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Liban - TSL

Le Hezbollah a « tenté à plusieurs reprises de m’assassiner », avait confié Hariri à Siniora

« Ils n'oseront jamais », disait le Premier ministre défunt.

Fouad Siniora devant le TSL. Capture d’écran

C'est une véritable bombe qui a été lancée hier au Tribunal spécial pour le Liban au deuxième jour de témoignage du chef du bloc du Futur, Fouad Siniora. Pour la première fois depuis le début de la procédure, le Hezbollah est mis en avant d'une façon aussi explicite, suggérant la possibilité de son implication dans l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, dont l'affaire est actuellement examinée devant la cour.
Hariri « s'est retourné vers moi et m'a dit : à ce jour, nous avons déjà découvert plusieurs tentatives du Hezbollah de m'assassiner », confie Fouad Siniora. Ce dernier se trouvait seul en voiture avec son compagnon.
Le témoin, qui n'a pu se souvenir de la date exacte – « cela a eu lieu fin 2004 ou début 2005 » –, affirme ne pas avoir commenté cette révélation ni posé de questions à Hariri. Selon M. Siniora, Hariri ne semblait pas prendre au sérieux ces menaces. Il disait que les assassins en puissance « devront prendre en considération les sanctions qu'ils pourraient encourir s'ils commettaient leur forfait ». « Ils n'oseront pas le faire, c'est énorme. »

 

(Lire aussi : Larmes du crime, l'éditorial de Issa Goraieb)


Le témoignage de M. Siniora, qui survient après une série d'autres livrés par des proches de Hariri, vient compléter l'éclairage attendu sur le paysage politique qui prévalait avant l'attentat du Saint-Georges, le 14 février 2005. Si les témoignages recueillis à ce jour ont principalement porté sur la responsabilité du régime syrien, illustrée par la pratique régulière des menaces et de l'intimidation, c'est bien la première fois qu'une révélation aussi significative est faite à propos du Hezbollah, dont cinq de ses membres figurent à ce stade sur la liste des accusés.
La mention faite des « tentatives du Hezbollah » n'empêchera pas pour autant M. Siniora de poursuivre sur sa lancée de la veille, mettant en cause à plus d'une reprise le régime policier syrien et les pressions que ce dernier exerçait sur l'ancien Premier ministre. Ce régime « voulait maintenir Hariri sous sa coupe », dit le témoin.
Guidé par les questions de l'accusation, il relate devant les juges sa dernière rencontre avec Hariri, à Koraytem, la veille même de son assassinat.
« Je suis resté une demi-heure. Sa mine était renfrognée. Il était extrêmement irrité, presque dégoûté suite aux attaques contre les activités de son association caritative. » Selon lui, l'objectif visé était de ternir la réputation de l'ancien chef de gouvernement en présentant l'aide fournie par l'association comme étant de la corruption.
« Abou Tarek (le garde de corps de Hariri) est entré dans la pièce et lui a annoncé : j'ai vu Abou Abdo (Rustom Ghazalé, ex-patron des SR syriens au Liban et véritable bras de la tutelle syrienne sur le pays) et je lui ai remis le paquet », poursuit le témoin. « J'ai compris qu'il s'agissait d'une somme d'argent. Mais c'était ma propre déduction », ajoute-t-il, soulignant ironiquement plus loin qu'il s'agissait d'une « aide ».
Ce faisant, Hariri espérait « lever l'injustice et atténuer les rancunes chez certains », comprendre les SR syriens. M. Siniora rejoint alors l'avis du juge Walid Akkoum qui lui demande s'il s'agissait plutôt d'une forme de « racket ». « Bien sûr », dit-il.
Les propos de M. Siniora devaient corroborer ceux qui ont été tenus devant la cour par Abdellatif Chamaa, un compagnon de Hariri qui avait affirmé il y a quelques semaines avoir versé, peu avant l'attentat du 14 février, une somme d'argent à Rustom Ghazalé, sur l'insistance de ce dernier.

