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Liban - Déchets ménagers

Riad el-Assaad propose pour Beyrouth une solution qui ne laisse que 10 % de résidus

La nouvelle ouverture des plis pour l'appel d'offres de la gestion des déchets de Beyrouth aura lieu vendredi. L'entrepreneur Riad el-Assaad explique les raisons de sa participation, sachant que la capitale n'a pas encore eu d'offres sur deux rounds.

Riad el-Assaad.

Parallèlement à la crise des déchets qui s'empilent dans les rues à Beyrouth et dans le Mont-Liban, et face à une inertie gouvernementale particulièrement frappante, l'appel d'offres à l'intention de sociétés privées devant prendre en charge les six régions définies par le plan national de gestion des déchets (adopté en janvier) suit son cours. L'absence d'offres pour Beyrouth, après deux appels d'offres, avait inquiété plus d'un (une clause du contrat, qui obligeait l'entrepreneur à trouver un site de décharge, y est pour beaucoup). Dans ce contexte, et alors que la prochaine ouverture des plis doit avoir lieu vendredi, l'entrepreneur Riad el-Assaad a annoncé publiquement (sur les réseaux sociaux notamment) qu'il présenterait un dossier. À L'Orient-Le Jour, il explique les raisons de sa démarche et sa vision de l'avenir du dossier brûlant des déchets ménagers.

Pourquoi se présenter pour Beyrouth, deux appels d'offres plus tard ? « Il est significatif que l'on ait désigné le cas de Beyrouth comme étant insoluble, comme si les entrepreneurs attendaient un feu vert pour se présenter, répond Riad el-Assaad. Pour ma part, Beyrouth était en principe hors de ma capacité. De plus, il semble qu'un certain système politique local veuille se réserver la gestion des déchets de la capitale. Enfin, si Sukleen devait se présenter, il aurait été difficile de la battre en raison de son infrastructure opérationnelle. J'ai pensé que ma candidature aiderait à faire baisser les prix proposés par Sukleen et l'obliger à considérer d'autres techniques de traitement. »

Selon lui, le bilan d'un système qui a duré dix-sept années est sombre : des rues propres mais, un peu plus loin, un traitement qui laisse à désirer et des caisses vides, « des facteurs que nous ressentons de façon très aiguë dernièrement », dit-il, sans compter un manque d'infrastructure au niveau des municipalités, pas de décharges prêtes... et une phobie générale du sujet.
« Le cahier des charges pour Beyrouth a été conçu à la taille de Sukleen », poursuit Riad el-Assaad. Mais c'est la compagnie elle-même qui a estimé qu'il était inapplicable... « En effet, donc s'il est inapplicable pour elle, c'est qu'il l'est pour tous les autres, souligne-t-il. Il s'agissait d'un parfait prétexte pour prolonger son contrat encore une fois. » Mais cette fois, selon lui, « le jeu politique et l'entente qui avaient toujours protégé Sukleen lui ont fait défaut, d'où le lancement de l'appel d'offres, la fermeture de la décharge de Naamé et l'ouverture des plis ».
« J'y ai vu une opportunité pour ma société, souligne-t-il. Je veux aussi prouver que le système qui nous a gouvernés n'est pas une fatalité. De plus, je pense que la technologie que je propose doit être sérieusement considérée pour Beyrouth : une usine qui ne laisse que 10 % de résidus et qui propose un service moins cher. »

 

(Lire aussi : Prise dans le maelström des déchets, la rue risque de perdre la boussole)

 

 La nécessité d'une « volonté politique claire »
La technologie pour laquelle Riad el-Assaad a opté est celle du RDF ( « Refuse Derived Fuel » : combustible dérivé des déchets, lire ici). « Il faut trier les déchets, les fractionner, les assécher, ce qui donne un mélange avec un contenu calorifique donné, suivant l'usage qu'on veut en faire : combustible dans les cimenteries, utilisation pour la production d'énergie ou exportation suivant les normes européennes, dit-il. Je trouve que c'est une bonne solution pour le Liban (voir encadré ci-dessous pour un autre avis). Nous avons invité un audit norvégien pour surveiller la mise en place du projet. C'est très important, non seulement pour les partenaires ou pour les financeurs, mais aussi pour le ministère de l'Environnement auquel je vais présenter mon dossier vendredi. »
Riad el-Assaad précise que le projet d'usine RDF qu'il avait conçu précédemment pour le Chouf devait prendre six mois. Pour Beyrouth, une durée de huit mois serait nécessaire, toujours selon lui, même si la production du RDF en soi commencerait avant les deux mois supplémentaires. Une telle usine sera doublée d'un centre de tri, ajoute-t-il.

