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À La Une - La situation

Dans l’attentisme actuel, la politique de la main tendue ferait-elle son chemin ?

Le chef de l’État a présidé hier à Baabda une réunion sur le dossier des réfugiés syriens. Photo Dalati et Nohra

L’attentisme imposé par l’éventualité de frappes occidentales sur des positions stratégiques du régime en Syrie couve un processus de mise en place de garde-fous capables de contenir la situation, quel que soit le scénario qui ferait suite à l’intervention militaire occidentale.


Ces garde-fous se dégagent de la feuille de route du président de la République Michel Sleiman (son discours de la fête de l’Armée et son appel, samedi, à redynamiser la politique de distanciation), qu’il entend consolider par une série de contacts et de concertations avec les différentes parties au cours des prochains jours, selon les informations de L’Orient-Le Jour.


Déjà, le chef de l’État est revenu hier sur la teneur de la déclaration de Baabda, qu’il a réadaptée à l’urgence de la situation actuelle. Il a appelé en effet les différentes forces politiques à « remettre sur le tapis la politique de distanciation sur la base de la déclaration de Baabda, en faisant prévaloir l’intérêt national sur toute autre considération, surtout en cette période ». Recevant l’ambassadeur de Russie, il a surtout mis l’accent sur le fait que « les constantes nationales (de neutralité, NDLR) favorisent une solution politique à la crise syrienne, loin de toute intervention militaire étrangère ». Le chef de l’État a ainsi consacré l’équilibre entre la solidarité du Liban avec les pays arabes, d’une part, et l’immunité nécessaire à sa paix civile, d’autre part.


Cet appel tenterait de neutraliser entre autres la position du ministre sortant des Affaires étrangères, Adnane Mansour, qui avait souligné la veille la nécessité d’une réunion extraordinaire du Conseil des ministres afin d’examiner les retombées possibles « et graves » d’une opération militaire contre le régime syrien.


Cette position diplomatique relative à la crise syrienne, et par laquelle Adnane Mansour se démarque une nouvelle fois des deux présidences, a été rejetée hier par le Premier ministre démissionnaire Nagib Mikati. « Nous sommes des messagers de la paix et de la stabilité dans la région », a-t-il déclaré au quotidien as-Safir dans l’édition d’hier. « Je ne convoquerai pas une réunion urgente du gouvernement tant qu’une frappe occidentale n’a pas eu lieu. Nous ne voulons pas donner l’impression de faire la promotion d’une telle frappe », a-t-il ajouté.


Pour le 14 Mars, le ministre sortant Adnane Mansour « a mis ses compétences au service du régime Assad et de sa campagne politique », pour reprendre l’expression du député du bloc du Futur Ahmad Fatfat, qui s’est étonné par ailleurs de l’appel à la tenue d’un Conseil des ministres urgent, « alors que le Conseil ne s’est pas réuni au lendemain des explosions ayant secoué le Liban ». Il a signalé qu’en tout état de cause, la réunion à laquelle le ministre Mansour a appelé « dépasse les procédures constitutionnelles relatives à l’expédition des affaires courantes ».
Quoi qu’il en soit, le ministre Mansour est revenu à la charge hier, déclarant dans une entrevue télévisée que « le Liban n’acceptera pas que son ciel assure le passage d’une attaque militaire contre la Syrie ». Cette position acharnée du ministre fait écho à sa mise en garde, la veille, contre l’ouverture du Front du Sud (« le Liban ne restera pas les bras croisés au cas où Israël profiterait d’une agression contre la Syrie pour ouvrir un front avec le Hezbollah au Liban-Sud »). Pour l’instant néanmoins, rien ne semble indiquer une disposition du parti de Dieu d’enflammer ce front.

