Rechercher
Rechercher

Liban - Décryptage

La rue, ultime recours du CPL

Une fois de plus, les yeux de la République sont fixés sur le général Michel Aoun et sur les menaces qu'il a lancées si le Premier ministre et le camp qui l'appuie continuent à ignorer ses demandes. Les détracteurs du « général » l'accusent ainsi de mettre la stabilité du pays en danger et de chercher à bloquer la dernière institution publique qui fonctionne encore, à savoir le Conseil des ministres... pour des raisons « peu convaincantes ».

Pour ce camp, en effet, il serait bien plus simple, au lieu de paralyser le pays en raison de la vacance présidentielle, de se rendre au Parlement et d'élire un nouveau président de la République. D'autant que les propos tenus par Aoun et par ses proches sont considérés comme « très violents et menaçants pour l'entente interne ». Les proches de Aoun, eux, considèrent qu'il ne fait pourtant que réclamer pour les chrétiens les mêmes droits que pour les autres communautés, en particulier la possibilité de choisir, pour les représenter au sein de l'appareil de l'État, le plus populaire d'entre eux, exactement comme c'est le cas pour les sunnites, les chiites et les druzes. Et pour ceux qui contestent sa propre popularité, il a proposé d'organiser un référendum ou sondage au sein de la communauté qui déterminerait, sur la base du choix des chrétiens eux-mêmes, le plus populaire d'entre eux. Les proches du « général » s'étonnent que cette logique suscite de telles critiques et que la moindre revendication chrétienne soit accueillie par de si vives protestations. Comme si, depuis l'accord de Taëf, les chrétiens n'ont plus le droit que de baisser la tête et de courber l'échine. Pourtant, sur le papier, cet accord leur octroie les mêmes droits que les autres communautés, sauf que, dans la pratique, la majorité de leurs députés est élue par les voix des autres communautés alors que chaque nomination chrétienne à une haute fonction publique exige l'approbation des autres composantes communautaires du pays, sachant que l'inverse n'est pas vrai. Pendant des années, les chrétiens, affaiblis par la mise à l'écart de leurs leaders et par la tutelle syrienne, ont accepté ce fait comme une fatalité, d'autant qu'en 1992 les élections législatives ont eu lieu en dépit de leur boycott. Avec le départ des troupes syriennes du Liban en avril 2005, ils croyaient qu'enfin la politique systématique d'exclusion qui les frappait allait cesser. Mais il n'en a rien été et elle s'est poursuivie d'une autre façon, avec toujours l'interdiction pour les chrétiens d'avoir une influence indépendante des autres composantes, au sein de l'appareil de l'État.

Avec les développements dramatiques dans la région et les menaces qui pèsent sur les minorités religieuses et ethniques, Aoun et son camp croyaient le moment propice pour restaurer les droits spoliés de la communauté chrétienne. Mais dès qu'ils évoquent ce sujet, les différentes parties oublient leurs profonds différends pour se liguer contre eux et rejeter leurs demandes. Les sources proches de Rabieh se demandent ainsi pourquoi toute la classe politique (ou presque) s'élève aujourd'hui contre les intentions aounistes de descendre dans la rue et de bloquer la route du Sérail gouvernemental, ou d'autres lieux symboliques ou névralgiques, pour obtenir les droits des chrétiens alors qu'une seule des familles des militaires enlevés ferme des routes importantes sans que nul ne songe à le lui reprocher. De plus, en 2007, lorsque les ministres chiites, plus le ministre Yaacoub Sarraf, se sont retirés du gouvernement présidé par Fouad Siniora, les chiites sont descendus dans la rue et ont effectué un long sit-in au centre-ville, parce qu'ils ont estimé que leurs droits étaient spoliés par un gouvernement qui ne respectait plus l'esprit d'entente et de participation de toutes les communautés. Même chose en 2011, lorsque les sunnites du courant du Futur sont descendus dans la rue pour protester contre le gouvernement Mikati, accusé de ne pas être représentatif de la communauté...

