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À La Une - La situation

Exécutif-législatif : c’est la guerre !

Le Liban est en passe aujourd’hui de devenir un cas d’école sur lequel devraient se pencher tous les passionnés de droit constitutionnel.

Nagib Mikati à sortie du Parlement, hier. Photo Sami Ayad

Entre l’exécutif et le législatif, la guerre est déclarée. Au rendez-vous donné par Nabih Berry à la Chambre hier, le 14 Mars a répondu absent. Seuls se sont présentés dans l’hémicycle les députés du 8 Mars, moins le CPL, les socialistes de Walid Joumblatt et les députés membres des partis prosyriens, y compris Talal Arslane et Sleimane Frangié. Le cas de Agop Pakradounian du Tachnag devant être traité à part.


Mais ni les Kataëb, ni les Forces libanaises, ni les chrétiens indépendants n’ont accepté l’invitation cavalière, encore moins le courant du Futur. Le Premier ministre démissionnaire, Nagib Mikati, a fait acte de présence, mais pour dire qu’il ne signera pas le décret d’ouverture de la session extraordinaire que réclame M. Berry. Pas plus que ne l’a fait le chef de l’État.

 

(Lire aussi : Mikati : Ma position est motivée par des considérations en rapport avec l’autorité de la présidence du Conseil)


En raison du défaut de quorum et après une attente d’une heure, la session a donc été reportée. Mais M. Berry a fait mine de ne pas saisir le message et a convoqué la Chambre à une nouvelle session qui se tiendrait entre le 16 et le 18 juillet, avec le même ordre du jour, au centre duquel figure une loi reculant à 63 ans l’âge de la retraite des chefs des organismes de sécurité et de l’armée, taillée sur mesure pour le commandant en chef de l’armée, le général Jean Kahwagi. Sur quelle modification du rapport de force compte-t-il pour réussir là où hier il a échoué, on l’ignore.
Il est clair entre-temps que le blocage politique est total et qu’il oppose surtout, en ce moment précis, les deux communautés sunnite et chiite.


Le député Mohammad Raad du Hezbollah a comparé hier la bataille de Abra à celle de Nahr el-Bared. Mais dans le contexte politique actuel, cette bataille se rapproche plutôt de celle de Qousseir, dans la mesure où elle ne se présente pas comme une pure victoire de la bravoure libanaise, comme celle de Nahr el-Bared, mais revêt en outre un aspect répressif antisunnite que l’opinion interprète comme une victoire du Hezbollah. On est en fait loin de Nahr el-Bared. Pour ceux qui ont bonne mémoire, la bataille de Nahr el-Bared avait été considérée comme « une ligne rouge » par le Hezbollah, et en 2005, Jabhat al-Norsa avait revendiqué, à travers Abou Adass, l’assassinat de Rafic Hariri...

 

(Eclairage : Bras de fer politique plutôt que litige constitutionnel, l'article de Philippe Abi-Akl)


Qu’on le veuille ou non, la bataille de Abra est donc perçue par une bonne partie de l’opinion sunnite comme celle d’une marginalisation accrue de la communauté sunnite, au profit du croissant chiite allant de l’Iran au Liban-Sud, en passant par l’Irak et la Syrie. Les sentiments de William Burns envers le Hezbollah, exprimés tout haut hier, n’aident pas beaucoup cette communauté à changer d’avis.


La réaction de M. Mikati à la manœuvre de Nabih Berry est claire. Même l’ultra centriste qu’est le Premier ministre démissionnaire a fini par se cabrer. Il l’avait fait une première fois en démissionnant, après le blocage en Conseil des ministres par le Hezbollah et le 8 Mars de la prorogation du mandat du directeur général des FSI, Achraf Rifi. Il le fait aujourd’hui en disant non au champ libre que croit avoir conquis le chiisme politique en paralysant les institutions l’une après l’autre.



L’article 69 de la Constitution
Le Liban est en passe aujourd’hui de devenir un cas d’école sur lequel devraient se pencher tous les passionnés de droit constitutionnel. Le clivage politique se résume dans l’interprétation de l’article 69 de la Constitution. L’article prévoit que la Chambre doit être considérée en session extraordinaire d’office jusqu’à la formation d’un gouvernement et son obtention de la confiance. M. Berry, pour sa part, veut transformer la session extraordinaire en session « ordinaire ». Pour lui, tout ce que l’article 69 n’interdit pas est permis, au nom de la bonne marche des institutions.

 

(Eclairage : Entre la paralysie et le chaos, le 8 Mars réitère la stratégie de 2005, l'article d'Emile Khoury)


Pour M. Mikati et le 14 Mars, par contre, il faut interpréter cet article restrictivement, et tout ce que le texte ne permet pas expressément est interdit. Selon cette interprétation, l’intention du législateur était d’empêcher tout vide institutionnel et de permettre à la Chambre de voter au plus tôt la confiance au nouveau gouvernement ou encore de se réunir pour des questions très urgentes, à caractère national. Mais il n’était certainement pas dans l’intention du législateur d’instaurer provisoirement un régime d’Assemblée, dont un camp politique profiterait pour reculer indéfiniment la date de formation d’un nouveau gouvernement et prendre ses aises en légiférant comme à l’ordinaire.

 


Plaidoirie
Le numéro 2 d’Amal, Ali Hassan Khalil, s’est chargé hier de répondre aux arguments du 14 Mars qui ont boycotté la séance parlementaire convoquée par le président de la Chambre. Il s’est dit désolé du fait que la polémique entourant la séance parlementaire d’hier, et qui a finalement été ajournée, « commence à menacer la nature du système libanais et la formule de la coexistence ».ù

 

(Lire aussi : Fatfat : Berry n’est ni modéré ni équitable, il exécute la politique du Hezbollah)


« Nous étions soucieux dès le début à ne pas revêtir cette affaire de dimensions politiques ou confessionnelles », a-t-il ajouté, rappelant les arguments juridiques avancés par le président Berry, dont la teneur est que « le Parlement détient le pouvoir de légiférer avec pour seules limites celles qui sont prévues par la Constitution et qu’aucun autre pouvoir ne peut fixer ».


Mais le mouvement Amal, à défaut du Hezbollah, devrait savoir jusqu’où « aller trop loin » et se méfier d’une politique qui commence à faire le jeu des Frères musulmans et des jihadistes, au détriment du sunnisme libéral.

 

 

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