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Liban - Mémoire

Le camp de Dbayeh nous observe

Comment un État fut « taillé dans les vêtements d'un autre » et ce que nous avons fait de nos frères chrétiens déportés de Palestine, désarmés et livrés à l'oubli.

Une photo aérienne du camp palestinien de Dbayeh.

Ce sont nos frères. Ils viennent de la Palestine, une patrie perdue. En quittant leurs foyers, ils n'ont emporté avec eux que le strict nécessaire. Grecs-catholiques pour la plupart, ils ont été casés vaille que vaille, d'abord pendant quatre ans sous des tentes, près des orangeraies du lieu devenu l'ABC, ensuite dans des bâtiments en dur, avant d'être transférés vers leur lieu de résidence actuel, le camp de Dbayeh, un peu plus au nord. Durant la guerre, ils furent une proie facile pour les milices. Un mot de trop pouvait leur coûter la vie. Aujourd'hui, ils sont ignorés, relégués au dernier plan, effacés.

Pour réveiller nos mémoires, deux journalistes françaises, Nathalie Duplan et Valérie Raulin, leur ont consacré un livre : Le camp oublié de Dbayeh, Palestiniens chrétiens, réfugiés à perpétuité (Le Passeur éditeur). Après Le cèdre et la croix, Jocelyne Khoueiry, une femme de combats, c'est le second ouvrage que ces journalistes engagées consacrent au Liban.


Présenté au Salon du livre, l'ouvrage nous fait entrer dans l'intimité du camp, un espace de 84000 mètres carrés situé à vrai dire à Zouk Khrab et détaché par l'ordre maronite libanais pour accueillir les quelque 500 familles chrétiennes expulsées en 1948, principalement de Haïfa et du village d'al-Bassa, en Galilée. L'espace, loué par l'Unrwa au début des années cinquante, est aujourd'hui caché à la vue, à partir de l'autostrade, par l'ostentatoire hôtel Le Royal, dont le luxe jure avec sa misère extrême et ses ruelles sans soleil.


Historiquement, ces pages nous ramènent à la source de notre propre histoire. Le Liban indépendant n'avait que cinq ans, quand la « nakba », la catastrophe, eut lieu. Elles nous font revivre la grande hypocrisie du partage de la Palestine par l'ONU, « ce machin », le 14 mai 1948 : une décision où il n'était plus question de créer un « foyer » pour les Juifs d'Europe décimés par la Seconde Guerre mondiale, mais « de tailler un État dans les vêtements d'un autre », comme le disent avec pertinence les auteures. Elles rappellent comment fut cyniquement légalisée la spoliation de leurs biens par le nouvel État israélien, avec la promulgation des deux lois sur « les biens des absents », d'abord, puis sur « les biens des absents présents » sur le territoire du nouvel État, c'est-à-dire les Palestiniens restés sur place mais loin de leurs résidences d'origine dont ils avaient fui par crainte pour leur vie.

 

Population chrétienne et désarmée
« À Dbayeh, écrivent les auteures, la population est chrétienne et désarmée, contrairement à d'autres camps où les organisations palestiniennes sont présentes avec leurs armes. Mais parce qu'elle crie moins fort, la population, qui est là depuis 65 ans, a l'impression d'être moins écoutée. Elle n'en est que plus désespérée, et donc à la merci de sollicitations et d'infiltrations, notamment de groupes politiques ou islamistes agissant sous couverture humanitaire. »


Comme dans un roman, les auteures font vivre les « personnages » bien réels du camp, qu'il s'agisse de ses pensionnaires ou des cadres de l'Unrwa et des autres ONG impliquées qui les assistent, sans oublier les Petites Sœurs de Jésus qui habitent leur don. Cette faune est introduite au fil des chapitres par deux journalistes qui écrivent avec leur tête autant qu'avec leur cœur, faisant de leur mieux pour que rien d'essentiel ne nous échappe. On y voit quelques rares survivants de 1948, mais surtout leur descendance, habiter là, végéter, tenter leur chance ailleurs, revenir, travailler en dehors du camp et y rentrer le soir, aimer, espérer, désespérer et finalement mourir.