Pourquoi, dans ce cas, lorsque le CPL, et le bloc du Changement et de la Réforme en général veulent utiliser les mêmes procédés, ils sont accusés de tous les maux et surtout de menacer la stabilité interne ? À ceux qui leur rappellent que tous les chrétiens ne sont pas d'accord avec leurs revendications, les proches de Rabieh répondent que c'était aussi le cas pour les chiites et les sunnites. Même si aujourd'hui les plus importantes formations chrétiennes sont d'accord sur la nécessité de redonner leurs droits aux chrétiens, chacune à sa manière. Pour les proches de Rabieh, depuis l'adoption de l'accord de Taëf, on cherche constamment à rappeler aux chrétiens qu'ils ont perdu la guerre, alors que le texte de la Constitution ne dit rien de tel. De toute façon, si aujourd'hui tout le monde est conscient de l'importance de préserver le Liban dans sa diversité et son partage unique des pouvoirs, à un moment où la région tout entière est menacée par une barbarie venue d'un autre âge, qui balaie tout sur son passage, il faut donner à chaque communauté ses droits et lui permettre de s'épanouir. Par contre, les frustrations et l'attitude d'exclusion ne peuvent qu'entraîner de nouvelles catastrophes. Les proches de Rabieh estiment qu'ils ont suffisamment expliqué leur position et alerté les différentes parties politiques. Désormais, si le refus de les entendre se poursuit, notamment dans le cadre de la réunion gouvernementale prévue jeudi, ils comptent commencer à exécuter leur plan d'action de protestation dans la rue.

 

Lire aussi
Pleurnicher avec Aoun, l’édito d'Élie Fayad

La mobilisation de Aoun cherche-t-elle à contrer l'inéluctable ?, l’éclairage de Philippe Abi-Akl

Les tentatives de remuer la rue chrétienne s'accompagnent d'efforts pour contenir la rue sunnite

Les ministres du CPL peuvent-ils imposer un ordre du jour au gouvernement ?

Une fois de plus, les yeux de la République sont fixés sur le général Michel Aoun et sur les menaces qu'il a lancées si le Premier ministre et le camp qui l'appuie continuent à ignorer ses demandes. Les détracteurs du « général » l'accusent ainsi de mettre la stabilité du pays en danger et de chercher à bloquer la dernière institution publique qui fonctionne encore, à savoir le...

commentaires (6)

La manifestation de la rue est la suite logique du sondage d'opinion....en pire!

Beauchard Jacques

13 h 02, le 07 juillet 2015

Tous les commentaires

Commentaires (6)

  • La manifestation de la rue est la suite logique du sondage d'opinion....en pire!

    Beauchard Jacques

    13 h 02, le 07 juillet 2015

  • Depuis quatorze mois, Michel Aoun et ses supplétifs boycottent l'élection présidentielle. La solution passe uniquement par là. Ils sont là pour passer à la caisse chaque fin de mois sans aucune pudeur. Qu'ils viennent à la prochaine séance électorale pour élire un Président consensuel, propre, souhaité par tous. C'est aussi simple que ça. Rien ne sert de tourner autour du pot en menaçant, en vociférant, en insultant...

    Un Libanais

    12 h 27, le 07 juillet 2015

  • Pauvres chrétiens du Liban et lamentable stratégie que celle choisie pour récupérer leurs droits aujourd'hui...Est-ce-que ceux qui menacent à cor et à cri de descendre dans la rue pour jouer les Robin des bois, ont oublié par hasard qu'ils s'étaient alliés corps et âme, depuis dix ans, avec ceux qui, par la force de leurs baionettes, ont systématiquement pris en otage le pouvoir des chrétiens, et l'ont complètement neutralisés depuis plus de trente ans. Il est temps que cesse cette mascarade, le Général leader, mérite bien mieux en fin de parcours...!

    Salim Dahdah

    10 h 51, le 07 juillet 2015

  • S'IL VEUT SE POSER... LE PARAVENTISSIME... EN HÉROS DES CHRÉTIENS, IL N'A QU'À ACCEPTER L'ÉLECTION DÉMOCRATIQUE D'UN PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE. POUR TOUTE AUTRE PROPOSITION FAITE IL SAIT D'AVANCE QU'ELLE BUTERAIT SUR LE NON DES AUTRES COMMUNAUTÉS LESQUELLES POURTANT NOMMENT DE LA FAçON DONT IL PENSE... MAIS SANS MÊME SONDAGE... LES LEURS ! ALORS, APPRENEZ, VOUS TOUS CHEFS CHRÉTIENS, À NE PAS LAISSER LES AUTRES FAIRE DORÉNAVANT CE QUE EUX NE VOUS LAISSENT PAS FAIRE !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 36, le 07 juillet 2015

  • En effet, chacun revient à ses origines....

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    09 h 55, le 07 juillet 2015

  • Décryptage 100% "pleurnicherie".

    Halim Abou Chacra

    04 h 44, le 07 juillet 2015

Retour en haut