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Liban - Rencontre

Mikati : Si l’Arabie nous ferme ses portes, nous devons entrer par les fenêtres

Premier ministre démissionnaire depuis huit mois, Nagib Mikati en a visiblement assez d’assumer de facto des responsabilités qui ne devraient plus être les siennes. Surtout dans une phase aussi particulière et alors que sa ville natale est pratiquement devenue un champ de bataille. Il a donc décidé de s’exprimer dans une conversation à bâtons rompus avec quelques journalistes.

Le Premier ministre sortant Nagib Mikati et Amine Maalouf.

C’est par pur hasard que ce rendez-vous coïncide avec la visite du président Michel Sleiman en Arabie saoudite, la même Arabie qui ne lui a plus ouvert grandes ses portes depuis sa désignation à la tête du gouvernement après la chute du cabinet Saad Hariri. C’est quand même l’occasion d’émettre quelques critiques...


Quel est donc son sentiment en voyant le président Sleiman reçu par le roi Abdallah, alors qu’il n’a plus eu les honneurs de l’Arabie ? M. Mikati répond qu’il n’y a aucun conflit personnel entre lui et les dirigeants saoudiens. Mais leur attitude serait liée, selon lui, à la situation dans la région. Il rappelle d’ailleurs que la visite du président Sleiman avait été reportée sans que les Saoudiens donnent une explication précise. En réalité, selon lui, tout le monde s’étonne aujourd’hui de la politique des dirigeants saoudiens. Il faut se rappeler comment ils ont refusé le siège au Conseil de sécurité. « Les Saoudiens sont en train d’adopter une politique basée sur la personnalisation des conflits, précise Nagib Mikati. Ils n’aiment pas le Premier ministre Nouri al-Maliki, ils s’en prennent à l’ensemble de l’Irak. Ils n’aiment pas Mohammad Morsi, ils en ont voulu à l’Égypte jusqu’au changement de président. Pourtant, nous devons avoir de bonnes relations avec l’Arabie. S’ils nous font sortir par la porte, nous devons revenir par la fenêtre. C’est notre politique et notre stratégie, indépendamment des personnes. »


Précisément, où se situe-t-il aujourd’hui, parce que personne n’y comprend plus rien ? « Je suis toujours dans la même ligne politique, celle de la modération et de la recherche de l’équilibre avec toutes les parties, affirme-t-il. La politique de distanciation à l’égard du dossier syrien que j’ai prônée depuis le début s’inscrit dans ce cadre. »


Qu’en reste-t-il aujourd’hui, avec la participation active du Hezbollah aux combats en Syrie ? « Justement, répond Mikati, c’est à cause de la démission du gouvernement que le Hezbollah a envoyé ses combattants en Syrie. Il a considéré avoir perdu le gouvernement et il a compensé ce déséquilibre en participant aux combats en Syrie. De plus, en tant que Premier ministre démissionnaire, je n’avais plus les moyens de les arrêter. » Ne serait-ce pas plutôt pour ouvrir la voie à cette participation qu’il a présenté la démission de son gouvernement ? M. Mikati ne se laisse pas entraîner dans les polémiques. Il rappelle qu’il a démissionné à cause de l’affaire du général Achraf Rifi, « mais chacun est libre de faire l’interprétation de son choix », dit-il. Il préfère insister sur le fait qu’il n’y a aucun conflit personnel entre lui et les Saoudiens, et il rappelle qu’au cours de son dernier voyage, il a rencontré l’émir Saoud al-Fayçal, et même l’émir Selman et l’émir Bandar ben Sultan. Mais il ajoute que ce sont les Saoudiens qui ont changé de politique à l’égard du Liban. Depuis quand laissent-ils les Makassed en difficulté sans intervenir, ou encore Dar al-aytam al-islamiya ? s’est-il demandé...

 


Les deux attentats de Tripoli
Partage-t-il les accusations du Hezbollah contre certains dirigeants saoudiens sur le plan sécuritaire ? M. Mikati est catégorique, les Saoudiens ne sont pas impliqués dans les troubles sécuritaires à Tripoli, ni dans la banlieue sud. Pour la énième fois, il dément avoir financé les milices à Tripoli, précisant toutefois qu’il distribuait des aides sociales, mais il a cessé de le faire depuis cinq mois.


M. Mikati affirme en outre qu’il ira jusqu’au bout dans l’enquête sur la double explosion des voitures piégées devant les deux mosquées de Tripoli parce que c’est son devoir envers les habitants de la ville, lesquels, selon lui, ont rejeté la discorde en refusant d’englober les habitants de Jabal Mohsen dans leurs accusations.


À la question de savoir pourquoi il réclame l’arrestation de Ali Eid, alors que le chef de la municipalité de Ersal Ali Hojeïry, qui fait l’objet de poursuites, n’a pas été arrêté, M. Mikati répond qu’on ne peut pas avoir cette logique. « Si toute arrestation est liée à une autre, le pays sera totalement ingouvernable. » De plus, selon lui, il faut laisser la justice faire son travail, sans faire de pression politique ou autre sur elle.


M. Mikati estime qu’il n’y a pas de risque d’explosion généralisée à Tripoli, mais la situation y est trouble, et il travaille jour et nuit avec les forces sécuritaires et les composantes politiques pour tenter de désamorcer la bombe. Dans ce cadre, il précise qu’il n’y a aucun contact entre lui et l’ancien directeur des FSI, le général Rifi.

