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Liban

Fabius presse le Liban d’élire un président « qui garantisse la pérennité du modèle de coexistence »

« Je vais être clair : au Moyen-Orient, nous faisons face à une entreprise barbare et systématique d'éradication ethnique et religieuse... Les communautés non musulmanes constituent des cibles privilégiées. Elles incarnent cette diversité que Daech veut faire disparaître. Les chrétiens, les yazédis, les Turkmènes, les Kurdes, les Shabaks, tous sont menacés par ce que j'appelle le triangle de l'horreur : l'exil forcé, l'asservissement, la mort. » C'est ce qu'a déclaré, vendredi soir, à New York, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, à l'occasion d'un débat public au Conseil de sécurité, consacré aux « victimes d'attaques et d'exactions ethniques ou religieuses au Moyen-Orient ». Ce fut aussi l'occasion pour le chef du Quai d'Orsay d'appeler le Liban « modèle de coexistence entre les communautés – établi par la Constitution, le pacte national et l'accord de Taëf – et fragilisé par la paralysie institutionnelle à élire, dans les meilleurs délais possibles, un président qui garantisse la pérennité de ce modèle ».
Convoqué et présidé par le ministre français des Affaires étrangères, dont le pays assure la présidence tournante du Conseil de sécurité pour le mois de mars, ce débat a eu lieu en présence du secrétaire général de l'Onu Ban Ki-moon, du haut-commissaire aux Droits de l'homme, Zeid Ra'ad al-Hussein (qui a adressé son message par vidéoconférence de Genève), du patriarche de Babylone des chaldéens, Louis Raphael 1er Sako, et de la députée irakienne, Mme Vian Dakheel, représentant la communauté des yazédis. Ont pris, tour à tour, la parole les ministres et secrétaires d'État d'Angola, d'Arménie, d'Autriche, du Canada, du Chili, de Chypre, du Liban, du Maroc et du Royaume-Uni.

Ban « vivement préoccupé »
« Je suis vivement préoccupé par les graves dangers auxquels sont exposées les minorités dans certaines parties du Moyen-Orient. Des millions de vies sont en jeu, ainsi que le tissu social de pays entiers », a déclaré le secrétaire général de l'Onu, Ban Ki-moon. Condamnant « dans les termes les plus vifs tous les actes de persécution et les violations du droit à la vie et l'intégrité physique commis contre des personnes et des communautés, quel que soit le motif – religieux, ethnique, national, racial ou autres », le chef de l'Onu a demandé instamment à toutes les parties d'assurer la protection des civils et d'épargner les vies innocentes. Il a appelé les membres du Conseil de sécurité – et tous ceux qui ont de l'influence à aider les populations de la région à se réapproprier leur diversité historique et leur dynamisme. Les « crimes atroces qui sont perpétrés dans la région appellent à une réaction urgente, a-t-il dit. Nous devons mettre un terme à l'impunité des personnes qui commettent des crimes graves, que ce soit contre une communauté ou des groupes de personnes », a-t-il ajouté.

Plan d'action en septembre
M. Ban a indiqué que l'Onu s'employait à élaborer un plan d'action visant à prévenir l'extrémisme violent, précisant que ce plan sera lancé en septembre. « Nous sommes plus que jamais déterminés à défendre et protéger la diversité au Moyen-Orient, a-t-il déclaré. Il a aussi souligné qu'il souhaitait réunir un groupe de personnes respectées ayant une bonne connaissance de la région du point de vue religieux, civil, culturel, universitaire et économique. Elles auraient un rôle consultatif sur les dynamiques qui sont en œuvre au sein des groupes confessionnels et entre ces groupes. »
M. Ban et le président de l'Assemblée générale inviteront, le mois prochain, les personnalités influentes de diverses confessions à une réunion extraordinaire qui se tiendra à l'Onu. « Nous nous inspirerons de ce que fait l'Alliance des civilisations de l'Onu pour favoriser l'entente mutuelle et la réconciliation », a-t-il laissé entendre.

