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Liban - Social

Réfugiés syriens et palestiniens s’organisent tant bien que mal à Dbayé

Caché par l’imposant hôtel Le Royal de Dbayé, l’unique camp palestinien chrétien du Liban regroupe environ 5 000 âmes, dont un nombre croissant de réfugiés syriens fuyant leur pays en guerre. La situation dans le camp, déjà précaire, ne peut qu’empirer.

L’école du camp détruite durant la guerre.

Dans son petit bureau décoré de cartes de la Palestine, Ali Hassan Marouf, le directeur du camp mandaté par l’Unrwa, décrit avec précision l’évolution de la situation dans le camp. « Depuis 2011, environ 70 familles ont fui le conflit syrien pour s’installer dans le camp, mais seulement quatre d’entre elles sont palestiniennes. La plupart n’avaient pas assez d’argent pour s’installer à Beyrouth et ont été attirées pas les prix plus réduits pratiqués dans le camp. » L’Unrwa a décidé de ne pas s’opposer à l’implantation de ces nouveaux réfugiés dans les camps palestiniens. Le responsable rappelle que la prise en charge des Syriens incombe au Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), l’Unrwa ne s’occupant que des Palestiniens.

Une situation d’urgence
Arrivés dans la précipitation, les Syriens sont très souvent dans le besoin. Ils manquent de nourriture, de médicaments et de place. Certaines habitations accueillent trois, voire quatre familles. Les « abris » du camp ne comptent souvent que deux ou trois pièces étouffantes en été et humides en hiver. Une dizaine de personnes peuvent vivre dans la même chambre dans des conditions déplorables. « J’ai récemment découvert qu’une famille de 12 personnes était atteinte de la gale. J’ai dû courir acheter les médicaments pour éviter que l’infection ne se propage dans tous les foyers du camp », annonce sœur Joanna. Sœur Joanna et sœur Martine sont membres de la fraternité des petites sœurs de Nazareth, présente dans le camp depuis 25 ans. Vêtues de leurs robes bleues et armées de leur éternel sourire, elles s’investissent auprès des plus pauvres du camp, quelle que soit leur nationalité, et leur apportent réconfort et aide matérielle. Jakob, un étudiant en médecine belge de 22 ans, aide les sœurs pour les visites médicales dans le camp. Le visage grillé par les coups de soleil, il raconte que certaines Syriennes refusent parfois d’être soignées par un homme. « On doit alors attendre qu’une femme médecin viennent les soigner, ça complique les choses. »


De nombreuses inquiétudes pèsent sur les familles syriennes. Les frais de santé, la scolarisation des enfants, la difficulté pour trouver du travail sont autant de problèmes qui rendent la vie des réfugiés incertaine. Face à des loyers souvent exorbitants et à un coût de la vie bien plus élevé qu’en Syrie, les réfugiés ne peuvent plus s’en sortir sans aide. Récemment, une famille nouvellement arrivée a même dû rentrer en Syrie malgré les combats. La situation était devenue financièrement intenable.
Mireille, une jeune assistante sociale dynamique, dirige le centre « Caritas-Migrants » et multiplie depuis un an les actions visant à venir en aide aux Syriens. Des kits alimentaires et hygiéniques sont ainsi fournis aux réfugiés non inscrits au HCR. Mireille répète avec insistance qu’« il faut rapidement trouver une solution, car la situation ne pourra pas durer longtemps comme ça ».

Solidarité et cohabitation forcée
Chaque matin, une vieille Palestinienne déambule dans les rues du camp appuyée sur sa canne pour rendre visite à une jeune Syrienne et son enfant de trois mois. Jusqu’à maintenant, la cohabitation entre peuples de religions différentes se passe paisiblement à Dbayé.
Selon Mireille et Élias, la grande majorité des habitants comprend les difficultés et les souffrances vécues par les Syriens, simplement parce que eux ou leurs parents ont connu les mêmes. La solidarité prédomine dans les rapports entre réfugiés. Le partage des logements ou de la nourriture s’organise. Jakob fait part de sa surprise de voir que des familles chrétiennes et musulmanes s’invitent régulièrement pour prendre le café. Georges, un Palestinien affable âgé de 40 ans, loue un logement à deux familles syriennes pour un prix modéré – 200 USD – et alimente ses nouveaux locataires en eau. Malgré les plaintes de certains voisins, Georges « refuse de leur demander de partir car ils n’auraient nulle part où aller ».


Cependant, les aides destinées aux Palestiniens et aux Libanais résidant dans le camp diminuent au profit des Syriens depuis un an. Ainsi, le programme d’aide médicale « Echo » destiné à 250 personnes âgées du camp et mis en place par Caritas a pris fin l’année dernière car Caritas concentre désormais ses efforts sur les Syriens. Les anciens bénéficiaires viennent encore dans le centre, par habitude, pour jouer aux cartes, demander un conseil ou seulement pour discuter. Cette différence de traitement entre Syriens et Palestiniens peut aussi être vécue comme une injustice. Sur le pas de sa porte, un habitant récrimine en fumant cigarette sur cigarette contre les nouveaux réfugiés qui leur prennent les aides « qui leur sont réservées ». D’autres dénoncent l’augmentation du chômage et la diminution des salaires depuis l’arrivée des Syriens. Il est certain que des employeurs libanais profitent de la détresse des nouveaux arrivants pour imposer des salaires très bas et ainsi augmenter leurs profits...

