

Nouvelle définition du terrorisme

Sept catégories de crimes liés au terrorisme relèveront de leur ressort : les crimes contre la Sûreté de l'État, les crimes terroristes, les crimes portant atteinte à l'unité nationale, la création de bandes armées visant à perpétrer des crimes d'agression ou à inciter à la haine confessionnelle et à la guerre civile, ainsi que les crimes qui soutiennent ou financent le terrorisme, le trafic d'armes et de munitions, la traite des personnes et les crimes de blanchiment d'argent.
Ces crimes sont définis dans les lois libanaises existantes, notamment le code pénal.

(Pour mémoire : Le tribunal militaire, un « archaïsme » accusé de creuser encore plus le fossé entre les Libanais)

Néanmoins, en ce qui concerne le crime de terrorisme, le projet de loi apporte une définition nouvelle, plus large que celle du code pénal libanais, celle-ci étant à ce jour limitée aux actes terroristes perpétrés avec des explosifs. La nouvelle définition du terrorisme est l'un des apports principaux du projet de loi : son article 2 énonce que « le crime terroriste correspond à tout acte de sabotage, organisé ou non organisé, émanant d'un individu ou d'un groupe d'individus, perpétré par tout moyen, dans le but de terroriser la société et d'en troubler la sécurité, ainsi que la sûreté économique, sociale ou politique de l'État et de saper la paix civile et nationale ». Cette définition, présentée comme « précise et moderne » dans l'exposé des motifs du projet de loi, a effectivement pour mérite de puiser, dans les définitions existantes du terrorisme dans le monde, des éléments pertinents, à l'heure où aucune définition ne fait encore l'unanimité internationale.

Parallèlement au fait d'examiner des crimes « définis avec précision », les juridictions spécialisées devront garantir un procès équitable. « Désormais, ce ne sont plus des militaires qui examineront les crimes de terrorisme, mais uniquement des juges civils », relève Achraf Rifi.

En outre, « nous avons voulu donner la possibilité à toute personne ayant subi un préjudice à la suite d'un attentat terroriste (dommages aux biens ou autres) de porter plainte devant le tribunal spécialisé », ajoute-t-il. « Même si cela risque d'ouvrir la voie à un nombre important de plaignants, l'impératif d'une justice égalitaire prévaut », déclare-t-il.

D'une manière générale, le texte proposé répond au double souci de « respecter les critères internationaux de la justice et des droits de l'homme », et « d'accompagner l'évolution du droit international en termes de lutte contre le terrorisme ».
Selon le ministre, il n'y aurait donc pas lieu de craindre que la justice spécialisée ne se transforme en instrument autoritaire de l'État. « L'esprit de notre projet s'inspire de la culture démocratique, qu'il tend à garantir au maximum », souligne le ministre de la Justice.


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Après six mois de travail, une équipe de juges et d'avocats, désignée par le ministère de la Justice, a élaboré un projet de loi qui prévoit d'établir des juridictions pénales spécialisées en matière de terrorisme et autres grands crimes.Ce projet porte la marque du ministre de la Justice, Achraf Rifi, qui avait fait de l'abolition du tribunal militaire son cheval de bataille. Sans...

commentaires (1)

Et pour le terrorisme financier souterrain ,du bakchich système ...cette court spécialisée pourra t'elle être compétente en ce domaine...?

M.V.

10 h 25, le 17 août 2015

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Commentaires (1)

  • Et pour le terrorisme financier souterrain ,du bakchich système ...cette court spécialisée pourra t'elle être compétente en ce domaine...?

    M.V.

    10 h 25, le 17 août 2015

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