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Culture - Collectionneurs

Johnny Mokbel : moderne, contemporain et furieusement libanais !

Amateur d'art éclairé, décomplexé et résolument patriote, en une quinzaine d'années Johnny Mokbel a constitué une belle collection comportant quelques pièces d'envergure de la peinture moderne et contemporaine libanaise.

Une égale maîtrise de la forme, de la ligne et des couleurs dans « L’Ours au clair de lune » de Willy Aractingi (huile sur toile de 130 x 162 cm).

Dans son chalet de Faraya, deux batteries trônant sur une large plateforme induisent le visiteur en erreur. La musique serait la grande passion de Johnny Mokbel. Eh bien non! Ce businessman (représentant de fabriques dans le domaine industriel) est peut-être un batteur amateur, mais il est avant tout un féru d'art plastique, de «couleurs», comme il dit en parlant des peintures qu'il collectionne. Avec une préférence marquée pour les toiles de grande dimension, «plus impressionnantes et donc plus expressives», soutient-il, désignant à l'appui l'immense Babel d'Ayman Baalbacki, une vibrante acrylique sur toile de 260 x 200 cm qui occupe tout un pan de mur de son salon.


Il y a des gens qui investissent leur argent dans l'immobilier, l'or ou un portefeuille boursier... Johnny Mokbel, fan de «dessin, composition et couleurs» depuis sa tendre enfance, a choisi lui de «placer» son argent dans l'art. L'art libanais, vers lequel il s'est dirigé «initialement, faute de moyens» affirme-t-il sans ambages, avant d'y prendre véritablement goût et de l'apprécier à sa juste valeur. «Ne pouvant acheter des Picasso, Bacon ou Bernard Buffet, je me suis tourné vers des pièces plus accessibles. Étant libanais et de ce fait sensible à l'aspect émotionnel du travail des artistes de mon pays ainsi qu'aux références sociales et culturelles que leurs œuvres véhiculent, c'est naturellement que j'en suis donc venu à me concentrer sur l'art libanais.»
Sa collection, entamée en 1999 par l'achat de deux huiles de Paul Guiragossian (Summer I et II), compte aujourd'hui une centaine d'œuvres «libanaises» dont quelques pièces maîtresses d'artistes modernes et contemporains, tels que Chafic Abboud, Farid Aouad, Jamil Molaeb, Yvette Achkar, Oussama Baalbacki, Willy Aractingi... Autant de «pinceaux» qu'il admire pour la force de leur expression chacun dans son registre, claironnant avec fierté avoir flairé le potentiel de certains comme les Baalbacki (Oussama, Ayman et Mohammad-Saïd) ou Tagreed Dargouth avant que les prix de leurs œuvres ne s'envolent!

 


L'art révélateur de patriotisme
D'ailleurs, au fil des ans et des acquisitions, Johnny Mokbel avoue s'être pris au jeu, se découvrant même par le biais de l'art un patriotisme ardent qu'il ne soupçonnait pas. «Comme tout le monde, je râle, je tempête contre ce pays, son instabilité, son anarchie... Mais, en fin de compte, je réalise à quel point j'y suis attaché lorsque je rechigne à vendre un de mes tableaux à un non-Libanais. Disons que je préfère que l'art libanais reste entre les mains de mes compatriotes.»
Tout comme il met sa collection au service d'une certaine promotion de l'art national (la réciproque est aussi vraie!). En la divulguant en ligne sur le site www.mokbelartcollection.com qu'il a créé en 2007 (et qu'il alimente lui-même) ainsi que dans des expositions non commerciales (coin muséal de Menasart en 2011 et prêt d'une fameuse keffieh, intitulée celle-là 2:15 pm, de Ayman Baalbacki à Abou Dhabi en novembre 2010) ou encore dans des publications d'ouvrages s'y référant. Dont un livre d'initiation à l'art libanais, Lebanon's Got Talent, adressé spécifiquement aux tout jeunes, conçu et réalisé par Nadine, sa femme, à la double formation de graphiste et d'éducatrice, à qui Johnny a communiqué sa passion. Et avec qui il gère cette «collection familiale», dit-il.