 

Le tir des quatre roquettes sur le nord d’Israël à partir de Tyr il y a près de dix jours a été revendiqué par les Brigades Abdallah Azzam, affiliées au commandement général du front populaire palestinien, relevant entièrement de Damas. Le Hezbollah n’a d’ailleurs pas réagi à la réponse ponctuelle et réduite d’Israël, qui a bombardé Naamé, dont le camp de réfugiés abrite l’infrastructure des Brigades Azzam. Aujourd’hui, à l’heure de la menace d’une frappe occidentale sur Damas, et la mobilisation des troupes israéliennes, le Hezbollah semble maintenir sa prudence. Des sources politiques du 8 Mars citées par l’agence d’information al-Markaziya ont lié l’éventuelle réaction du Hezbollah non pas aux frappes occidentales en soi, mais à leur ampleur et leurs cibles. Néanmoins, ces sources ont assuré que le Hezbollah est « conscient du danger de chaque démarche et n’envisage pas d’entraîner le Liban dans une confrontation que le parti n’est pas à même d’assumer ». Ces mêmes sources ont fait état d’avertissements adressés par les services de renseignements occidentaux au Hezbollah sur les conséquences graves que porterait toute attaque contre Israël en réaction aux frappes.

 


Bou Faour chez Hariri à Nice
Cet équilibre entre les intérêts respectifs de chaque camp, et la volonté de ne pas plonger le pays dans un cycle de violences, ressort le plus concrètement au niveau du dossier ministériel. L’appel du président Sleiman à la formation d’un cabinet neutre en cas d’échec d’une entente sur un gouvernement « d’intérêt national » avait contribué à asseoir progressivement l’option d’un cabinet de fait accompli, formé de figures indépendantes, incluant une figure au moins qui soit proche du Hezbollah. Même le chef du Front de lutte nationale Walid Joumblatt n’avait pas écarté cette option, qui avait fait d’ailleurs l’objet de la rencontre entre le prince Bandar ben Sultan et le ministre démissionnaire des Affaires sociales Waël Bou Faour (selon des sources proches du 14 Mars).

 

Vivement contestée par le Hezbollah (qui a mis clairement en garde contre l’exclusion d’une partie au profit d’une autre), cette option s’est mue finalement en une formule d’un « gouvernement rassembleur », consentie par le chef de l’État et le Premier ministre désigné. Cette expression semble néanmoins mécontenter le 14 Mars, qui y voit un flou susceptible de conduire à la formation d’un cabinet d’union nationale, préconisé par le Hezbollah qui réclame, rappelons-le, une représentation des blocs parlementaires en fonction de leur poids respectif. « Nous ne contestons pas l’option de se mettre à la même table que le Hezbollah, à condition que ce dernier s’engage à respecter la déclaration de Baabda », affirment des sources parlementaires du 14 Mars à al-Markaziya. Des sources diplomatiques auraient en tout cas conseillé au 14 Mars d’atténuer ses conditions sur la formule ministérielle, « les circonstances actuelles étant optimales pour tendre la main au camp opposé ». De fait, le chef du bloc du Futur, le député Fouad Siniora, a adressé hier un discours aux Libanais, les exhortant à « la solidarité, l’unité et la sagesse pour faire éviter au Liban les graves dangers attendus dans la région ». C’est dans ce contexte que le ministre sortant des Affaires sociales Waël Bou Faour doit se rendre aujourd’hui en France (Nice) pour un entretien avec l’ancien Premier ministre Saad Hariri.

 


Réfugiés : réunion d’urgence
En plus de la fragilité de la politique de distanciation et la paralysie de la formation du cabinet, il reste enfin une troisième entrave à l’immunité du Liban : le dossier des réfugiés syriens, marqué par un absentéisme effectif de l’État, ressenti aussi bien par les acteurs civils que par les municipalités qui traitent avec les réfugiés. Face à l’urgence particulière que revêt à l’heure actuelle ce dossier (plus de 13 000 réfugiés auraient traversé les postes frontaliers entre mardi et mercredi, et ce nombre risque d’augmenter si les frappes occidentales sont confirmées), une réunion ministérielle s’est tenue hier à Baabda, sous la présidence du chef de l’État, en présence du Premier ministre démissionnaire, et des ministres sortants des Affaires sociales, Waël Bou Faour, et de l’Intérieur, Marwan Charbel. Selon les informations de L’Orient-Le Jour, l’enjeu de la réunion a été de trouver une solution rapide et efficace à l’augmentation prévue de l’afflux de réfugiés. Parmi les solutions envisagées, celle d’affecter une parcelle de terrain à cette fin. Mais rien n’a encore été décidé, toute solution nécessitant une concertation préalable avec les organisations internationales concernées.

 

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