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Moyen Orient et Monde - Analyse

Ce qu’ont réellement semé les Américains en Irak

Le 1er mai 2003, le président américain Georges W. Bush déclarait la mission accomplie. 13 ans après, l'Irak, laboratoire d'essai de la théorie du « chaos créateur », est toujours dans la tourmente.

L’armée américaine a quitté l’Irak en décembre 2011, près de neuf ans plus tard. Martin Bureau/AFP

En 1997, dans son ouvrage Le Grand Échiquier, le politologue américain Zbigniew Brzezinski, ancien conseiller à la Sécurité nationale du président des États-Unis Jimmy Carter, énonce clairement que pour maintenir leur position hégémonique au sein du système international, les États-Unis doivent tenir en échec les velléités de puissance des acteurs régionaux au Moyen-Orient. Après l'invasion du Koweït puis la guerre de la coalition contre l'Irak de Saddam Hussein en 1991, cela signifie dans une large mesure empêcher l'Irak d'accéder à une position dominante sur la scène régionale. Cette vision géopolitique de l'Irak et du rôle de pivot auquel aspire Bagdad sous Saddam Hussein explique la méfiance croissante des États-Unis de la guerre de 1991 à celle de 2003, en passant par l'intervention aérienne américaine baptisée Desert Strike entre août et septembre 1996.


Au lendemain du 11 septembre 2001, la préférence de certains membres de l'administration Bush, comme le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld et son assistant Paul Wolfowitz, pour une guerre contre l'Irak en 2003, en dépit de l'absence de tout lien avéré avec les attentats, révélera que les motifs d'invasion de l'Irak sont d'ordre géopolitique. La vision réaliste recherchait les moyens de garantir la pérennité de l'hégémonie américaine, il s'agit d'une question de puissance nationale comme l'expliquera Phillis Bennis, analyste spécialiste du Moyen-Orient pour le magazine Foreign policy, et membre de l'Iraq Speakers Bureau dans son article Understanding the US-Iraq Crisis. Pour Zbigniew Brzezinski, l'« expansion de la puissance américaine, idée centrale de la politique étrangère de Bush, implique de redessiner la carte du Moyen-Orient. Cette perspective implique le contrôle américain de l'Irak ». Les théoriciens néoconservateurs mettront en application la théorie de l'instabilité constructive pour générer des tensions, affaiblir ainsi l'État central et contribuer à sa désintégration.

 

(Lire aussi : En Irak, le site d'un massacre de l'EI devient un lieu de pèlerinage)

 

Chaos créateur
Myriam Benraad, politologue, spécialiste de l'Irak et auteur du livre Irak, La revanche de l'histoire, de l'occupation étrangère à l'État islamique, revient sur la notion de chaos créateur, versant de la doctrine de la « guerre permanente », comme thème central de l'intervention en Irak. Les néoconservateurs, qui reprennent à leur compte la thèse d'Huntington sur le « choc des civilisations » et celle de Fukuyama sur la « fin de l'histoire », misent sur le renversement du régime de Saddam Hussein pour faire triompher la démocratie au plan politique et l'économie libérale de marché. « Au cœur de cette thérapie de choc appliquée au monde arabe, figure la centralité de la question israélo-arabe. Les néoconservateurs, après l'échec du processus d'Oslo entre Israéliens et Palestiniens, considéraient qu'il fallait transformer le Moyen-Orient avec pour point de départ l'Irak. Dans une vision très inspirée du modèle ex-soviétique, ils soutenaient que la nouvelle démocratie irakienne se propagerait à l'échelle du monde arabe, dernière région opposant une résistance à la fin de l'histoire », rappelle Myriam Benraad. Le troisième dessein de Washington était de favoriser l'ascension au pouvoir d'Irakiens de confession chiite opposés au régime de Saddam Hussein, comme moyen d'un renversement consécutif du régime islamique iranien. Dans les projections américaines, un pouvoir détenu par des Irakiens de confession chiite favorables à Washington aurait inéluctablement fragilisé le régime de Téhéran et menacé sa survie. « Cette vision a eu des effets désastreux et semé les germes d'une violence sans fin. Les Américains ont une responsabilité écrasante dans la déstabilisation du monde arabe initiée depuis l'Irak et qui a produit récemment un retour en force de l'autoritarisme dans sa forme la plus débridée », précise la chercheuse.

