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L’amour (fou) lesbien couronné à Cannes

La Palme d’or décernée à Abdellatif Kechiche et à ses deux actrices pour « La vie d’Adèle » ; Spielberg salue une histoire universelle.

Quelques petites heures à peine après que les manifestants antimariage gay eurent réussi leur baroud d’honneur à Paris, les jurés du festival de Cannes plébiscitaient « La vie d’Adèle », « un amour lesbien fou et somptueux, un amour magnifique auquel tout le monde peut s’identifier, peu importe la sexualité », a dit le président du jury, un certain Steven Spielberg... Alberto Pizzoli/AFP

La Palme d’or du 66e festival de Cannes a été remise hier au film français La vie d’Adèle du Franco-Tunisien Abdellatif Kechiche, histoire d’amour brûlante entre deux femmes, et à ses deux actrices. Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux, en pleurs, ainsi que le réalisateur ont été longuement ovationnés pour ce film, première Palme d’or pour un film français depuis Entre les murs de Laurent Cantet en 2008.


Abdellatif Kechiche, 52 ans, n’a réalisé que six films mais a le don de décrocher les récompenses avec ses chroniques humanistes. Il a dédié ce prix à « cette belle jeunesse de France » rencontrée pendant la réalisation de ce film, ainsi qu’à « une autre jeunesse, de la révolution tunisienne, pour leur aspiration à vivre eux aussi librement et aimer librement ». Adapté librement de la bande dessinée Le bleu est une couleur chaude de Julie Maroh, La vie d’Adèle – chapitre 1 et 2, porté par un duo d’actrices resplendissant, traite avec délicatesse une passion amoureuse entre une adolescente qui s’éveille au désir et une fille aux cheveux bleus (Léa Seydoux). Le film s’attache à montrer avec humanité, sensualité et finesse les émotions et le trouble sur leur visage, souvent filmé en gros plan, à travers un regard ou le mouvement d’une bouche. Le réalisateur dépeint aussi le ballet et le désir des corps à travers des scènes de sexe aussi naturelles que très explicites, sans jamais être glauques. Les troubles et les questionnements intimes de l’adolescence, l’emballement des sens et les tourments de l’amour sont aussi montrés de manière universelle, au-delà de toute question d’orientation sexuelle.


« Je n’ai pas eu envie de faire un film militant ou avec un discours sur un thème précis, ici en l’occurrence l’homosexualité », explique Abdellatif Kechiche, qui dit avoir voulu plutôt « raconter l’histoire d’un couple, du couple ». « La problématique de l’homosexualité, je ne voyais pas pour quelles raisons je l’aborderais spécialement, car la meilleure façon, si je devais avoir un discours sur ce sujet, ce serait de ne pas en avoir, de filmer cela comme n’importe quelle histoire d’amour », dit-il. S’il y a « une dualité » entre les deux personnages, celui d’Adèle « pragmatique » et l’autre « plus aérien », selon Abdellatif Kechiche, le réalisateur se dit « très admiratif du personnage d’Adèle », « courageuse, dévouée, forte ». « À aucun moment elle n’abdique quand il s’agit de son travail d’institutrice », explique le réalisateur, qui dit avoir « une admiration pour les gens qui passent leur vie à donner à des élèves un enseignement, qui s’investissent dans ce métier ». Pour lui, le personnage d’Adèle est un peu son Antoine Doinel, le héros incarné par Jean-Pierre Léaud dans plusieurs films de François Truffaut. « Je vous avoue que j’y ai pensé », a-t-il confié.

 

 

(Pour mémoire : Passion lesbienne et amour filial embrasent la Croisette)

« Privilégiés et non gênés »
La vie d’Adèle est « une très belle histoire, un amour magnifique auquel tout le monde peut s’identifier, peu importe la sexualité », a estimé Steven Spielberg, le président américain du jury. « Nous avons été privilégiés de voir ce film, et non gênés (...) C’est l’histoire d’un amour profond, magnifique. Le réalisateur n’a pas du tout bridé le récit. Nous étions sous le charme du film, avec des actrices formidables. Le réalisateur a permis aux personnages de prendre réellement vie », a-t-il déclaré. Interrogé sur les éventuelles difficultés que pourrait rencontrer le film dans certains pays et États américains conservateurs, le président du jury a souligné que « ce critère n’a pas compté », saluant le réalisateur franco-tunisien Abdellatif Kechiche pour « avoir eu le courage de raconter ce récit ». Steven Spielberg s’est déclaré certain que La Vie d’Adèle rencontrerait « un large public et une belle réussite aux États-Unis ».


Par ailleurs, le grand prix a été décerné à Inside Llewyn Davis des frères Coen, un film nostalgique et drôle sur le Greenwich village des années 1960 et la musique folk. Le prix d’interprétation féminine est revenu à la Franco-Argentine Bérénice Bejo pour Le Passé de l’Iranien Asghar Farhadi, et le prix d’interprétation masculine à l’Américain Bruce Dern pour Nebraska, road movie mélancolique de l’Américain Alexander Payne. En pleurs, Bérénice Bejo, 36 ans, couronnée par un César pour son rôle de star du cinéma dans The Artist, a remercié Asghar Farhadi pour son rôle dans ce drame familial étouffant, dans lequel le réalisateur dissèque les effets dévastateurs des secrets et rancœurs. Ainsi, Bérénice Bejo connaît une « success story » fulgurante depuis deux ans. Le réalisateur américain Alexander Payne a reçu le prix au nom de Bruce Dern, 76 ans, absent de la cérémonie. L’acteur Bruce Dern affiche une filmographie impressionnante, le plus souvent sous les habits d’un bandit ou d’un psychopathe.


Le prix du jury est revenu au réalisateur japonais Hirokazu Kore-Eda pour Tel père, ton fils, un film délicat sur la paternité et la filiation. Le prix de la mise en scène est allé au Mexicain Amat Escalante pour Heli, une œuvre radicale sur le destin d’une famille confrontée à la violence de narcotrafiquants. Le prix du scénario a été décerné au réalisateur chinois Jia Zhangke, 43 ans, pour son film choc A touch of sin (un soupçon de péché), sombre fresque épique qui montre la violence d’une société chinoise en plein boom économique minée par la corruption, la pauvreté et la violence.



Le palmarès

- Palme d’or : le Franco-Tunisien Abdellatif Kechiche et ses deux actrices pour La vie d’Adèle.
- Grand prix : Inside Llewyn Davis des Américains Joel et Ethan Coen.
- Prix d’interprétation féminine : la Franco-Argentine Bérénice Bejo dans Le Passé.
- Prix d’interprétation masculine : l’Américain Bruce Dern dans Nebraska.
- Prix de la mise de scène : le Mexicain Amat Escalante pour Heli.
- Prix du scénario : le Chinois Jia Zhangke pour A touch of sin.
- Prix du Jury : le Japonais Hirokazu Kore-Eda pour Tel père, ton fils.
- Caméra d’or : le Singapourien Anthony Chen pour Ilo Ilo.
- Palme d’or du court métrage : le Sud-Coréen Byoung-gon Moon pour Safe.

 

 

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