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À La Une - En toute liberté

La consécration du Liban et les apparitions de Fatima

Une vue générale de la basilique de Harissa qui domine Jounieh.

Un acte solennel de consécration du Liban au « Cœur immaculé » de la Vierge Marie est prévu dimanche, à Harissa, en la basilique Notre-Dame du Liban. Célébré par le patriarche maronite, cet acte, qui n’est pas le premier de cette nature, mais qui survient à un moment de grande vulnérabilité dans notre histoire, confère une dimension religieuse inhabituelle à une actualité nationale déjà dramatique : il l’inscrit dans l’immense aventure spirituelle lancée par Notre-Dame à Fatima, au Portugal, en 1917.


Pour saisir la portée de cette consécration, il est bon d’expliquer d’abord aux profanes que nous sommes tous devenus ce qu’est ce « Cœur immaculé » de Marie auquel on consacre librement le Liban.
Simplement dit, le souvenir du « Cœur immaculé de Marie » est aujourd’hui une fête liturgique célébrée dans l’Église latine le samedi de la troisième semaine après la Pentecôte, le lendemain de la solennité du « Sacré-Cœur de Jésus ». Précisons tout de suite que le terme « cœur » n’est ici qu’une image, et qu’à travers le symbolisme du cœur, c’est toute la personne de Marie qui est visée. Le Cœur immaculé de Marie, c’est, si l’on veut, la pureté du cœur du Sermon sur la montagne, vécue dans sa plénitude.


Historiquement, la dévotion au « Cœur immaculé de Marie » est fondée sur la théologie mariale de saint Bernard, puis sur une chaîne de révélations privées centrées sur le « Cœur de Jésus » et extrapolées vers le « Cœur de Marie ». Cette dévotion prend toute son ampleur après les apparitions de Fatima (Portugal – 1917), où la Vierge Marie elle-même évoquera la dévotion à son « Cœur immaculé ». Au XXe siècle, la fête est d’abord célébrée dans le diocèse de Rome, avant d’être inscrite au calendrier liturgique de l’Église universelle. En 1954, le pape Pie XII institue une autre fête, celle de Marie Reine (22 août), en ordonnant que « ce jour-là on renouvelle la consécration du genre humain au Cœur immaculé de la bienheureuse Vierge Marie ». On peut donc dire qu’il y a une croissance, dans la liturgie, de l’attention portée au « Cœur immaculé » de la Vierge Marie.
Cette attention vient d’être ravivée par le pape François lui-même qui, le 13 mai dernier, en l’anniversaire de la première apparition de la Vierge au Portugal (13 mai 1917), a demandé la consécration de son pontificat à Notre-Dame de Fatima.


Que s’est-il passé à Fatima ? Authentifiées par l’Église, sans pour autant s’imposer d’aucune façon comme dogme de foi catholique, les apparitions de la Vierge à Fatima dominent le XXe siècle et ont presque valeur de modèle. La première de ces apparitions se produit le 13 mai 1917. Notre-Dame se montre à trois enfants du village de Fatima, Lucie et ses deux cousins plus jeunes, Jacinthe et François, qui paissent à l’extérieur de leur village le maigre troupeau de la famille. Elle leur demande de prier et leur donne rendez-vous le 13 de chaque mois, jusqu’en octobre, date à laquelle elle promet d’opérer « un grand miracle ». 