Malgré sa participation active à la promotion de l'art libanais, Johnny Mokbel (qui fait également partie, dans cet objectif, du Think Tank de l'école d'architecture de la LAU présidé par le styliste Élie Saab) n'envisage pas pour autant de créer une fondation ou un musée. «Je suis trop attaché à ma liberté», dit-il. «Et celle-ci se traduit dans la vie d'un collectionneur dans la possibilité de revendre des pièces pour mieux en acheter d'autres», signale-t-il, soulignant que ses critères d'achat restent essentiellement: «la qualité de l'œuvre en premier, c'est-à-dire l'égal équilibre entre son dessin, ses couleurs et sa composition». «Le sujet, en second, poursuit-il, dévoilant une nette prédilection pour les thèmes qui expriment une certaine spécificité culturelle libanaise et reflètent les préoccupations et événements contemporains du pays. Ensuite, viennent la provenance (garante de véracité), la taille de la toile et sa signature.»

 

Un « Départ » avec Guiragossian
Enfin, s'il parle avec une indéniable connaissance des points de force de chacun des artistes qu'il collectionne, il s'enthousiasme tout particulièrement en évoquant les deux grandes émotions que lui ont procuré le Départ de Paul Guiragossian et L'Ours au clair de lune de Willy Aractingi. «La première est une toile charnière dans l'œuvre de Guiragossian. Datée de 1957, elle fait la transition entre la période figurative des débuts et celle linéaire, expressionniste et quasi abstraite qu'on lui connaît surtout. De par son sujet, elle est d'un intérêt indéniable. Car ce peintre, qui a toujours voulu rassembler dans ses toiles les gens, les familles, les vieillards, les mères et les enfants... toutes les victimes du génocide, des guerres et de la misère, a représenté ici la douleur du départ. Et cette scène parle autant du passé que de l'actualité, de la vie des Arméniens que des Palestiniens, des Libanais, des Irakiens ou des Syriens... J'ai eu la chance de la racheter directement des héritiers d'une famille libanaise du Brésil qui l'avaient conservée durant 55 ans, car c'est une véritable pièce muséale. La seconde, celle de Aractingi, est d'une bien moins grande valeur commerciale. Mais elle me plaît particulièrement pour sa poésie, son enchantement, la rêverie dans laquelle ses couleurs et sa composition me transportent», dit-il.


Mais ne vous fiez pas à ce lyrisme. Sous les commentaires passionnés de l'esthète pointe toujours, chez Johnny Mokbel, la clairvoyance du spéculateur. Qu'il ne se cache d'ailleurs pas d'être.
«Investir dans l'art représente un grand risque pour qui n'a pas approfondi ses connaissances en la matière. Car dans ce domaine, plus que tout autre, les paramètres d'achat (ou de spéculation?) sont incontrôlables. Il ne s'agit pas seulement d'apprécier la peinture ou la sculpture et d'avoir un peu d'argent pour constituer une collection d'envergure», prévient-il d'ailleurs ceux qui veulent s'y lancer. « Il est nécessaire d'avoir autant un flair commercial qu'un œil aguerri. D'autant que l'art est, aussi, une affaire de mode!» soutient-il.
Le sien (d'œil), il l'exerce quotidiennement en faisant des recherches dans des livres d'art, des sites sur le Web, d'où il tire chaque jour une toile qu'il ajoute sur la page Facebook «Art Collectors Society». «C'est comme un pianiste qui fait ses gammes, dit-il. Sauf que, pour moi, c'est plutôt une récréation entre deux e-mails professionnels. Un plaisir que j'aime partager avec toutes les personnes intéressées.» Nombreuses, à en juger par les plus de 45000 « Likes » qu'a récoltés sa page. À découvrir assurément!

 

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MAÎTRISE DE LA FORME ! FORME DE QUI OU DE QUOI S.V.P. ?

LA LIBRE EXPRESSION

10 h 15, le 31 août 2014

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Commentaires (2)

  • MAÎTRISE DE LA FORME ! FORME DE QUI OU DE QUOI S.V.P. ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 15, le 31 août 2014

  • BRAVO

    Vahe Atmadjian

    09 h 25, le 31 août 2014

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