Rechercher
Rechercher

Liban - TSL

Sabeh : Les Syriens voulaient maintenir le Liban aux soins intensifs

« Rafic Hariri n'a plus que trois choix : l'exil, la prison ou la mort », aurait dit Jamil Sayyed, selon l'ancien député.

« La prudence ne saurait aller contre le destin », disait l'ancien Premier ministre Rafic Hariri la veille même de son assassinat. Pressentiment ou ironie de l'histoire, Hariri devait prononcer ces paroles avec un grand sourire, prenant à la légère les mises en garde de ses amis, le député Marwan Hamadé – encore sur les béquilles ce jour-là – et l'ancien député Bassem Sabeh, qui se trouvaient chez lui, à Koraytem, avec le chef du PSP, Walid Joumblatt. Les trois hommes étaient venus avec d'autres alliés chez l'ancien Premier ministre pour saluer son ralliement explicite à l'opposition représentée par le « Rassemblement de Bristol ».

Ces faits ont été relatés hier par le compagnon de l'ancien Premier ministre, Bassem Sabeh, qui témoignait pour le second jour consécutif devant la chambre de première instance du Tribunal spécial pour le Liban.
Dans son récit, M. Sabeh a passé en revue les derniers développements avant l'assassinat de l'ancien Premier ministre, le 14 février 2005, notamment le changement qualitatif au sein de l'opposition plurielle réunie dans le cadre du Bristol, « qui d'un simple rassemblement politique était devenue, le 2 février 2005, un rassemblement structuré », dit-il. Le témoin a évoqué, en outre, la position de Rafic Hariri par rapport à la loi électorale et les multiples menaces et mises en garde qui lui avaient été adressées par le biais de « l'appareil des services de renseignements syro-libanais ». En bref, un nouveau tableau historique brossé devant les juges pour les aider à mieux comprendre les circonstances politiques et sécuritaires qui ont entouré l'assassinat.

 

(Lire aussi : R. Hariri après sa première rencontre avec Bachar : « Que Dieu vienne en aide à la Syrie : c'est un gamin qui va la gouverner... »)


L'ancien député a parlé ainsi de la prise de position audacieuse adoptée par l'opposition à la troisième réunion du Bristol, le 2 février, et l'« unanimité affichée autour du point sur le retrait des troupes syriennes du Liban ». « La bataille politique (...) visait désormais à lever l'hégémonie syrienne sur le Liban. »
L'accusation demande alors au témoin de commenter une bande vidéo dans laquelle on voit défiler chez l'archevêque de Beyrouth, Mgr Boulos Matar, le 10 février 2005, Rafic Hariri, Bassem Sabeh et Daoud Sayegh, conseiller de l'ancien chef de gouvernement et délégué auprès du patriarche maronite, un homme que les Syriens avaient mis à l'index. « Pour quelles raisons ? » demandent les juges. « Tout simplement pour couper les liens entre Rafic Hariri et le patriarcat », répond le témoin.

Lors de cette visite – qui coïncidait avec une fête religieuse chrétienne et une fête religieuse musulmane – l'ancien Premier ministre devait envoyer plusieurs messages politiques : celui de la convivialité intercommunautaire d'abord, celui des élections et de la nécessité d'amender la loi électorale ensuite. À une remarque faite par le prélat maronite qui dit : « Quand est-ce que le pays va enfin sortir du service des soins intensifs ? » Hariri répond : « Le problème n'est pas au niveau du patient, mais à celui du médecin traitant. Le patient lui, est guéri, mais c'est le médecin qui tient à le garder par la force à l'hôpital. » C'était une allusion claire à la tutelle syrienne.
L'importance de cette réunion devait également résider dans le fait que l'ancien Premier ministre avait clairement annoncé que, d'une part, il n'allait plus accepter les candidats qui lui étaient imposés par les Syriens sur ses listes aux législatives, mais surtout qu'il allait affronter cette échéance main dans la main avec Bkerké. « Je suis disposé à avaliser n'importe quelle loi électorale qui contente Bkerké », dit Hariri à son interlocuteur.