Au quatrième rendez-vous que la Vierge donne aux trois enfants, le 13 août 1917, elle leur confie « trois secrets ». Les deux premiers, on le sait maintenant, se rapportent à une vision de l’enfer que Notre-Dame leur montre et à l’annonce de la Seconde Guerre mondiale.
Le « troisième secret », dont la révélation devait se faire en 1960, fit l’objet de spéculations effrénées. À la demande de Jean-Paul II, ce secret fut tardivement rendu public et commenté en 2000 par le cardinal Angelo Sodano, secrétaire d’État, et le cardinal Ratzinger, futur pape Benoît XVI, alors préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Il se réfère à une vision dans laquelle les trois enfants voient, sous forme d’une scène allégorique, un personnage en blanc, qui leur semble être le pape, tomber sous les balles et les flèches des ennemis de l’Église. Dans son commentaire, le cardinal Ratzinger affirme deux choses : d’abord, que ce secret annonce la tentative d’assassinat de Jean-Paul II, le 13 mai 1981, fête de Notre-Dame de Fatima, ensuite qu’il fait désormais partie du « passé », c’est-à-dire que sa réalisation ne doit plus être attendue.


Pour comprendre la portée de ces secrets, il est indispensable de les percevoir sur le fond des paroles prononcées par Notre-Dame, le 13 août 1917. Effrayés par la vision de l’enfer, les enfants levèrent les yeux vers Notre-Dame qui dit : « Vous avez vu l’enfer où vont les âmes des pauvres pécheurs. Pour les sauver, Dieu veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur immaculé. Si l’on fait ce que je vais vous dire, beaucoup d’âmes se sauveront et l’on aura la paix.
« La guerre va finir, mais si l’on ne cesse d’offenser Dieu, sous le règne de Pie XI commencera une pire encore. Quand vous verrez une nuit illuminée par une lumière inconnue, sachez que c’est le grand signe que Dieu vous donne qu’Il va punir le monde de ses crimes, par le moyen de la guerre, de la famine et des persécutions contre l’Église et le Saint-Père.
« Pour empêcher cela, je viendrai demander la consécration de la Russie à mon Cœur immaculé et la communion réparatrice des premiers samedis du mois. Si l’on écoute mes demandes, la Russie se convertira et l’on aura la paix ; sinon, elle répandra ses erreurs à travers le monde, provoquant des guerres et des persécutions contre l’Église. Les bons seront martyrisés, le Saint-Père aura beaucoup à souffrir, plusieurs nations seront anéanties. À la fin, mon Cœur immaculé triomphera. Le Saint-Père me consacrera la Russie qui se convertira, et il sera donné au monde un certain temps de paix. Au Portugal se conservera toujours le dogme de la foi, etc. Cela, ne le dites à personne, sauf à François. »


Ces paroles touchent à un domaine sensible entre tous, la théologie de l’histoire, et à ce mystère insondable qu’est la prédestination. La scénographie des paroles de Notre-Dame y est inimaginable. Nous n’en parlerons pas. Mais elle attire deux remarques. Constatons d’abord la lenteur avec laquelle, pour diverses considérations, la hiérarchie religieuse réagit à certaines demandes du Ciel. Ainsi, sollicitée en 1917, la consécration de la Russie au Cœur immaculée de Marie ne survint qu’en... 1984, bien après que la Russie a « répandu ses erreurs ». Avec toutefois de bons résultats, même tardifs, puisque l’effondrement de l’empire soviétique surviendra cinq ans plus tard, en 1989 !
Mais ce qui est saisissant, dans ce texte énigmatique, c’est que la Vierge parle du triomphe à venir de son « Cœur immaculé » et d’un « temps de paix » qui sera accordé au monde, en conséquence. L’existence de cette promesse est telle que les apparitions de Fatima sont toujours actuelles, puisque ouvertes sur un avenir « indéterminé ».


C’est dans cet avenir « ouvert » d’un triomphe toujours attendu du « Cœur immaculé de Marie » et d’un temps de paix « qui sera accordé au monde » que s’est inscrit, le 13 mai dernier, le pape lui-même, en consacrant son pontificat à Notre-Dame de Fatima, et que l’on inscrira dimanche le Liban. Heureux jumelage !
Le mot « indéterminé » s’impose ici. Il signifie, en l’occurrence, « déterminé par notre liberté ». Il y a un mystère de liberté au cœur de l’histoire dont la clé est confiée aux hommes, mais dont le secret n’appartient qu’à Dieu.

 

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