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Culture - Exposition

Entrer avec Mona Hatoum, puis sortir tout secoué...

Une expérience corporelle de la rétrospective de l'artiste à Pompidou : retour sur un riche et foisonnant parcours, de 1977 à 2015.

« Measures of Distance », 1988.

Engagement, violence et humour : trois mots-clés qui caractérisent la complexité du travail de Mona Hatoum, actuellement exposé au Centre Pompidou à Paris pour la première grande rétrospective de l'artiste.
Étant donné son origine palestinienne et sa naissance au Liban, le travail de Mona Hatoum est généralement interprété de manière univoque, évoquant les thèmes de l'identité et de la géopolitique du Moyen-Orient. Dans le documentaire projeté à l'occasion de l'exposition, l'artiste explique que cette perspective, bien que justifiée, est incomplète pour comprendre son œuvre. Il y a bien une prise de position politique lorsqu'elle expose, à la Galerie Anadiel à Jérusalem, un puzzle de savons fabriqués à Naplouse, dans lesquels des perles rouges sont incrustées, dessinant les territoires qui devaient être restitués à l'autorité palestinienne à la suite des accords de paix de paix d'Oslo en 1993, archipels désespérément éparpillés. L'influence est visible également dans son Jardin suspendu, composé de sacs de sable empilés, ou dans Impénétrables, œuvre cinétique en fils barbelés, visions familières au Moyen-Orient. Mais au-delà de ces références précises, la violence et les contradictions qu'elle met à jour sont bien plus universelles. Britannique, elle vit aujourd'hui entre Londres et Berlin, et explique qu'elle « a vécu une expérience culturelle hybride, une existence plurielle. Je pense que cela se reflète clairement dans la diversité formelle et les approches multiples qui se font jour dans mon travail », dit-elle.

Colo, endo, écho
En parcourant l'exposition, c'est avant tout une expérience physique que l'on éprouve. La déambulation à travers l'œuvre de Mona Hatoum n'est pas une promenade de santé. Dès le début, sa voix, émanant d'une installation vidéo, retentit en boucle : « So much I want to say », difficile de ne pas l'entendre. Ensuite, Corps étranger plonge directement le spectateur dans le corps de l'artiste, dans lequel elle le fait littéralement pénétrer avec des techniques d'observation médicale telles que la coloscopie, l'échographie, ou l'endoscopie. Des impressions d'étrangeté, de dégoût, d'horreur assiègent ce spectateur, emporté malgré lui dans cette percée organique qui tourbillonne comme un cyclone.

Très différente, la série des ordinaires râpe-légumes, agrandis à proportion humaine, deviennent soudain très menaçants, lorsqu'on projette notre corps sur ces engins de torture légumiers.
L'œuvre ébranle le spectateur, dont la position représente une potentielle bombe à retardement. L'impressionnante Map (clear), formée de billes de verre transparentes, constitue une vision trompeuse : séduisante par son esthétique, elle cache une dangereuse instabilité. Les billes n'étant pas fixées au sol, les pas des spectateurs sont les secousses d'une présumable catastrophe, lorsque les continents menacent de se confondre. Dans Recollection, on voit d'abord une machine à tisser et de délicates boules de cheveux jonchant le sol. Mais lorsque l'on s'introduit dans la pièce, on est aussitôt arrêté par la suspension de cheveux, ceux de l'artiste, qui traversent l'espace telles des grilles invisibles, qu'il faut éviter comme un parcours d'obstacles. Avec ce rapport direct au spectateur, Mona Hatoum instaure une proximité qui bouleverse la stabilité du public et initie le questionnement.

Mais il faut aussi rappeler qu'une partie de son travail vient tempérer la gravité de son ton. Souvent qualifiées de surréalistes, certaines œuvres touchent de manière ludique. Avec humour et légèreté, le tapis Undercurrent rouge déploie ses tentacules dans l'espace, monstre respirant au rythme d'ampoules qui palpitent. Enfin, clin d'œil à l'univers décalé de Magritte, une toison pubienne pousse à travers les perforations de la chaise de Jardin Public et « pubic ».
Un humour farceur prenant à... rebrousse-poil la gravité des thèmes abordés. Une exposition à sensations fortes, non sans effets secondaires.

*L'exposition tournera ensuite à la Tate Modern de Londres puis au Kiasma à Helsinki.

 

Pour mémoire
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Mona Hatoum et Etel Adnan à l'honneur au Mathaf de Doha

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