Fabius : La France « fidèle »
Par ailleurs, M. Fabius a rappelé devant le Conseil de sécurité l'histoire et la tradition « des liens profonds » qui lient la France à l'Orient, et « singulièrement les chrétiens d'Orient, ainsi qu'une longue tradition de protection des minorités ». Et même cette tradition est constitutive de la France, a-t-il dit. « Nous voulons y rester fidèles, a-t-il souligné. J'évoque les chrétiens, mais Daech attaque avec la même inhumanité l'ensemble des minorités », a-t-il ajouté. Le ministre Fabius relève aussi, à juste titre, la « barbarie de ce groupe qui frappe jusqu'aux vestiges qui symbolisent la diversité, ce que le haut-commissaire appelait
"la mosaïque" ». « Ces terroristes ont saccagé le musée de Mossoul, attaqué la cité assyrienne antique de Nimroud et la cité parthe de Hatra. Ils veulent non seulement tuer le présent mais ils veulent détruire physiquement toutes ses racines, a lancé M. Fabius. Nous sommes la communauté internationale, nous ne devons plus être collectivement une sorte de puissance en réalité impuissante », a-t-il insisté.

Efforts financiers
Du haut de cette tribune, M. Fabius a adressé un double message : un message de solidarité avec les persécutés et de détermination contre les terroristes, promettant de combattre ces derniers « sans relâche » et de les « mettre en échec ». Il a rappelé que le monde a tenté de répondre à l'urgence humanitaire pour sauver ces minorités de la mort. Mais ces efforts ne suffisent pas. « Notre mot d'ordre doit être le retour des minorités déplacées sur les terres dont elles ont été chassées. Et, à cette fin, tous les leviers doivent être mobilisés, a-t-il déclaré. Tout d'abord, le levier humanitaire. Nos efforts communs doivent permettre aux minorités exilées de retrouver leur foyer. Les États membres doivent aussi renforcer leur concours financier et concrètement mettre en place un Fonds spécifique d'aide au retour, qui servirait notamment à la reconstruction des habitations et des lieux de culte. »

Lutte contre l'impunité
Un plan d'action est mis sur pied pour assurer ce retour. « L'action militaire doit intégrer la même démarche », a estimé le ministre français. À mesure que Daech recule, nous devons permettre le retour physique des minorités dans les zones qu'elles ont dû quitter. Cela implique que les troupes mobilisées au sol assurent la sécurisation de ce retour. D'autre part, M. Fabius a « réaffirmé » l'attachement de son pays à la lutte contre l'impunité, appelant les États de la région, qui ne l'ont pas fait, à adhérer au Statut de Rome afin que la Cour pénale internationale puisse juger les auteurs de ces crimes contre l'humanité.
Pour M. Fabius, la solution est une « solution politique d'ensemble qui permettra le réenracinement durable et pacifique des minorités ». « C'est pourquoi la communauté internationale doit soutenir la consolidation d'États qui ne soient pas les défenseurs d'une seule communauté, mais les garants de la coexistence de toutes les composantes de la société, pour éviter tout sectarisme, terreau de l'extrémisme, a déclaré M. Fabius. La place des minorités est au cœur de la solution des crises », a noté le ministre français.

Charte d'action
Faisant référence à la Yougoslavie dont l'éclatement de l'État protecteur des minorités a provoqué une recrudescence des violences à leur égard, Laurent Fabius « propose » et « demande » au nom de la France que le secrétaire général de l'Onu présente au Conseil de sécurité une charte d'action précise pour faire face à la situation des minorités au Moyen-Orient.
« Cette charte pourrait s'organiser autour des quatre volets : premièrement, l'accompagnement humanitaire : l'action des agences des Nations unies, notamment du HCR, doit être encore davantage orientée vers le retour des minorités. Deuxièmement, sur le plan militaire, la question du retour et de la sécurisation des minorités doit être intégrée dans la stratégie de la Coalition et des forces locales. Troisièmement, dans la lutte contre l'impunité, les auteurs de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité doivent être jugés par la Cour pénale internationale. Enfin, sur le plan politique, nous devons renforcer la démarche de rassemblement en Irak, favoriser une transition politique inclusive en Syrie et plaider, d'une façon générale, je pense à la Libye, je pense au Yémen, ailleurs, pour des gouvernements et des choix étatiques qui soient inclusifs », souligne-t-il.
M. Fabius a conclu en « saluant chaleureusement » l'annonce faite par le secrétaire général concernant la constitution d'un groupe de sages pour se saisir de cette question cruciale. « La France est prête à accueillir une Conférence internationale qui serait consacrée à la présentation des conclusions de ce groupe », a relevé le chef du Quai d'Orsay.

« Je vais être clair : au Moyen-Orient, nous faisons face à une entreprise barbare et systématique d'éradication ethnique et religieuse... Les communautés non musulmanes constituent des cibles privilégiées. Elles incarnent cette diversité que Daech veut faire disparaître. Les chrétiens, les yazédis, les Turkmènes, les Kurdes, les Shabaks, tous sont menacés par ce que j'appelle le...

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