 

(Lire aussi : Le TSL et les développements régionaux mettent en veilleuse le dialogue, le décryptage de Scarlett Haddad)

 

La défense
Vient alors le tour de la défense pour le contre-interrogatoire, un test qui mettra le député hors de lui à plus d'une reprise. L'avocat Philippe La Rochelle, conseil de Hassan Hussein Oneissi, évoque successivement la corruption qui sévissait au Liban, la création de Solidere et son impact sur les ayants droit, les « failles légales » lors de la création du tribunal, les ingérences occidentales présumées dans le processus, l'affaire de la banque al-Madina et l'arrestation des quatre généraux « sur la base de faux témoignages », avant de mettre en cause la crédibilité des affirmations de M. Siniora au sujet des réunions entre Rafic Hariri et le Hezbollah.
D'emblée, Me La Rochelle mène l'offensive, cherchant vraisemblablement à déstabiliser le témoin. « Savez-vous qui a tué Rafic Hariri ? » demande l'avocat. « Non », dit M. Siniora avant d'ajouter : « Croyez-vous que je sois capable d'accuser qui que ce soit ? » « J'ai déjà dit que cet assassinat n'est pas une affaire personnelle (...). Elle dépasse ceux qui ont pressé sur le détonateur. »
Et la défense de lui demander si, sans la présence des Syriens, il aurait été possible pour lui et pour Rafic Hariri d'accéder au pouvoir. À cela, le témoin répond que Hariri devait sa position à sa popularité et à une victoire électorale, avant de reconnaître que si le régime syrien ne voulait pas d'eux, ils n'auraient pas pu effectivement accéder à des postes politiques.
Sur l'insistance de l'avocat, qui cherche à savoir si le témoin est au courant « des 800 millions de dollars versés par Hariri à Ghazi Kanaan » (prédécesseur de Rustom Ghazalé), le chef du bloc du Futur s'offusque et répond sur un ton particulièrement élevé : « Lorsque j'ai mentionné l'affaire de l'argent, je parlais de Rustom Ghazalé et non de Ghazi Kanaan. » Le président de la chambre de première instance lève alors l'audience pour quelques minutes, dans ce qui est apparu être comme une tentative de calmer le jeu.
De retour dans la salle, Me La Rochelle n'en démord pas et reprend sa question, en l'élargissant à d'autres responsables des SR syriens, aux hommes religieux et politiques... et recueille la même réponse. Le témoin n'en sait rien.
Évoquant Solidere, l'avocat parle d'« expropriation » et d'habitants « contraints de quitter les lieux ». M. Siniora explique que ceux qui se trouvaient au centre de Beyrouth avaient squatté les lieux illégalement, soulignant par ailleurs que les ayants droit sont devenus des actionnaires au sein de la société immobilière. S'ensuit une autre batterie de questions sur l'ancien président Émile Lahoud, et sur les personnalités syriennes considérées comme « proches de Hariri ».

 

(Pour mémoire : R. Hariri après sa première rencontre avec Bachar : « Que Dieu vienne en aide à la Syrie : c'est un gamin qui va la gouverner... »)

 


« Croyez-vous qu'Émile Lahoud souhaitait tuer Rafic Hariri, oui ou non ? » demande le conseil. « Croyez-vous que je suis au courant de ce qui se passe dans la tête du président Lahoud ? » s'offusque le témoin, avant d'ajouter : « Je ne peux pas répondre à cette question et je ne compte pas le faire. »
Prié de dire s'il pense – comme le prétendent certains – que Hariri est devenu « riche aux dépens du Liban », il répond, en retenant à peine son calme : « Vous voulez que j'utilise ma raison pour répondre à des fous ? »
M. Siniora est alors sollicité de parler de l'affaire des quatre généraux. Aux questions de la défense qui cherche à savoir qui était responsable de la détention des généraux durant quatre années consécutives, sur la base de faux témoignages, Siniora explique que leur arrestation n'a pas eu lieu suite à une décision politique, mais judiciaire sur conseil de la commission d'enquête internationale.