 

(Lire aussi : Au Moyen-Orient, les rivalités politiques radicalisent le discours confessionnel)

 

Réponse forte
Dans un premier temps, les États-Unis ont soutenu activement le gouvernement de Nouri al-Maliki et sa politique de marginalisation des sunnites d'Irak. À l'origine, la thèse portée par les néoconservateurs est celle d'une « connexion » entre Ben Laden et Saddam Hussein, dans leur stratégie de mise à bas d'un sunnisme incarnant l'autoritarisme et le terrorisme.


Myriam Benraad explique le rôle de l'opposition chiite dans ce processus de marginalisation « en assimilant le sunnisme au régime baassiste et en procédant à une réécriture de l'histoire. Au départ, les sunnites étaient les tenants du nationalisme irakien, mais cette position a volé en éclats au moment des deux sièges de Fallouja en 2004. Il fallait alors une réponse forte, la constitution d'un État propre aux sunnites, l'organisation qui sera précisément proclamée en octobre 2006 ». Nouri al-Maliki accède au pouvoir un peu avant cette date. Il est dans un premier temps perçu comme un Premier ministre faible, « mais les Américains vont non seulement réaliser qu'il est un fin stratège, mais surtout il s'installe dans une logique autocratique à l'instar de son ancien adversaire Saddam Hussein. Il conduira une répression généralisée contre les sunnites qui réclamaient au départ pacifiquement des réformes », soutient Myriam Benraad. Cette politique pavera la voie à la constitution de l'État islamique qui « récupère » les sunnites en rupture avec le gouvernement central et l'armée. Selon Myriam Benraad, la Syrie offrira des ressources supplémentaires à cette élite irakienne, souvent d'anciens membres du parti Baas et officiers, qui forme et conduit l'État islamique.

 

(Lire aussi : « En Irak, les chiites font tout pour éviter de renforcer un nouveau leadership sunnite »)

 

Quelle solution aujourd'hui ?
Malgré les transformations du système international, le vide stratégique laissé par le retrait américain et le pivot à l'Est contribue à entretenir la dynamique conflictuelle à l'œuvre depuis le début de l'intervention en Irak. Dans un contexte où les rapports de forces globaux sont évolué, les États-Unis ne peuvent plus mener de politique unilatérale en adéquation avec leurs seuls principes et intérêts. La prétention des nouveaux acteurs régionaux à exercer le leadership a exacerbé les conflits qui s'expriment aujourd'hui sur un mode confessionnel. Si pour certains analystes, la fin de la guerre en Irak et en Syrie ne peut être qu'une affaire régionale à travers une coopération entre puissances opposées, Myriam Benraad estime que la solution ne réside pas dans un tel dialogue largement improbable. « Comment attendre de ces États voisins s'affrontant en Irak et en Syrie dans d'impitoyables et incessantes guerres par procuration qu'ils favorisent un quelconque règlement ? Les solutions sont avant tout irakienne et syrienne, et il faut donc directement aider ces pays à se relever en se tenant à l'écart des ingérences régionales autant que possible. »

 

En 1997, dans son ouvrage Le Grand Échiquier, le politologue américain Zbigniew Brzezinski, ancien conseiller à la Sécurité nationale du président des États-Unis Jimmy Carter, énonce clairement que pour maintenir leur position hégémonique au sein du système international, les États-Unis doivent tenir en échec les velléités de puissance des acteurs régionaux au Moyen-Orient. Après...

commentaires (4)

