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Liban - Drame

La misère des réfugiés irakiens, tout comme leur nombre, ne fait qu’augmenter

Nouveau cri d'alarme de l'évêché chaldéen pour porter secours aux communautés venues d'Erbil et de Mossoul.

Des réfugiés irakiens chrétiens à Erbil, le 7 août 2014. AFP/SAFIN HAMED

Imane Chamoun Hermez habitait Mossoul il y a quelques mois seulement, avec son mari menuisier et ses sept enfants. « Nous avons quitté notre village le 16 septembre dernier, raconte-t-elle. Nous avons voulu éviter l'exil jusqu'à la dernière minute. Mais quand nous avons vu les troupes kurdes quitter les environs de la ville et qu'on nous a prévenus qu'il fallait fuir sans tarder, nous devions tous évacuer les lieux en une demi-heure. C'était la panique. Nous sommes sortis de chez nous avec les habits que nous portions et nos papiers d'identité. »

Deux des filles mariées d'Imane sont à Erbil et en Allemagne, le reste de la famille se trouve au Liban dans une situation désastreuse. « Nous partageons un petit appartement avec une autre famille, raconte-t-elle. Nous sommes sept, ils sont six. Nous louons l'appartement à des prix de plus en plus élevés : 700 dollars par famille pour des pièces humides et inconfortables. Mes enfants, dont les plus jeunes sont des jumeaux de treize ans, travaillent comme porteurs à la journée et au noir, mon mari ne trouve pas d'emploi. Nous assurons ainsi l'argent du loyer, et nous mangeons n'importe quoi, dépendant surtout des aides, qu'elles nous soient accordées par l'archevêché ou des associations. Mais même cela n'est pas régulier. Par ce froid, nous n'avons pas de moyens de chauffage, nous nous contentons de couvertures. Je souffre moi-même d'une dépression nerveuse en raison du stress, un médecin m'a prescrit des médicaments au dispensaire. »

Nous avons rencontré Imane à l'archevêché chaldéen de Baabda, en marge d'une conférence de presse tenue par l'évêque Michel Kassarji, dans laquelle il mettait en garde contre une aggravation de la misère des réfugiés irakiens au Liban. Mgr Kassarji a recensé quelque 2 000 familles chaldéennes réfugiées, sans compter les réfugiés d'autres confessions, chrétiennes ou musulmanes.
« Ces familles ont trouvé refuge dans un État qui leur confère le statut de touristes, non celui de réfugiés », dit-il. Tout en reconnaissant le manque de moyens du Liban, qui traverse une autre crise aiguë de réfugiés syriens, il a déploré le désintérêt de l'immense majorité des responsables politiques du sort des Irakiens. Il a également noté le retard du Haut Commissariat de l'Onu pour les réfugiés (HCR) à les inscrire.

Mgr Kassarji a affiché la détermination de son évêché à aider les réfugiés, assurant que son institution dépend largement de la générosité du public, notamment à la veille de la période de carême. L'évêché a une nouvelle fois communiqué son numéro de compte pour les donations : Credit Bank SAL, branche de Chyah, code Swift : CBCBLBBE, n° : 803845, Iban : LB65010300081010570803845003.

Pour les personnes qui préfèrent contacter l'évêché, celui-ci a mis à leur disposition deux numéros : 05-457732, et 70-035994. L'argent est transféré à l'Association caritative chaldéenne et sert à résoudre les cas lourds, comme le traitement des cancéreux par exemple, et à soulager les familles en grande difficulté. L'évêché accepte aussi des denrées alimentaires (une liste est disponible), mais pas d'habits.

Un seul espoir : l'exil sous d'autres cieux
À L'Orient-Le Jour, Mgr Kassarji explique pourquoi les Irakiens tardent tant à obtenir le statut de réfugiés. « Les Irakiens qui arrivent par l'aéroport obtiennent un visa de tourisme, d'où le fait que l'Onu ne les considère pas comme des réfugiés, dit-il. Vu le nombre très important de réfugiés syriens, nous nous sommes réunis avec des responsables du HCR pour les convaincre de tenir compte aussi des Irakiens dans leur budget. Ces derneirs doivent actuellement compter en moyenne un an et demi d'attente. Et même après cela, les aides ne dépassent pas les 60 % des besoins, pour la santé, le logement, etc. »

Mgr Kassarji revient d'Irak et affirme craindre un nouveau flux de réfugiés. « Des centaines de morts tombent tous les mois, dit-il. Les gens ont peur. Dans le cadre du grand conflit sunnito-chiite, les chrétiens se sentent en insécurité croissante, sans aucune garantie. »
Face à un tel afflux, l'évêché tente de s'organiser comme il peut. « Nous donnons aux nouvelles familles des numéros d'enregistrement, explique à L'Orient-Le Jour le père Denha Youssef, qui s'occupe des aides auprès des réfugiés. Les familles se rendent chez nous chaque mercredi et vendredi. En 2014 seulement, nous avons enregistré 888 familles. En 2015, jusqu'à ce jour, nous en avons recensé près de 160. »

Le père Youssef, lui-même originaire d'Erbil, précise qu'il s'est rendu auprès des réfugiés de Mossoul dans la région kurde pour les dissuader de se diriger vers le Liban. « La vie y est chère, il n'y a pas de travail, le Liban est submergé de réfugiés de tout bord et secoué de crises successives », leur a-t-il dit. « Les chrétiens irakiens sont perdus, comme si leur vie dans leur pays était définitivement condamnée, poursuit-il. Nous essayons de les convaincre de demeurer en région kurde et de résister jusqu'à la fin de cette crise pour rentrer un jour chez eux. »

Comme pour faire écho aux paroles du père Youssef, Mgr Kassarji souligne que les Irakiens espèrent surtout trouver une autre terre d'exil à partir du Liban. Imane ne songerait pas à le contredire. « Notre seul espoir est d'émigrer, à partir du Liban, vers n'importe quel pays, affirme-t-elle. Nous ne voulons plus retourner chez nous, même si notre village est libéré de Daech. Nous n'avons plus confiance, ni dans le gouvernement ni en aucun responsable. »

 

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