Dans le titre, le mot oublié n'est pas de trop. On a presque envie d'ajouter « assassiné ». C'est de mémoire qu'on parle. « Les Palestiniens n'ont pas seulement perdu leur terre. Ils ont aussi perdu le droit de raconter comment les événements se sont déroulés », écrivent Nathalie Duplan et Valérie Raulin. En corrigeant cet oubli, en montrant le camp de Dbayeh dans sa proximité géographique et son identité chrétienne, elles font un salutaire travail de mémoire et de prise de conscience. La jaquette du livre est particulièrement parlante. Ces visages nous regardent. On a envie d'en parler avec le titre de Thomas Tranströmer, Les souvenirs m'observent. L'objectif a figé le passé et l'indéfinissable nostalgie qu'il réveille. À travers le prisme du camp de Dbayeh, nous revivons l'histoire d'une immense injustice, dans sa dimension humaine, sociale et politique. Nous pourrions presque être à leur place. 


Certes, l'ouvrage n'est pas un livre d'écriture, son style est sobre, parfois même documentaire. Mais il est fait avec beaucoup d'honnêteté intellectuelle et d'intégrité morale, et, dans la mesure où il n'existe pas d'autre monographie, Le camp oublié de Dbayeh, Palestiniens chrétiens, réfugiés à perpétuité est indispensable. Ce livre n'est pas une œuvre de fiction. Il appelle à des actes d'humanité réparateurs. On ne peut continuer de regarder de l'autre côté, alors qu'à deux pas résident des frères incapables de prospérer économiquement, condamnés à être de perpétuels assistés, livrés aux réglementations absurdes et parfois vexatoires des bureaucrates de l'Unrwa ou de l'État libanais, à l'islamisme avançant sous le masque de l'humanitaire, aux préjugés des plus proches. À quand la première visite à Dbayeh du patriarche Grégoire III ?

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Ce sont nos frères. Ils viennent de la Palestine, une patrie perdue. En quittant leurs foyers, ils n'ont emporté avec eux que le strict nécessaire. Grecs-catholiques pour la plupart, ils ont été casés vaille que vaille, d'abord pendant quatre ans sous des tentes, près des orangeraies du lieu devenu l'ABC, ensuite dans des bâtiments en dur, avant d'être transférés vers leur lieu de...

commentaires (3)

UNE LEçON À BIEN MÉDITER PAR LES LIBANAIS CHRÉTIENS QUI.... DÉSUNIS... ET SUIVANT COMME DES MOUTONS LEURS ÉCERVELÉS PANURGES, RISQUENT DE SE RETROUVER DANS DES "DBAYÉ" ÉPARSES AUX QUATRE COINS DU MONDE ! LIBANAIS CHRÉTIENS, RÉVEILLEZ-VOUS ET, S'ILS NE S'UNISSENT PAS EN UN SEUL FRONT CHRÉTIEN, ENVOYEZ LES IMMÉDIATEMENT TOUS AU DIABLE !!!

LA LIBRE EXPRESSION

11 h 32, le 24 décembre 2013

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Commentaires (3)

  • UNE LEçON À BIEN MÉDITER PAR LES LIBANAIS CHRÉTIENS QUI.... DÉSUNIS... ET SUIVANT COMME DES MOUTONS LEURS ÉCERVELÉS PANURGES, RISQUENT DE SE RETROUVER DANS DES "DBAYÉ" ÉPARSES AUX QUATRE COINS DU MONDE ! LIBANAIS CHRÉTIENS, RÉVEILLEZ-VOUS ET, S'ILS NE S'UNISSENT PAS EN UN SEUL FRONT CHRÉTIEN, ENVOYEZ LES IMMÉDIATEMENT TOUS AU DIABLE !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 32, le 24 décembre 2013

  • Pauvre Liban ! Que de problèmes on t'a collé et on te colle !

    Halim Abou Chacra

    04 h 33, le 24 décembre 2013

  • "À quand la première visite à Dbayeh du patriarche Grégoire III" Léhhééém ? A quand ? Mais quand son Bien-aimé Monchâr de président l'autorisera à la faire !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    02 h 34, le 24 décembre 2013

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