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À La Une - En dents de scie

Cl(o)aques

Vingt-neuvième semaine de 2013.
Il n’y a, férocement, pas de hasards. Si ces sept derniers jours ont été hystériquement rythmés, dans les médias comme dans les salons, les restaurants, les bars, les usines et les confessionnaux, par un sacré triptyque de faits divers : une violence domestique immonde, une castration maniaque et un assassinat politique anamorphosé en crime passionnel, c’est qu’il y a bien une raison. Un virus. Un terreau propice. Un vecteur. Quelque chose qui ressemble à un immense vide à combler, ce vide dont la nature a littéralement horreur.
Laurent Mucchielli est sociologue du crime : Loin de passer pour un accident de la vie quotidienne, l’érection du fait divers criminel en priorité de l’information le transforme en un fait de société. Il est promu au rang de symptôme des dérèglements de la vie sociale. Et lorsqu’il rencontre une ambiance générale de morosité et d’inquiétude sur l’avenir, il devient le révélateur d’une décadence. Tout est (tellement) dit : c’est le révélateur d’une sordidité gigantesque. Le sordide. Voilà un concept poupées russes furieusement intéressant. Aussi glauque, crasseux, mesquin, immonde, répugnant, sale, abject, repoussant, ignoble, dégoûtant, vil, veule et vain soit-il, ce sordide-là garde dans son ADN une capacité à ensorceler la masse, l’envoûter carrément, à la gluer à lui comme une mouche sur du sucre ou sur des excréments.
Tout le monde (ou presque) a eu envie de dynamiter Karam Bazzi, le mari qui a battu à mort Roula Yaacoub devant leurs cinq filles, de le disséquer, comme une horloge, comme un train électrique, voir comment et combien il était (mal)fabriqué, comment la barbarie peut prendre pareil visage humain.
Tout le monde (ou presque) ne parle, les yeux exorbités par cette fascination/répulsion humaine, tellement humaine, que de Rabih Ahmad, littéralement castré par ses beaux-frères, acte V scène 6 d’une tragi-comédie épouvantable qu’un Nagisa Osima aurait sublimée, qu’un William Shakespeare aurait adoré scénariser et installer dans une rue barbare de quelque caza libanais, toutes communautés confondues.
Tout le monde (ou presque) spécule déjà sur l’actrice qui interpréterait dans un néo-Agatha Christie mi-série Z du dimanche soir mi-Brian de Palma sous ecstasy, le rôle, superbe, de Siham Jammo, l’épouse du très fidèle lieutenant de Bachar el-Assad, du très infidèle mari ; Siham jalouse jusqu’à la moelle, sicilienne autant que libanaise, et qui a demandé à son frère et à son neveu de la débarrasser, littéralement, de ses cornes, d’assassiner son mari : tout le monde croira à une vengeance des rebelles syriens – c’est totalement raté.
Un sordide polymorphe et azimuté, cette semaine. Un sordide tout terrain. Comme un miroir. Sordide comme ce Sérail bipolaire et stérile. Sordide comme ce Hezbollah, fondamentalement attiré par le vide, tous les vides, et qui exige rien moins que le tiers de blocage pour que Tammam Salam puisse former un gouvernement – sordide, le 14 Mars, parce qu’il refuse un cabinet dont ferait partie le Hezb ? Non. Parce que pour la première fois sans doute, ce collectif tuberculeux et phtisique a compris qu’il fallait, contre ce 8 Mars cancérigène comme jamais, utiliser les mêmes armes ; parce qu’il suffit que le Hezb renonce à son impossible extravagance pour que le 14 Mars fasse de même. Sordide comme le discours d’iftar de Hassan Nasrallah : un discours hypocrite, langue de bois, vide, creux, trompeur, à peine cosmétique ; un discours risible. Sordide comme cette apologie pathétique de la troupe à laquelle le bras armé des ayatollahs refuse toujours de donner son arsenal.
Sordide comme cet argument-leitmotiv : le tiers de blocage pour sanctuariser la résistance. Quelle résistance ? Celle qui a provoqué la guerre de juillet ? Celle qui a jeté contre les Libanais plus de 75 % du peuple syrien ? Celle qui s’est retournée contre les Libanais, comme en 2008, prête à le (re)faire pour un oui ou pour un non ? Quelle résistance ? La résistance est morte de sa belle mort, dans son lit, en l’an 2000. Enterrée lorsque la Finul et l’armée se sont déployées au Liban-Sud en 2006.
Depuis, les arguties oiseuses du Hezbollah, les tautologies rances de Hassan Nasrallah, la mauvaise foi foudroyante de ses lieutenants, leur fusion (é)perdue avec l’un des régimes les plus barbares de la planète, celui du gang Assad, ne sont que d’infinies variations, métastasées, sur un même thème : le sordide. Pur.
Vingt-neuvième semaine de 2013.Il n’y a, férocement, pas de hasards. Si ces sept derniers jours ont été hystériquement rythmés, dans les médias comme dans les salons, les restaurants, les bars, les usines et les confessionnaux, par un sacré triptyque de faits divers : une violence domestique immonde, une castration maniaque et un assassinat politique anamorphosé en crime passionnel,...
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