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Nos Lecteurs ont la Parole - Dr Joseph KREIKER

Le Moyen-Orient et ses calamités

« La terre qui tourne et qui tourne, avec
ses grands ruisseaux de sang » – Jacques Prévert

Nous vivons dans un Moyen-Orient déboussolé, égaré, divisé, miné et régi par la violence criminelle et les intérêts de toutes sortes; un monde dominé par la terreur des extrémismes qui, au prix du sang, veulent imposer l'État islamique des vieux temps. Une région où les peuples sont religieux. Profondément religieux.
La volonté perfide de réduire le conflit sanglant du Moyen-Orient à la simple prolongation des guerres sunnites-chiites, et donc à caractère confessionnel, constitue une monstrueuse erreur. Il ne faut point occulter ou feindre d'ignorer les intérêts et les luttes d'influence entre les divers États régionaux et internationaux. Ces interférences nourrissent sans doute ces barbaries. Les ingérences malveillantes combinées à des régimes décadents et dictatoriaux amorcent la descente en enfer de ce Moyen-Orient berceau de la tolérance, de la culture, de la renaissance culturelle et de la civilisation islamo-chrétienne, toutes ces qualités du Moyen-Orient qui relèvent d'un passé lointain. Le Moyen-Orient est devenu le berceau d'autant de calamités du XXe et du XXIe siècle.
Je me souviens de novembre 1978, date de la révolution iranienne contre le chah. Tout le monde y a applaudi, et particulièrement l'Occident qui a aidé Khomeyni à atterrir à Téhéran sur un tapis volant. Les proches collaborateurs de Khomeyni, truffés d'idées démocratiques, révolutionnaires et, ne l'oublions, pas diplômés des plus prestigieuses universités occidentales, s'emparent, sous la direction de leur chef, du pouvoir. Rapide et grande déception! L'air de Paris n'a rien à voir avec celui de Téhéran. Ils étaient tous démocrates en France et sont soudain redevenus théocrates en Iran. Ils se sont empressés de supprimer tout signe de modernisme, de fonder les gardiens de la révolution, etc. Ils ont ignoré les droits les plus élémentaires de liberté de la société civile, payé les barbus et voilé les femmes. Théocratie oblige. Je me souviens d'une autre calamité, celle de la plus sanguinaire et la plus tyrannique occupation de l'histoire du Liban par l'armée syrienne qui a démoli sans ciller toutes les structures de notre pays et provoqué, avec la complicité des Palestino-progressistes de Arafat, la mort de plus de 200000 personnes. Ils sont passés maître dans l'art de semer la terreur, les destructions et les exodes de population sur des bases religieuses et ethniques.
Aujourd'hui, nous subissons la montée vertigineuse des terroristes takfiristes de Daech, d'al-Nosra et des groupuscules extrémistes islamiques. Cette escalade dans la cruauté constitue la plus odieuse et la plus sanglante des calamités. Ces jihadistes, tout le monde le sait, trucident, décapitent, éventrent, détruisent, dépècent leurs proies sans sourciller, à l'image des prédateurs de la jungle animale ; cela sous les feux des caméras. Gare aux apostats, leur destin est scellé. L'État islamique a tué sans distinction les sunnites modérés, les chiites, les chrétiens, les yazidis et les Kurdes. J'ai, durant des années, lanterne à la main, cherché les musulmans modérés pour les aider à ériger le premier rempart contre les fous d'Allah, histoire de protéger toutes les minorités et les populations exposées aux pires dangers, et surtout pour protéger la pureté et l'authenticité de la religion musulmane que nous respectons. Une minorité de sauvages défigure l'image de l'islam. Les bombardements de la coalition américaine, française et arabe constituent une fenêtre appréciable. Mais l'islam doit nettoyer lui-même sa bergerie des loups qui l'assaillent. C'est sa responsabilité première, sinon il poursuivra sa descente aux enfers. Personne ne viendra mourir pour lui. Malheureusement, je n'entends que des murmures timides et je n'observe qu'une incapacité, dans cet immense monde musulman, d'éradiquer de telles mouvances. Par contre, je vois pointer de rares esprits lumineux qui s'aventurent à justifier ou expliquer les mobiles de cette bestialité. Rien au monde ne peut constituer un alibi à ces actes barbares.
Enfin, la plus grave des calamités réside dans la désunion des Libanais et leurs alliances transfrontalières – je n'exclus personne de ces alliances externes – qui priment les règles les plus élémentaires du «vivre-ensemble». L'histoire ne démarre pas là où on le désire. Elle peut emprunter mille voies et elle sera le reflet du choix que les hommes auront effectué. On dit communément que l'histoire se répète. Non, ce n'est pas l'histoire qui se répète, c'est la violence et la barbarie indicible des hommes qui se renouvellent sous diverses formes. Pour les condamnés, c'était la guillotine. Aujourd'hui, c'est au couteau qu'on décapite les innocents. Le résultat est le même: on voit des têtes qui tombent. Éclatent deux guerres mondiales avec des millions de morts et des misères pour des siècles. On croyait que les hommes avaient compris. Eh bien, non: génocide des Arméniens, génocide juif, génocide au Rwanda. Et encore des guerres! Il y a une petite décennie, on se battait encore au cœur de l'Europe, au Kosovo. Aujourd'hui, ça continue en Ukraine. On tuait au nom de Dieu. Actuellement, nouvelle invention, on assassine au nom de la démocratie. Modernisme exige! Toutes les doctrines politiques et religieuses ont laissé couler du sang, ont tué, et aucune ne détient l'exclusivité de la haine et de l'amour. Derrière nos malheurs, il faut rechercher encore et toujours la main de l'homme.

Dr Joseph KREIKER

Nous vivons dans un Moyen-Orient déboussolé, égaré, divisé, miné et régi par la violence criminelle et les intérêts de toutes sortes; un monde dominé par la terreur des extrémismes qui, au prix du sang, veulent imposer l'État islamique des vieux temps. Une région où les peuples sont religieux. Profondément religieux.La volonté perfide de réduire le conflit sanglant du...

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