(Lire aussi : Dans les coulisses de l'entrevue Hariri-Ghazalé, avant l'attentat du 14 février)



M. Sabeh est ensuite interrogé sur la courte réunion qui avait regroupé à Koraytem MM. Joumblatt, Hamadé et Sabeh autour de Hariri la veille de l'attentat du Saint-Georges. À la question de savoir si l'une des personnes présentes avait exprimé à un moment ou un autre des craintes quelconques sur la sécurité de Rafic Hariri, le témoin dit : « Ce sujet a été évoqué sous l'angle de la tentative d'assassinat de Marwan Hamadé (le 1er octobre 2004). Mais Hariri a pris la chose à la légère. »
« Après la réunion, je lui ai dit en présence de Marwan Hamadé que ce dernier était un exemple vivant de ce que d'autres pourraient subir. De quoi as-tu peur ? m'a-t-il demandé. J'ai peur pour toi et pour Walid, pas pour moi. Surtout pour Walid. Il m'a traité de fou en riant avant de me dire : la prudence ne saurait aller contre le destin. »

Le témoin a livré ensuite une séquence inédite qui s'est déroulée le lendemain au Parlement, quelques minutes avant le départ de l'ancien Premier ministre de l'hémicycle et l'attentat. Un peu avant le début des discussions en commission sur la loi électorale, l'ancien Premier ministre se dirige vers le fond de la salle où se trouve Bassem Sabeh, pour lui dire : « Dans quelques instants, les caméras pointeront. Nous allons dessiner un large sourire sur nos visages pour défier tous ceux qui croient que nous sommes dans un état de désolation et de peur et terrifiés. »

Le juge Lettieri est alors intervenu pour dire qu'« un fantôme – le régime syrien – se trouve à l'intérieur du tribunal mais il n'est concerné ni de près ni de loin par ce qui est dit devant la cour », et a posé au témoin une question sur le Hezbollah. M. Sabeh a répondu que « ce n'est aucunement un fantôme, mais une réalité pure et dure ». Il a ajouté que le Hezbollah à l'époque « n'était pas aux premiers rangs de la confrontation politique avec Rafic Hariri. »
Il a conclu en révélant qu'une mise en garde était parvenue à l'ancien Premier ministre quelques années avant son assassinat et rapportée par le biais de l'ancien directeur de la Sûreté générale, Jamil Sayyed. Ce dernier aurait dit que Hariri était désormais laissé devant trois choix : l'exil, la prison ou la mort.

 

Pour mémoire
L'accusation diffuse un enregistrement inédit de la dernière conversation entre Hariri et Ghazalé

Procès Hariri : les visites secrètes et nocturnes de Rustom Ghazalé à Koraytem

Ghazi Youssef : Les Syriens s'acharnaient à empêcher Hariri de réaliser son projet

Chamaa devant le TSL : « Une personne est parfois contrainte de sourire à son bourreau »

« Le choix du président libanais est une affaire syrienne, avait intimé Assad à Hariri »

 

« La prudence ne saurait aller contre le destin », disait l'ancien Premier ministre Rafic Hariri la veille même de son assassinat. Pressentiment ou ironie de l'histoire, Hariri devait prononcer ces paroles avec un grand sourire, prenant à la légère les mises en garde de ses amis, le député Marwan Hamadé – encore sur les béquilles ce jour-là – et l'ancien député Bassem Sabeh,...

commentaires (5)

Ironie du sort les Syriens qui voulaient maintenir le Liban aux soins intensifs, le sont actuellement avec une guerre civile sans aucun horizon d'espoir .

Sabbagha Antoine

14 h 55, le 18 mars 2015

Tous les commentaires

Commentaires (5)

  • Ironie du sort les Syriens qui voulaient maintenir le Liban aux soins intensifs, le sont actuellement avec une guerre civile sans aucun horizon d'espoir .

    Sabbagha Antoine

    14 h 55, le 18 mars 2015

  • Et c'est eux qui y sont à présent, et.... tant mieux.... pour nous !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    09 h 42, le 18 mars 2015

  • LE PAUVRE ATOLL ET SON PEUPLE SONT DÉJÀ DANS LES SOINS INTENSIFS... AU LIEU DES SYRIENS... LES PERC(S)ÉS !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 37, le 18 mars 2015

  • Une erreur s'est glissée dans la 1ère ligne de l'article : la prudence ne saurait "allait".... Veuillez bien corriger.

    Halim Abou Chacra

    04 h 40, le 18 mars 2015

  • L'ancien député dit en somme ceci : Le gang Assad voulait (et veut toujours) maintenir le Liban sous ses bottes. (Et il y en a, dans ce pays, qui aiment et en ont la nostalgie !!)

    Halim Abou Chacra

    04 h 36, le 18 mars 2015

Retour en haut