La visite du président américain Barack Obama à Riyad continue de susciter des interrogations, les milieux diplomatiques assurant qu'elle est intervenue à un moment où les relations entre les deux pays ne sont pas au beau fixe. Depuis l'ouverture américaine en direction de l'Iran et la renonciation des États-Unis à lancer des frappes aériennes contre les forces du régime syrien à l'automne 2013, les dirigeants saoudiens ne cachent pas leur colère à l'égard de l'administration Obama et vivent même dans une certaine inquiétude au sujet d'un éventuel changement de la stratégie américaine dans la région.
Dans une tentative de reprendre en main la situation intérieure et de convaincre les États-Unis que le royaume wahhabite est le pays le plus engagé dans la lutte contre le terrorisme takfiriste, le roi Abdallah a pris une série de décisions à la veille de l'arrivée d'Obama à Riyad. Il a ainsi décidé d'infliger de lourdes peines de prison aux jihadistes ayant combattu en Syrie et rentrés en Arabie. Il a aussi modifié l'ordre de succession du royaume, en désignant le plus jeune de ses frères (le 35e fils du roi Abdel Aziz ben Saoud), Moqren, comme successeur à l'héritier du trône, l'émir Selman. Les spécialistes du royaume voient dans cette démarche une volonté évidente de la part du roi Abdallah de favoriser l'intronisation d'un de ses fils, l'émir Metaab, après l'émir Moqren, éloignant ainsi du trône la branche des fils et petits-fils du roi Fayçal, ainsi que ceux de Sultan et de Nayef. De plus, Moqren, qui a longtemps occupé les fonctions de chef des services de renseignements saoudiens, n'est pas proche des extrémistes salafistes.
Le roi Abdallah a donc voulu poser les jalons de sa succession avant même l'arrivée du président américain pour lui montrer le sérieux de son engagement dans la lutte contre le terrorisme et lui demander en contrepartie un engagement ferme de la part des États-Unis envers le royaume. Le roi voulait en quelque sorte une reconnaissance claire de la part des États-Unis du fameux « pacte du Quincy », conclu le 14 février 1945 entre le roi ibn Saoud, fondateur du royaume wahhabite, et le président américain de l'époque, Franklin Roosevelt, et renouvelé par George W. Bush en 2005 pour une période de 60 ans. Le nom du pacte revient au fait que la rencontre a eu lieu sur le croiseur américain USS Quincy...
Selon ce pacte, les États-Unis s'engagent à préserver la stabilité de l'Arabie saoudite et son leadership sur le monde arabe, tout en protégeant la famille des Saoud contre « toute menace extérieure éventuelle ». Inquiet pour l'avenir de sa dynastie, avec les changements qui se profilent dans le monde arabo-musulman, le roi Abdallah avait donc besoin que le président américain confirme son engagement à respecter les dispositions de ce pacte.
Les milieux diplomatiques qui suivent de près l'évolution de la situation en Arabie précisent que le président américain s'est voulu rassurant sur ce point et que l'un des objectifs de sa visite à Riyad a été justement de renflouer le pacte du Quincy. Mais cela ne signifie pas que les points de vue entre le dirigeant américain et son homologue saoudien n'ont pas divergé sur certains dossiers. L'un des sujets de divergence est justement la volonté du roi Abdallah d'entraîner les États-Unis dans sa guerre contre les Frères musulmans qu'il a placés récemment sur la liste saoudienne des organisations terroristes. Les États-Unis continuent de reconnaître le pouvoir au Qatar et maintiennent d'ailleurs une base dans cet émirat, tout comme ils continuent de considérer le pouvoir en Turquie comme un allié. Enfin, ils maintiennent une position un peu floue sur le dossier égyptien, refusant de lâcher complètement les Frères musulmans et leur président déchu Mohammad Morsi. De même, le président américain a refusé de donner son accord au fait de donner à l'opposition syrienne des armes antiaériennes, alors que les Saoudiens insistent sur ce point. Ils ont d'ailleurs essayé de forcer la main au président américain en laissant leurs médias annoncer cette nouvelle à la suite de la visite d'Obama à Riyad, mais le secrétaire d'État américain John Kerry s'est empressé de démentir l'information. Enfin, le président américain a clairement affirmé à ses interlocuteurs saoudiens que l'ouverture de son administration en direction de l'Iran s'inscrit dans la stratégie et, par conséquent, un retour en arrière n'est pas envisagé dans ce dossier. En même temps, il a précisé que cela ne signifie nullement que les États-Unis renoncent à leur alliance avec l'Arabie.
En gros, la visite du président américain à Riyad n'aurait pas changé grand-chose dans le paysage régional. Les États-Unis ne veulent toujours pas donner des armes stratégiques à l'opposition syrienne, parce qu'ils ne veulent pas prendre le risque d'aider les groupes extrémistes et ils ne veulent pas non plus déclarer la guerre aux Frères musulmans, contrairement aux souhaits de Riyad. Mais entre ces positions divergentes sur des dossiers cruciaux, des sources diplomatiques affirment que l'échéance présidentielle libanaise aurait aussi été évoquée par les deux dirigeants, sous l'angle de la nécessité de préserver la stabilité dans ce pays. Depuis, les milieux politiques libanais s'ingénient à essayer d'interpréter concrètement cette affirmation... Pas facile, surtout que dans cette région du monde, les messages codés sont une pratique courante.
commentaires (8)
C'est ce que disait bien l'autre jour! Démocratie à l'américaine, hein? L'excellente Scarlett parle seulement du premier coté du pacte où "les États-Unis s'engagent à préserver la stabilité de l'Arabie saoudite et son leadership sur le monde arabe, tout en protégeant LA FAMILLE BEN SOUD contre « toute menace extérieure éventuelle». En d'autre termes Urbi et orbi! La contrepartie?? Bref! Et depuis quand la démocratie occidentale dit ou prévoit de protéger des familles au pouvoir dans des pays sans de vote et ou les conditions de la femme sont si lamentables? C'est simplement dégoutant. Ces gens ne peuvent avoir chez les personnes intelligentes un minimum de crédibilité. Soyons simplement conscient qu'il s'agit d'un rapport de forces et agissons, partant de ce point de vue.. se soumettre, résister, faire semblant de ne rien savoir etc.. mais siouplé, pas de question idéologiques, hein.
Ali Farhat
02 h 04, le 05 avril 2014