À la veille de la séance parlementaire du 23 avril, le Premier ministre, Tammam Salam, s'est dit « optimiste à l'égard de ce qui se produira au Liban dans les prochaines semaines », précisant qu'à son avis « rien n'empêche la tenue des élections présidentielles à la date prévue ».
Cet avis, le chef du gouvernement l'a exprimé hier à l'issue d'un entretien avec le patriarche Raï, à Bkerké, au cours duquel les derniers développements au pays ont été abordés. « Les élections présidentielles constituent l'échéance la plus importante du moment », a-t-il souligné.
Dans une déclaration officielle préalable, M. Salam avait déclaré qu' « aucun effort ne doit être épargné pour tenir l'élection, dans les délais constitutionnels, d'une personnalité « jouissant de la confiance de la majorité des députés ». Pour lui, « les circonstances exigent que toutes les instances constitutionnelles coopèrent et s'équilibrent ».
« Des compromis peuvent toujours avoir lieu au dernier moment. Pourquoi s'acharner à jeter le doute sur la tenue de ces élections ? » s'est-il encore interrogé, précisant que « le patriarche aussi est optimiste à cet égard et nous souhaitons l'élection d'un président qui consolidera la démocratie au pays, dans l'intérêt du Liban et des Libanais ».
Sur le plan des principes, M. Salam a jugé contraire à la Constitution ceux qui affirment que les prérogatives du chef de l'État ne peuvent être assurées par le Conseil des ministres, en cas de vacance du poste de président.
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Le patriarche à Roumieh
D'autre part, c'est face aux barreaux de la prison de Roumieh que le patriarche Raï, prenant exemple sur le pape François, a célébré hier le rite et la messe du lavement des pieds, en présence d'une centaine de détenus chrétiens assis dans une aile isolée de la cour. Et c'est avec des paroles courageuses qu'il s'est adressé dans son homélie aux détenus, pour leur demander de transcender le sinistre décor de leur vie carcérale et de « rentrer en eux-mêmes vers une vie nouvelle ».
Le patriarche a trouvé le même courage pour demander aux responsables politiques de remplir leur devoir de gardiens de l'ordre public et de la justice, malgré les difficultés qu'il y a à concilier ces deux impératifs...
« Nous espérons que les jugements seront justes, équitables, mérités et rapides », a notamment dit le patriarche Raï, sachant que certains des pensionnaires de la prison attendent leur jugement depuis plusieurs années, en raison des lenteurs de la procédure judiciaire, de l'accumulation des dossiers et du manque de juges.
Parmi ces détenus, des islamistes gardés en prison sans jugement et même sans présomption de culpabilité, depuis les combats de Nahr el-Bared (2007).
(Repère: Qui, quand, comment... Le manuel de l'élection présidentielle libanaise)
Abus sexuels et torture
Sans être cru, le patriarche a parlé avec réalisme des lamentables conditions de détention au Liban, que ce soit à Roumieh ou ailleurs.
C'est ainsi qu'il a condamné « les atteintes physiques, morales, sexuelles et religieuses » auxquels s'exposent les détenus, dans un univers carcéral surpeuplé et mal géré, faute de formation adéquate.
L'Église, a expliqué le patriarche, se tient informée de cette situation par l'aumônerie générale des prisons et les rapports qui parviennent à l'Assemblée des patriarches et des évêques catholiques au Liban.
Le chef de l'Église maronite a clairement condamné aussi « la torture et la violation des droits de l'homme » pratiquées dans certains centres de détention.
En fin d'homélie, le patriarche a énuméré les onze demandes que l'Église souhaite voir satisfaites, pour améliorer les conditions des détenus au Liban :
Le patriarche a notamment demandé l'amendement de certaines dispositions du règlement des prisons, qui remonte à 1949 et son harmonisation avec les critères internationaux en vigueur : l'amélioration des conditions de détention et le règlement du problème du surpeuplement carcéral ; l'élimination de la mention condamné de la seconde copie du casier judiciaire ; la fin de la torture et de la violation des droits de l'homme dans certains centres de détention ; la libération des détenus atteints de cécité, d'hémiplégie ou d'une maladie chronique, en attendant de leur créer des centres de soins ; le règlement une fois pour toutes des cas des détenus étrangers en situation irrégulière ; la création d'édifices spéciaux pour les délinquants mineurs ; l'accélération de la procédure judiciaire ; le respect de la présomption d'innocence ; la création d' une caisse
indépendante d'appui aux familles des détenus ; la distinction entre les détenus selon la gravité de leurs crimes ; la distinction entre usager, dealer et producteur de drogue.
(Verbatim : le discours-programme de Geagea pour la présidence de la République)
À bâtons rompus
Le patriarche a tenu, à la fin de la cérémonie, à se rapprocher de l'aile où se trouvaient les détenus et à échanger avec eux quelques propos à bâtons rompus. Certains ont réclamé une amnistie ou, à défaut, des mesures de clémence qui leur permettraient de retrouver leur liberté. Plus réalistes, d'autres ont simplement demandé qu'ils ne soient plus « incarcérés et oubliés » à Roumieh. Tous ont reçu la promesse que l'Église se fera l'avocate de leur cause.
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commentaires (4)
Pure l'esbroufe, yâ salâm !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
13 h 44, le 19 avril 2014