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À La Une - Gouvernement

Salam maintient son cap

M. Salam en compagnie de l’archevêque maronite de Beyrouth, Mgr Boulos Matar. Photo Dalati et Nohra

Le processus de formation du gouvernement sous l’égide du Premier ministre désigné, Tammam Salam, entre ce lundi dans sa troisième semaine sans qu’on puisse à ce stade déceler des signes annonciateurs d’une percée.


Derrière la guerre de vocables qui se livre depuis plusieurs jours autour du caractère « politique » ou bien « technique » du cabinet à venir, de sa vocation « neutre » ou au contraire à rassembler tous les protagonistes sous le label d’« union » ou encore d’« entente nationale », une seule chose paraît acquise : M. Salam entend garder le cap qu’il s’était fixé dès sa désignation. Il s’agit pour lui de mettre sur pied un gouvernement formé de personnalités non adhérentes, au sens propre du terme, aux diverses forces politiques en présence et, naturellement, non candidates aux élections législatives.

 

(Eclairage : L’appétit vorace du 8 Mars et les limites de l’ouverture de Salam)


Être non adhérent ne signifie pas pour autant être totalement détaché des enjeux politiques au Liban et des clivages qui se dessinent autour de ces enjeux. Le Premier ministre désigné n’exclut donc pas les sympathisants de telle et telle formation politique, à condition toutefois qu’ils incarnent de nouveaux visages, que leur présence au sein du cabinet ne soit pas perçue comme un défi envers quiconque et, bien évidemment, qu’ils soient compétents.


Une équipe ainsi composée serait-elle « politique » comme le réclament les uns, ou « apolitique » comme le souhaitent les autres ? La question, dès lors, perd de son importance et devient d’ordre purement sémantique. En revanche, ce qui continuera d’être essentiel, sous n’importe quelle appellation, c’est l’évolution du rapport de forces réel à l’intérieur du cabinet et l’étendue de la marge de manœuvre dont disposerait son chef.


C’est sur ce point précis que M. Salam entend rester le plus ferme. Il répète à qui veut l’entendre qu’il n’a aucunement l’intention de faire comme ses prédécesseurs, c’est-à-dire entrer dans des marchandages sans fin autour de la composition du cabinet et des parts revenant à chacun des protagonistes.

Cela lui a valu une petite réplique, quelque peu amère, du Premier ministre sortant, Nagib Mikati. Répondant aux questions des journalistes à l’issue d’un entretien samedi avec le président de la Chambre, Nabih Berry, M. Mikati a estimé que M. Salam « finira par se rendre compte qu’il y a une différence entre idéalisme et réalisme ». « Chacun de nous veut le meilleur pour le pays et ce que souhaite aujourd’hui le Premier ministre désigné, je l’ai souhaité avant lui. Mais il y a un fossé énorme entre la réalité et l’espérance », a-t-il dit.

 

(Pour mémoire : Un Salam sur deux, l'article de Ziyad Makhoul)


M. Salam ne semble pas pour le moment nier ce besoin de réalisme, puisqu’il a accepté de demander à chacun des blocs parlementaires de lui fournir une liste des noms de ministrables. Ce qu’il réclame, en échange, c’est qu’il s’agisse de personnalités modérées et qu’il ait lui-même le dernier mot pour ce qui est de l’attribution des portefeuilles. C’est bien le moins.


En tout état de cause, le successeur de Nagib Mikati ne paraît pas faire preuve d’irréalisme lorsqu’il fait remarquer à ceux qui, comme le chef du PSP, Walid Joumblatt, continuent de prôner la formule dite d’« union nationale », que dans ce cas, il n’était pas nécessaire de faire appel à lui et qu’on pouvait très bien reprendre... M. Mikati.


Il restera bien entendu à négocier ultérieurement le poids de chacun des protagonistes au sein de l’équipe ministérielle.

 

D’ores et déjà, le Hezbollah et les aounistes parlent de proportionnalité par rapport à leur poids à la Chambre. Cela semble bien être leur credo permanent derrière lequel ils dissimulent à peine leur volonté de détenir, avec les autres composantes du 8 Mars, le tiers de blocage au sein du gouvernement, et cela en dépit de l’expérience lamentable accumulée jadis et naguère en la matière.

 

(Lire aussi: Cabinet : les manœuvres du 8 Mars remettent en cause, une fois de plus, les fondements de Taëf)


C’est sur ce point, naturellement, que la bataille autour de la formation du gouvernement se fera la plus dure, mais on n’en est pas encore là. Pour l’instant, la guerre de vocables autour de la nature du cabinet se poursuit, le Hezbollah menant tambour battant campagne par ses propres moyens sur la nécessité d’un gouvernement « politique ». Pas moins de cinq responsables du parti chiite, y compris le « poids lourd » Mohammad Raad, chef du bloc parlementaire, se sont exprimés sur la question au cours du week-end pour dire leur refus de toute mouture à caractère « technocrate ».


Face à ce rouleau compresseur, le courant du Futur a paru lâcher du lest, probablement pour préserver l’essentiel. Ainsi, en soulignant que « Taëf impose des gouvernements à caractère politique, non technocratique », le député Mohammad Kabbani, membre du bloc haririen, a rejoint en apparence l’argumentation du 8 Mars. Mais M. Kabbani n’en a pas moins réclamé l’exclusion de tout ministrable de « provocation » et de candidats aux élections.


Une approche similaire est assez subtilement développée par l’ancien ministre Mohammad Chatah, conseiller de Saad Hariri. En substance, M. Chatah s’est prononcé pour une équipe plus ou moins homogène, donc forcément éloignée du concept d’union nationale, mais autour de laquelle « tout le monde doit se mettre d’accord ».

 

(Lire aussi : Michel Moawad : Sans élections, le Liban risque de se transformer en Failed State)


Le Hezbollah saura-t-il, en retour, faire preuve de souplesse lui aussi ? Les déclarations publiques de ses caciques ne sont guère encourageantes à cet égard. Mais une évolution n’est pas à exclure, en rapport avec la visite que compte effectuer une délégation du parti en Arabie saoudite.


On ne sait pas encore de qui sera formée cette délégation ni à quelle date précise elle devra se rendre dans le royaume. Tout ce que l’on sait, c’est qu’une demande en ce sens avait été formulée par le Hezbollah, que Riyad y a répondu positivement et que cela a coïncidé avec le retour du secrétaire général, Hassan Nasrallah, d’un séjour en Iran (finalement confirmé samedi) et avec l’aggravation de l’implication du Hezb dans la guerre en Syrie.
Des résultats de cette visite dépendront donc vraisemblablement tant le profil du prochain gouvernement que l’avenir de la politique dite de « distanciation » du Liban vis-à-vis de la crise syrienne.

 

 

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