 

(Lire aussi : Déchets ménagers : pourquoi on en est arrivé là)



À quoi s'attend-il d'ici vendredi ? Une offre par un autre entrepreneur tel que Jihad el-Arab, dont le nom est souvent cité ? « J'espère qu'il y aura d'autres offres mais je n'en sais rien, dit-il. On dit que Veolia devrait se présenter, étant donné que c'est une grande compagnie française qui n'attise pas les susceptibilités. Je n'ai pas d'autres détails sur d'éventuels partenaires locaux. Reste à voir. »

Où allons-nous, selon lui ? « Quel que soit l'entrepreneur et la technique adoptée, il lui faudra au moins un mois pour lancer le travail à Beyrouth, même si c'est pour emballer les déchets et les exporter, une option loin d'être évidente, dit-il. Il aura aussi besoin de s'assurer de l'approbation des différentes forces politiques afin de pouvoir fonctionner. Qu'arrivera-t-il entre-temps aux ordures à Beyrouth ? Dans tous les cas, il faut qu'il y ait une volonté politique claire qui impose un plan d'action. Sera-ce le cas ? »
Il ajoute : « Je refuse que les déchets aient une identité confessionnelle, que les déchets de Beyrouth soient considérés comme"sunnites", d'où le fait qu'on a envisagé de les enfouir dans des régions comme Akkar ou Saïda. Le refus des habitants de ces régions est significatif à ce propos. »

Face à un ancien système bien établi qui « fait de la résistance », selon ses propres termes, comment tient-il bon?
Il est réputé proche du député Walid Joumblatt, avec qui il devait mettre en place un projet de gestion des déchets ménagers à Sibline, qui a été abandonné suite aux pressions de la rue. Lui assure-t-il une couverture politique ? « Pas du tout, répond Riad el-Assaad. J'ai toujours eu mes propres projets, cette amitié de dix ans n'a rien à voir. Le projet que nous avions entrepris ensemble est un projet privé sur ses terres, rien d'autre. »

 

(Lire aussi : Entre ONG et municipalités, une collaboration locale pour le tri et le recyclage)

 

Une solution qui n’est pas une panacée, selon une experte

Sur l'adoption de la technologie du RDF pour les déchets des villes au Liban, Fifi Kallab, experte en sociologie de l'environnement, reste dubitative. « Ce n'est pas une technologie efficace pour tous types de déchets, explique-t-elle à L'Orient-Le Jour. Il faut savoir quels déchets seront soumis à ce traitement et suivant quels critères, qui doivent être très stricts. » « Les déchets organiques, les déchets recyclables et les déchets inertes ne posent aucun danger dans tous les cas, s'ils sont traités de manière adéquate, précise-t-elle. Le plus important, pour toute personne qui veut proposer une solution, c'est de dire ce qu'elle compte faire des déchets dangereux comme les médicaments périmés par exemple. Sans cela, rien n'est réglé. »
Pour Fifi Kallab, « tout traitement qui suppose une exposition à une très haute température s'apparente à de l'incinération, quel que soit le nom qu'on lui donne, d'où l'intérêt des précautions supplémentaires à prendre ». Elle fait cependant remarquer qu'un simple système basé sur le tri, le recyclage et le compostage serait tout aussi applicable pour une ville et ne nécessite pas non plus une décharge. « Il reste les matières dangereuses qui, selon moi, sont les seules qu'on aurait intérêt à exporter », dit-elle.

 

 

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commentaires (2)

MÊMES LA CRISE DES DÉCHÊTS EST EXPLOIÉE... PAR LES "DÉCHÊTS" !!!

LA LIBRE EXPRESSION

18 h 28, le 04 août 2015

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Commentaires (2)

  • MÊMES LA CRISE DES DÉCHÊTS EST EXPLOIÉE... PAR LES "DÉCHÊTS" !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    18 h 28, le 04 août 2015

  • Gouvernement d'ignares sur tous les dossiers, sécurité, pétrole au large, électricité, eau, ordures, routes, you name it!!!!!! Bons qu'à piller ce qui reste du pays. Heureusement que les libanais sont des résilients.

    Christine KHALIL

    17 h 26, le 04 août 2015

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