 

 

Pour mémoire

Dans les coulisses de l'entrevue Hariri-Ghazalé, avant l'attentat du 14 février

L'accusation diffuse un enregistrement inédit de la dernière conversation entre Hariri et Ghazalé

Procès Hariri : les visites secrètes et nocturnes de Rustom Ghazalé à Koraytem

Ghazi Youssef : Les Syriens s'acharnaient à empêcher Hariri de réaliser son projet

 

C'est une véritable bombe qui a été lancée hier au Tribunal spécial pour le Liban au deuxième jour de témoignage du chef du bloc du Futur, Fouad Siniora. Pour la première fois depuis le début de la procédure, le Hezbollah est mis en avant d'une façon aussi explicite, suggérant la possibilité de son implication dans l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, dont...

commentaires (5)

Bien évidemment, ou bien Monsignore Sanioûrâ Monsieur de la palisse au grand cœur....

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

18 h 35, le 25 mars 2015

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Commentaires (5)

  • Bien évidemment, ou bien Monsignore Sanioûrâ Monsieur de la palisse au grand cœur....

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    18 h 35, le 25 mars 2015

  • Tombé en disgrâce, auprès de la bensaoudie, l'ex-PM libanais, Saad Hariri, est arrivé, ce mercredi, à Ankara pour s'entretenir avec Erdogan. Pourquoi? Des hypothèses fusent de toute part. Cette visite serait-elle en lien avec un nouveau round d'activités des bacteries, dans le Nord du Liban, relativement, calme, depuis quelque temps, en raison de la fraternelle coopération entre l'armée libanaise et le Hezbollah. Une chose est sûre, la situation des bacteries, à Qalamoun, est des plus lamentables, puisque l'armée syrienne et libanaise et le Hezb resistant les combattent, ensemble. Hariri se trouve-t-il, à Ankara, pour demander au mega vecteur de bacteries qu'est Erdogan, d'ouvrir ses vannes à terroristes, à destination du Nord du Liban?

    FRIK-A-FRAK

    16 h 56, le 25 mars 2015

  • ça ne tient pas ! si Hariri savait que le Hezbollah voulait l'assassiner, donc son entourage savait aussi. alors comment expliquer le rush de personnalités hezbollahis aux condoléances d'une part et la demande de la famille Hariri aux dites personnalités d'envoyer des experts "jeter un coup d’œil" aux voitures du convoi du président assassiné ?? (détails révélés par Nasrallah, quelques mois après, et jamais démentis par la famille Hariri). Donc le discours de Siniora ne tient pas la route. Justice oui, Pipeau non !

    Lebinlon

    14 h 51, le 25 mars 2015

  • LE TRAIN TSL ROULE... MAIS DANS LA MÊME STATION... DES PREUVES TANGIBLES Y EN A-T-IL... CAR LES PAROLES ET LES TÉLÉPHONES MALHEUREUSEMENT NE LE SONT PAS ! ILS POINTENT DU DOIGT AU BELLIGÉRANT NON AU CRIMINEL...

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 44, le 25 mars 2015

  • 1-Il est bien méticuleux et provocateur cet avocat de la "défense", Philippe La Rochelle. Mais il a manqué de poser au témoin la question importante suivante : "le secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah, a-t-il vraiment déclaré que c'est dans trois cents ans qu'il livrerait au Tribunal international les accusés de sa formation ? 2-Quoi qu'il en soit, brillant est le témoignage de l'ancien chef du gouvernement libanais, Fouad Siniora. Il a donné au Tribunal l'idée la plus claire sur ce que voulait et faisait la tyrannie syrienne au Liban à travers ses généraux et ses vils laquais locaux : assassiner de manière définitive l'indépendance du Liban et annexer ce pays dans le cadre de l'axe Iran-Syrie. Elle percevait que Rafic Hariri était un grand obstacle à ce projet et qu'il fallait absolument l'éliminer. Le Hezbollah a été chargé de cette entreprise.

    Halim Abou Chacra

    06 h 08, le 25 mars 2015

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