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Liban - La situation

Prise dans le maelström des déchets, la rue risque de perdre la boussole

Tammam Salam, hier, en compagnie de la délégation du comité des ulémas musulmans. Photo Dalati et Nohra

Une expression récurrente, hier, dans les discours politiques : « On est à court de temps. » La crise des déchets ne semble pas près d'un rafistolage de dernière minute, ou d'une éclaircie inattendue, comme cela est de mise au Liban.

L'absence d'une solution de dernière minute trahit donc, a contrario, une volonté de laisser s'aggraver la crise.
Néanmoins, certaines parties, comme les députés de Beyrouth, réunis hier avec le ministre de l'Environnement, s'agrippent à toute solution qui sorte la capitale de son « état de siège ». Ils plaident pour l'exportation des déchets par voie maritime, la dernière des solutions d'urgence, et pressent le ministre de l'Environnement de l'adopter.
La première étape de l'exportation serait donc une décision officielle en ce sens, de la part du ministre concerné. Pour l'instant, il aurait seulement reçu des offres non écrites d'au moins cinq sociétés européennes (française, espagnole, allemande, hollandaise...). Des experts français auraient déjà effectué le déplacement au Liban, apprend-on de source autorisée.
À l'élaboration écrite de l'offre succède son examen sérieux de la part des autorités libanaises, qui nécessite un temps minimal. De nombreuses conditions liées à l'état des déchets à exporter (triés, empaquetés, desséchés...) sont fixées par les sociétés en question, d'autres conditions, sanitaires ou autres, sont exigées par le pays d'accueil (l'absence de matières radioactives...), et les conventions internationale existantes sur les échanges par voie maritime ne sont pas à occulter, relève une source autorisée.


(Lire aussi : Riad el-Assaad propose pour Beyrouth une solution qui ne laisse que 10 % de résidus)


Si, par hypothèse, cette étape est expédiée, il reste à voir si le Liban serait en mesure d'honorer ses engagements avec la société contractante : la question du coût est relevée par plus d'une partie politique, mais aussi le problème du tri des déchets, préalablement à leur exportation. « Résoudre le problème du tri rendrait inutile l'exportation des déchets : si le dépotoir de Naamé n'avait reçu que des ordures triées, c'est-à-dire non organiques, nous n'en serions pas là », précise à L'Orient-Le Jour le ministre Nabil de Freige. Autrement dit, la solution de l'exportation nécessiterait, au préalable, de parer aux failles du tri des déchets, qui sont justement à l'origine de la crise. « Nous nous trouvons pris dans un cercle vicieux », affirme le ministre. D'ailleurs, c'est le tri et non le ramassage des ordures qui est la principale source de détresse des municipalités, laissées seules face à la crise.
Bien que suscitant des réserves, l'exportation reste la seule alternative à la gestion locale des déchets et la seule issue qui se présente face au refus général des cazas, non seulement d'accueillir des déchets de la capitale, mais d'aménager des décharges pour leurs propres ordures. « Je ne comprends pas en quoi une carrière désaffectée dans le Kesrouan, qui accueillerait les 400 tonnes d'ordures quotidiennes du caza, serait nuisible. La même question se pose pour les 450 tonnes de déchets au Metn », s'insurge Nabil de Freige.

Ce refus pourrait être motivé par la crainte des cazas de voir se prolonger, chez eux, une solution soi-disant provisoire, et de subir une réédition de l'expérience de Naamé. À cela, le ministre répond en faisant remarquer que « les tonnes de déchets quotidiennes sont jetées dans les plaines, les vallées et sous les ponts des cazas en question. N'est-il pas préférable de les rassembler dans un même lieu au lieu de les disperser en pleine nature ? ».
Le Parti socialiste progressiste et Amal continuent, pour leur part, de s'indigner face à l'impossibilité de décharger nos déchets sur notre territoire.
Une impossibilité que rappellent, chaque jour, des manifestations itinérantes qui s'expriment par le blocage des routes. La grogne populaire légitime et débordante constitue un terrain propice à l'instrumentalisation politique.


(Lire aussi : Pour Hajj Hassan, la crise des déchets est le symbole de l'échec de l'ensemble des forces politiques sur deux décennies)


Alors que se confirme le scénario de l'ouverture, dès mercredi, d'une période de répit ministériel – les convocations aux réunions seront suspendues –, qui permettra de contourner, jeudi, la première échéance des nominations sécuritaires du départ à la retraite du chef d'état-major – lequel sera reporté par une décision du ministre de la Défense –, la réaction du Courant patriotique libre reste encore incertaine. La menace d'un recours à la rue persiste, et pourrait trouver un public plus large, dans une situation de bouillonnement populaire. Il est possible de voir se constituer une mouvance populaire où droits des chrétiens et revendications socio-économiques se confondent. Une mouvance qui serait l'aboutissement « du processus, délibéré ou non, de destruction des institutions », contre lequel a mis en garde hier le ministre Waël Bou Faour à Aïn el-Tiné.
Mettant le doigt sur l'instrumentalisation du dossier des déchets, le ministre Nabil de Freige s'est demandé si « la nomination d'un nouveau chef d'état-major résoudrait la crise des déchets ».

Mais il est des indices que l'escalade aouniste sera, cette fois encore, contenue. La stabilité du pays et le maintien du gouvernement restent des lignes rouges intangibles, défendues par les puissances internationales. La visite de solidarité, hier, des ulémas au Grand Sérail, qui ont mis en garde contre le fait de « toucher au prestige de la présidence du Conseil », devrait rappeler les retombées, sur la rue sunnite, et, partant, sur l'ensemble du pays, d'une éventuelle chute du cabinet Salam.

 

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commentaires (4)

"La rue risque de perdre la boussole, et de se perdre dans toute cette Merde.

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

14 h 34, le 04 août 2015

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Commentaires (4)

  • "La rue risque de perdre la boussole, et de se perdre dans toute cette Merde.

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    14 h 34, le 04 août 2015

  • Nabil de Freige ; " Et si la nomination d'un chef d'état-major résoudrait la crise des déchets." Déduction, échange d'un chef d'état-major contre des zbélis ! Cela me rappelle quand, jadis, des marchands ambulants parcouraient les villages du Kesrouan en proposant aux ménagères d'échanger des vieilles chaussure contre des "adami" pois-chiches grillés salés.

    Un Libanais

    12 h 34, le 04 août 2015

  • LE PEUPLE ET LE PAYS... ONT DÉJÀ PERDU LA BOUSSOLE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 52, le 04 août 2015

  • "Chute du cabinet Salam" ? Alors que resterait-il ? Les singeries politiques des uns et des autres dans le néant absolu.

    Halim Abou Chacra

    04 h 08, le 04 août 2015

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