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Liban - Interview

Les autorités mises devant le fait accompli, assure Talal Husseini

Depuis le mariage civil de Khouloud et Nidal, au moins huit couples se sont mariés civilement après avoir rayé la mention de leur religion sur les registres d’état civil. Talal Husseini, l’homme à l’initiative de ce mariage, explique la procédure qu’il a lancée dans le cadre d’un plan d’action.

La société civile opte désormais pour l’escalade et n’a plus peur de briser les tabous. Photo Ibrahim Tawil

Il est à l’origine du mariage de Khouloud Succariyé et Nidal Darwiche, en novembre 2012, considéré comme le premier mariage civil contracté au Liban. Talal Husseini, écrivain et chercheur, est un fervent militant contre le système confessionnel et pour la liberté de choix au niveau du statut personnel. Son action s’inscrit dans le cadre « d’une campagne de non-déclaration de la religion dans les registres d’état civil ». Le mariage de Khouloud et Nidal, qui a fait couler beaucoup d’encre, résulte de la détermination du frère de l’ancien président de la Chambre, Hussein Husseini, à faire valoir le droit du jeune couple, dans l’immédiat. « Un droit qui existe depuis 1936 avec la loi 60 LR », assure le responsable du Centre civil pour l’initiative nationale. Cette loi stipule que le citoyen n’appartenant à aucune communauté religieuse est soumis à la loi civile en ce qui concerne les affaires liées au statut personnel.

Obtenir les droits dans l’immédiat
 « Nous avons mis les autorités devant le fait accompli », explique-t-il. « Nous voulons obtenir notre droit, immédiatement. C’est la seule façon pour nous de faire bouger les choses, car nous refusons que notre droit soit hypothéqué dans l’attente que nos revendications soient satisfaites », martèle-t-il. Et de faire part de sa profonde conviction qu’on ne peut attendre des autorités actuelles « le moindre travail dans le sens de l’adoption de la liberté de choix du statut personnel ».
L’initiative de M. Husseini est le fruit d’une mûre réflexion. « Le mariage civil de Khouloud et Nidal se situe dans le cadre d’un plan d’action en trois étapes. La première procédure remonte au 10 avril 2007 lorsque, suite à une campagne, nous avons barré pour la première fois la mention de la religion sur les registres d’état civil », raconte-t-il.
Le mariage civil de Khouloud et Nidal, contracté le 2 novembre 2012, est la deuxième étape de ce plan. Les deux conjoints avaient pris soin de rayer la mention de leur religion, l’un en 2008, l’autre en 2012, avant de se marier civilement. Le militant tient à préciser à ce propos que les nouveaux mariés n’ont pas contracté de mariage religieux puisqu’ils ont barré la mention de leur religion. « Lors d’une soirée familiale, un cheikh a simplement béni leur union. Cette action relevait plus d’une tradition sociale que d’une action légale », raconte-t-il. D’autres couples suivront visiblement leur exemple. « Au moins huit couples d’appartenances différentes se sont mariés civilement au Liban après avoir barré leur religion, suite à ce premier mariage civil », affirme le militant.
« La troisième mesure vise à simplifier la situation légale de la liberté de choix, au niveau du statut personnel », souligne Talal Husseini, sans en dire plus. Cette mesure devrait être annoncée très bientôt. « Elle promet d’être plus importante que les deux précédentes », révèle-t-il.

Les hommes de religion « pratiquent le terrorisme »
Mais en l’absence d’une loi domestique, quelle est la loi qui régit le mariage de Khouloud et Nidal ? « Cette loi ne peut être que la loi française », assure M. Husseini, soulignant que le couple a annoncé son union sur base de la législation française. Car le principal obstacle à l’adoption d’une loi libanaise demeure. L’écrivain ne peut s’empêcher de montrer du doigt les dignitaires religieux qu’il accuse de pratiquer le terrorisme à l’égard de ceux qui désirent rayer la mention de leur religion. Ce terrorisme se traduit par « des tentatives de rejet social », estime-t-il, mais aussi par « des menaces » du genre « les personnes qui opteront pour le mariage civil iront en enfer », ou « le mariage civil est un péché mortel ». Il rappelle ainsi les propos d’un cheikh du tribunal chérié sunnite qui avait appelé « les lions sunnites à réagir au mariage civil de Khouloud et Nidal ».
Qu’en est-il alors des droits politiques de Khouloud et Nidal ? « En barrant la mention de leur religion, les mariés n’ont rien perdu de leurs droits sur le plan légal », soutient M. Husseini. Il note que si la Constitution évoque l’équité entre chrétiens et musulmans dans les fonctions de première catégorie, elle interdit le confessionnalisme dans la fonction publique, même si dans la réalité, les choses sont différentes. Rien n’interdit donc à une personne ayant rayé la mention de sa religion d’obtenir un poste de première catégorie ou même de se présenter à la présidence de la République.
Le militant reconnaît toutefois la prévalence de ce qu’il appelle la réputation sociale. Il donne l’exemple de l’ancien Premier ministre, Sélim Hoss, qui s’est converti au chiisme pour des considérations personnelles, mais qui a été nommé à sa fonction comme représentant de la communauté sunnite. S’il est acceptable de contourner la loi confessionnelle pour des questions d’héritage ou de divorce, pourquoi ne serait-il pas acceptable de dire : « Je veux juste être citoyen libanais » ?
Dans cet état des lieux, les jeunes couples désireux de se marier civilement sont-ils condamnés à devoir rayer la mention de leur religion ? C’est dans ce sens que se situe la troisième mesure envisagée par Talal Husseini. « Nous allons très bientôt ouvrir la voie aux Libanais, afin qu’ils deviennent libres de leur choix, sur le plan légal, promet-il. Car si le droit existe bel et bien, les gens doivent savoir l’utiliser. »

Propos recueillis par
A-M.H.
Il est à l’origine du mariage de Khouloud Succariyé et Nidal Darwiche, en novembre 2012, considéré comme le premier mariage civil contracté au Liban. Talal Husseini, écrivain et chercheur, est un fervent militant contre le système confessionnel et pour la liberté de choix au niveau du statut personnel. Son action s’inscrit dans le cadre « d’une campagne de...

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