La pauvreté s’ajoute à la pauvreté
Les problèmes vécus dans le camp sont nombreux, récurrents, et prennent de l’ampleur avec l’arrivée massive des nouveaux migrants. La qualité de vie dans son ensemble est dégradée. L’accès à l’eau, l’électricité, l’éducation et l’emploi se révèle souvent être un véritable parcours du combattant. Les réfugiés syriens sont d’ores et déjà
soumis au même régime que les Palestiniens.
En tant que non-Libanais, les réfugiés palestiniens ne peuvent bénéficier d’une couverture sociale ou d’une retraite. Les Palestiniens habitant au Liban depuis des décennies ressentent souvent cela comme une injustice. Sœur Joanna s’alarme : « Ils doivent dépenser des sommes parfois considérables pour recevoir des soins, ce qui aggrave encore un peu plus les difficultés financières des familles. » Avec peu de moyens, la religieuse visite et soigne les malades du camp, contrôle leur état de santé, leur donne des médicaments, les oriente vers des médecins peu onéreux... Cette présence est devenue indispensable pour les habitants et remplace bon an mal an les déficiences de la clinique de l’Unrwa. Cette dernière n’est ouverte que deux jours par semaine et manque cruellement de médicaments adaptés aux maladies chroniques dont souffre un nombre important de malades.


La scolarisation est l’une des pires plaies du camp de Dbayé. L’école du camp détruite pendant la guerre n’a jamais été reconstruite, l’Unrwa et la mission pontificale se renvoyant la responsabilité des travaux. Les bâtiments de l’ancienne école sont aujourd’hui encore en ruine. Et les peintures enfantines sur les façades ne parviennent pas à masquer le délabrement des installations. L’endroit sert aujourd’hui de lieu de stockage pour les associations et accueille la kermesse annuelle. L’association JCC (Joint Christian Committee), présente dans le camp depuis 2007, se bat pour la réhabilitation de l’école. Selon Élias Ghorayeb, « cette impasse oblige les élèves à se rendre à l’école de l’Unrwa de Bourj Hammoud ou bien dans les autres écoles voisines ». Là-bas, les frais sont élevés, si bien que certaines familles ne peuvent plus scolariser leurs enfants. L’échec scolaire est devenu chose courante pour les jeunes réfugiés. Les Palestiniens ne peuvent s’empêcher de souligner que tous les autres camps disposent d’une école de l’Unrwa, sauf le leur. En plus d’organiser une kermesse, des camps de vacances et des activités pédagogiques, JCC propose des cours de soutien scolaire à une soixantaine d’enfants du camp. Mais seuls 2 ou 3 Syriens peuvent assister à ces cours, les autres n’étant pas scolarisés pour l’instant. En revanche, ils peuvent tous profiter des autres activités proposées par l’association. « Cela permet aux enfants de bien s’intégrer dans le camp », ajoute Élias Ghorayeb, le représentant de JCC, tout en surveillant du coin de l’œil les enfants en train de jouer dans la bibliothèque du centre.


À la rentrée, la situation des Syriens sera pire encore. Contrairement aux programmes scolaires libanais enseignés en français ou en anglais, les programmes syriens sont uniquement dispensés en arabe. Les enfants pourront donc très difficilement intégrer les classes libanaises. À cela s’ajoutent le faible niveau scolaire de ces écoliers et le fait que la plupart d’entre eux ont manqué plusieurs mois de cours. Les retards et difficultés scolaires des enfants ne pourront que s’aggraver dans les mois à venir. Pour tenter de prévenir ces échecs, Caritas a mis en place depuis un an des classes de remise à niveau et de soutien scolaire réservées aux jeunes réfugiés. JCC projette de faire de même ; tous ont bien compris que l’éducation restera la seule arme du réfugié pour accéder à une vie meilleure.

 

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commentaires (5)

LES ÉTRANGERS, SUR TERRE LIBANAISE, S'ORGANISENT ... ET LES LIBANAIS SE DÉSORGANISENT... QUELLE HYPER ABERRATION !

SAKR LOUBNAN

19 h 49, le 09 octobre 2013

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Commentaires (5)

  • LES ÉTRANGERS, SUR TERRE LIBANAISE, S'ORGANISENT ... ET LES LIBANAIS SE DÉSORGANISENT... QUELLE HYPER ABERRATION !

    SAKR LOUBNAN

    19 h 49, le 09 octobre 2013

  • parfait exemple de la fraternité arabe....quelques milleirs de millardaires sur des millions de kilomètres carrés vides,et quelque centaines de milliers de réfugiés fauchés sur quelques kilomètres carrés...vous avez dits "arabes" et "fraternité"? faudrait vite inscrire ces deux mots dans le dictionnaire des contraires...3aïb...waynoun el 3arab? City? Wall Street? Cabaret? Y en a encore pour parler d'arabisme et d'arabité???ba3d ma helko?

    GEDEON Christian

    18 h 53, le 09 octobre 2013

  • Prions pour que la jalousie des uns ne se traduisent par des attaques vis a vis des autres . Qui disait que la misère etait moins penible au soleil ??

    Jaber Kamel

    19 h 46, le 08 octobre 2013

  • JE CROIS QUE PROCHAINEMENT LES LIBANAIS SERAIENT LES RÉFUGIÉS DANS LEUR PROPRE PAYS !

    SAKR LOUBNAN

    17 h 15, le 08 octobre 2013

  • "Caché par l’imposant hôtel Le Royal de Dbayé" ! Lahlah, mais c'est dans ce même Hôtel que BoSSfaïr et ses Amers Orangés se réunissent quelques fois en congrès !

    Antoine-Serge KARAMAOUN

    07 h 35, le 08 octobre 2013

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