 


(Eclairage :  Les alaouites du Liban : une minorité fragilisée par la crise syrienne)

 


Le dossier du TSL
Au sujet du financement du TSL, M. Mikati affirme qu’il sera fait en temps voulu et qu’il en a déjà parlé avec le ministre des Finances (ses proches expliquent ainsi que cette décision ne doit pas passer par le Conseil des ministres et que l’affaire est réglée). Il rappelle que lorsqu’il a formé son gouvernement, des rumeurs ont commencé à circuler sur le fait qu’il allait remettre en cause le protocole d’accord signé au sujet du TSL et rappeler les juges libanais, etc. Il n’en a rien fait, assurant chaque année la part du Liban dans le financement de ce tribunal, et il continuera à le faire jusqu’au bout car il considère que c’est dans l’intérêt du Liban. Il ajoute qu’il ne regrette aucune décision prise. Mais cela ne l’empêche pas d’être inquiet pour le pays avec « la terrible foudre syrienne » de plus en plus proche. Il rappelle à cet égard que le Liban a des relations géographiques et historiques avec la Syrie qu’il ne peut pas changer.

 

En même temps, il doit concilier entre la division de la société libanaise au sujet du dossier syrien, les intérêts des dizaines de milliers de Libanais qui travaillent dans les pays du Golfe et le dossier des réfugiés syriens. C’est pourquoi il a lui-même décidé d’adopter la politique de distanciation, prenant exemple sur la Chine pendant la guerre entre l’Irak et l’Iran. Celle-ci avait refusé de voter une résolution du Conseil de sécurité en 1974 parce qu’elle avait des intérêts dans les deux pays... M. Mikati souligne qu’il appelle à la formation d’un nouveau gouvernement de tous ses vœux, ajoutant qu’il ne croit pas que le Premier ministre désigné Tammam Salam compte se récuser. Il refuse de dire qui, selon lui, entrave la formation d’un nouveau gouvernement, ajoutant qu’il rejette toute idée de renflouement de son gouvernement. « Si je voulais un tel renflouement, je n’aurais pas démissionné. Et aujourd’hui, je ne veux pas engager le Liban dans des décisions prises par un gouvernement démissionnaire où je n’ai plus la force nécessaire pour avoir du poids », dit-il. Il ajoute qu’à cet égard, le dossier du pétrole déterminera le sort des générations à venir. Il ne faut donc pas faire la moindre erreur sur ce plan. Tout en affirmant que le ministre de l’Énergie et de l’Eau Gebran Bassil a fait un très bon travail, il précise que le gouvernement démissionnaire ne peut pas prendre de décision à ce sujet, surtout qu’il y a un Premier ministre désigné.


M. Mikati affirme par ailleurs ne pas en avoir voulu à Walid Joumblatt qui a souligné que « si Tammam Salam s’excuse, je le renommerai ». Au contraire, précise M. Mikati, je l’ai remercié. Selon lui, la formule 9, 9, 6 est acceptable pour le 14 Mars car elle lui donne l’avantage avec une partie des centristes. Il déclare que ses relations sont excellentes avec le président de la Chambre Nabih Berry, et s’il lui a proposé de demander au Parlement de définir le concept des affaires courantes, c’est en s’inspirant de l’exemple de la Belgique qui est restée une longue période sans gouvernement.
Au sujet de l’élection présidentielle, M. Mikati affirme qu’il n’est pas impossible de la tenir. Mais si c’est impossible, il préfère la prorogation du mandat du président actuel au vide. Enfin, il déclare ne pas avoir de relations avec le commandement syrien par respect de la politique de distanciation. Au sujet de rumeurs sur l’envoi d’un message à « Abou Waël » (Mohammad Nassif), il souligne avoir tout simplement pris de ses nouvelles en raccompagnant à la porte un de ses visiteurs, l’ancien ministre Wi’am Wahhab...

 

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C’est par pur hasard que ce rendez-vous coïncide avec la visite du président Michel Sleiman en Arabie saoudite, la même Arabie qui ne lui a plus ouvert grandes ses portes depuis sa désignation à la tête du gouvernement après la chute du cabinet Saad Hariri. C’est quand même l’occasion d’émettre quelques critiques...
Quel est donc son sentiment en voyant le président Sleiman...

commentaires (3)

CHÉHHÂDE WÉMCHÂRATE.... !

Antoine-Serge KARAMAOUN

07 h 51, le 13 novembre 2013

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Commentaires (3)

  • CHÉHHÂDE WÉMCHÂRATE.... !

    Antoine-Serge KARAMAOUN

    07 h 51, le 13 novembre 2013

  • ET POURQUOI PAS PAR LA CHEMINÉE DU TOIT ? QUI FAIT NIAOU... NIAOU... SUR LE TOIT ?

    SAKR LOUBNAN

    16 h 00, le 12 novembre 2013

  • "Au sujet de rumeurs sur l’envoi d’un message à « Abou Waël » (Mohammad Nassif), il souligne avoir tout simplement pris de ses nouvelles en raccompagnant à la porte un de ses visiteurs, l’ancien ministre Wi’am Wahhab..." ! "Sacré" Little big Mik : On dirait "Laval"....

    Antoine-Serge KARAMAOUN

    02 h 02, le 12 novembre 2013

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