Seuls, les Kurdes et les gouvernements irakiens et syriens, combattent, véritablement, Daesh. Les Irakiens continuent de détecter des contacts entre les Américains, en Irak, et Daesh, dans les régions que celui-ci occupe. Contrairement aux allégations américaines de combattre cette bactérie wahhabite , dans le cadre de la coalition internationale, de plus en plus d’accusations sont proférées par des dirigeants irakiens, sur des liens qu’ils entretiennent avec elle. Selon le site d’information Arabi-Press, deux nouveaux faits ont été révélés, cette semaine, par le chef des forces de mobilisation populaire, qui comptent, dans ses rangs, les jeunes volontaires irakiens, depuis la prise de Mossoul et d’Al-Anbar, par Daesh.Ces agissements coïncident avec les avancées de l’armée irakienne et de ses supplétifs des forces paramilitaires populaires, dans ces régions. Mercredi, le ministère irakien de la Défense a affirmé avoir libéré deux régions situées entre les deux provinces de Diyala et Salaheddine, Abou Baker et Abou Awwad. Selon Thamer al-Khafaji, qui s’exprimait, pour la correspondante du site d’information Arabi-Press, trois Marines américains ont été parachutés, dans la province de Babel, et deux hélicoptères, d’origine inconnue, ont atterri, dans deux régions de la province de Diyala, à deux moments différents. S’agissant des parachutistes, ils ont été vus, à l’aube de mercredi dernier, en train de se jeter, à partir d’un hélicoptère Apache.

FRIK-A-FRAK

11 h 37, le 02 mai 2015

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Commentaires (4)

  • Seuls, les Kurdes et les gouvernements irakiens et syriens, combattent, véritablement, Daesh. Les Irakiens continuent de détecter des contacts entre les Américains, en Irak, et Daesh, dans les régions que celui-ci occupe. Contrairement aux allégations américaines de combattre cette bactérie wahhabite , dans le cadre de la coalition internationale, de plus en plus d’accusations sont proférées par des dirigeants irakiens, sur des liens qu’ils entretiennent avec elle. Selon le site d’information Arabi-Press, deux nouveaux faits ont été révélés, cette semaine, par le chef des forces de mobilisation populaire, qui comptent, dans ses rangs, les jeunes volontaires irakiens, depuis la prise de Mossoul et d’Al-Anbar, par Daesh.Ces agissements coïncident avec les avancées de l’armée irakienne et de ses supplétifs des forces paramilitaires populaires, dans ces régions. Mercredi, le ministère irakien de la Défense a affirmé avoir libéré deux régions situées entre les deux provinces de Diyala et Salaheddine, Abou Baker et Abou Awwad. Selon Thamer al-Khafaji, qui s’exprimait, pour la correspondante du site d’information Arabi-Press, trois Marines américains ont été parachutés, dans la province de Babel, et deux hélicoptères, d’origine inconnue, ont atterri, dans deux régions de la province de Diyala, à deux moments différents. S’agissant des parachutistes, ils ont été vus, à l’aube de mercredi dernier, en train de se jeter, à partir d’un hélicoptère Apache.

    FRIK-A-FRAK

    11 h 37, le 02 mai 2015

  • Merci pour une analyse sans parti pris... En fin un peu de fond...

    HADDAD Fouad

    14 h 20, le 01 mai 2015

  • "Ce qu’ont réellement semé les Américains en Irak? " Réponse: La (un mot en cinq lettres) suffira!

    NAUFAL SORAYA

    09 h 21, le 01 mai 2015

  • L'ANARCHIE ET LE CHAOS... ET PAS SEULEMENT EN IRAQ... MAIS EN LYBIE AUSSI ! ET LA SYRIE ? À QUI CRÉDITER OU PLUTÔT DÉBITER LES CONNERIES ET LES BARBARIES COMMISES ???

    MON CLAIR MOT A GEAGEA CENSURE

    07 h 13, le 01 mai 2015

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