L'aide saoudienne à l'armée « n'est pas un événement ordinaire, et le don (3 milliards de dollars) n'en est pas un non plus », a affirmé hier Marwan Hamadé. « Le président Sleiman a donné le coup d'envoi à l'application de la déclaration de Baabda et à la stratégie de défense (...) Pour la première fois, la cause libanaise revient en tête de l'agenda international, et bénéficie de l'attention du monde arabe et de la communauté internationale », a renchéri M. Hamadé.
On ne saurait mieux dire. Il suffisait hier de lire les manchettes de certains journaux pour l'apprendre, a contrario.
Les 3 milliards de l'Arabie saoudite semblent avoir plongé le Hezbollah dans un pénible cauchemar. « L'Arabie saoudite a décidé de semer la discorde », titrait hier une manchette outrancière qui voudrait bien que l'armée reste en état de « faiblesse contrôlée ». C'est l'Arabie saoudite qui a assassiné Mohammad Chatah, accusait de son côté Assem Kanso, dans une déclaration qui en dit long sur le délire idéologique d'un camp à court d'arguments.
Pendant ce temps, la population de Ersal, elle, a pavoisé. Dans une initiative sans précédent, la DCA de l'armée est en effet entrée en action contre des hélicoptères de combat syriens qui ratissaient aux roquettes le « jurd » de cette localité. « Nous sommes fiers d'une armée qui défend nos frontières et nous défend », ont clamé les édiles de Ersal, qui ont établi un rapport direct entre l'initiative de l'armée et le discours musclé dont le chef de l'État a décidé de faire preuve contre le Hezbollah, qui se bat aux côtés de l'armée régulière syrienne, au mépris de la souveraineté nationale, au mépris de son adhésion à cette déclaration de Baabda prônant la neutralité positive du Liban et dont M. Hamadé fait l'épine dorsale d'une politique souverainiste. Certains sont même allés jusqu'à dire que Mohammad Chatah a capitalisé sur la déclaration de Baabda pour adresser son mémoire au président Rohani, signant ainsi son arrêt de mort, C'est plausible, surtout si l'on suit Walid Joumblatt assurant que la rivalité entre l'Arabie saoudite et l'Iran détermine aujourd'hui tous les développements politiques régionaux.
D'où la difficulté de sortir de cette polarisation, ou d'amener les deux puissances à se neutraliser, pour éviter d'être inféodé aux uns ou aux autres, ce qui n'est pas la moindre préoccupation du président Sleiman. Ce qui pourrait avoir encouragé le chef de l'État à « foncer » et à accorder toute la solennité requise à l'aide saoudienne, sans que l'on puisse l'accuser d'être sorti de sa neutralité et d'avoir épousé la cause du 14 Mars, comme on l'en accuse, c'est qu'elle intervient à chaud, après le séisme de l'assassinat de Mohammad Chatah, dont la facture ressemble de façon troublante à d'autres assassinats imputés au Hezbollah et à quelques jours de l'ouverture du procès du TSL, sachant l'obstructionnisme systématique du Hezbollah à ce procès où il fait figure d'accusé. D'une certaine façon, l'heure de vérité est là. Ce sera la neutralité positive de l'État où le Hezbollah qui sortira vainqueur de la confrontation, sachant que dans cette confrontation, l'État libanais pourrait enfin avoir trouvé le point d'appui externe indispensable pour réussir son redressement, comme un athlète se rétablit sur une barre fixe. Certes, la partie est toujours en cours, et le Hezbollah peut encore jouer de l'intimidation. Mais d'une certaine manière, le climat interne a changé. L'assassinat de Mohammad Chatah a été la goutte qui a fait déborder le vase, comme le prouve la colère déversée par la jeune génération sunnite sur le mufti Kabbani en pleine mosquée, colère qui a même choqué les aînés. Mais non : les jeunes ont ras le bol des salamalecs polis ! Même Siniora l'a compris : l'heure de « la libération de l'occupation des armes » a sonné !
L'heure est proche donc où l'on verra de quel côté penchera la balance, puisque le chef de l'État a promis un gouvernement « neutre » d'ici à la mi-janvier, contre l'avis du Hezbollah et en concomitance avec l'ouverture du procès à La Haye. Deux semaines turbulentes nous attendent.
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commentaires (10)
Je ne sais pas comment c'est arrivé mutilé. Prière lire " Forgé " et non Forger. Merci.
LA LIBRE EXPRESSION
15 h 04, le 02 janvier 2014