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Liban - Compte rendu

Bernie Bonvoisin donne la parole aux petits réfugiés syriens

« Je voulais des paroles d'enfants, mais j'ai découvert qu'ils avaient une maturité vertigineuse », souligne le cinéaste.

Petite réfugiée syrienne au Liban. Captures d’écran du documentaire

Dans un documentaire tourné au Liban, en février 2016, et intitulé Paroles d'enfants syriens, la misère entre deux jardins, le cinéaste français Bernie Bonvoisin a choisi de laisser les enfants réfugiés s'exprimer sur la guerre, leur vie quotidienne dans les camps ou les habitations de fortune et leurs rêves d'avenir.

« Je me suis toujours intéressé à cette région du monde. J'ai une grande tendresse pour la Palestine et j'ai suivi de près les deux guerres (d'Israël) au Liban. C'est une région qui porte beaucoup de paradoxes car il y règne un certain chaos et en même temps, c'est le berceau du monde. Je suis le conflit syrien depuis le départ. J'ai passé cinq ans à voir le peuple syrien se faire massacrer face à un immobilisme effrayant », confie Bernie Bonvoisin à L'Orient-Le Jour.

C'est alors qu'il se décide, début 2016, à travailler un documentaire sur la guerre en Syrie en donnant aux enfants la possibilité de s'exprimer sur le conflit. Son projet est rapidement adopté par la société de production Premières lignes, France 2 et LCP, la chaîne de l'Assemblée nationale en France. Le documentaire a été diffusé lundi dernier sur LCP. Il a été suivi d'un débat entre Bonvoisin, Bernard Kouchner, ancien ministre français des Affaires étrangères, Haytham Assouad, réfugié syrien qui a inspiré la bande dessinée Haytham, une jeunesse syrienne de Nicolas Hénin (Dargaud) et Sébastien Lyon, directeur général d'Unicef France.

 

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Vingt-cinq jours de tournage intense
Au Liban, Bernie Bonvoisin a pu compter sur un minutieux travail de terrain préparé par notre collaboratrice Jeanine Jalkh, partie à la recherche des jeunes réfugiés rencontrés par le cinéaste. « Nous avons effectué 25 jours de tournage extrêmement intenses, début février 2016, à Saïda, Bourj el-Brajneh, Tripoli, dans la Békaa et la banlieue sud de Beyrouth. Jeanine Jalkh a été d'un apport monstrueux grâce à sa connaissance du terrain », explique M. Bonvoisin. Dans la Békaa, le réalisateur se rend dans plusieurs camps de réfugiés où il rencontre des enfants bénéficiant d'un suivi psychologique et de sessions éducatives. Il part également à Saïda où plusieurs familles de réfugiés ont élu domicile dans un immense complexe abandonné. « Nous avons rencontré beaucoup d'enfants mais, pour le documentaire, nous avons choisi ceux que nous pouvions suivre », explique-t-il. Les deux « stars » du documentaire sont sans doute Qoussaï, rencontré à Saïda, et Shayma, interviewée dans la Békaa.

Croyant partir à la rencontre d'enfants, Bernie Bonvoisin découvre, à sa plus grande surprise, que les comportements de ces derniers ont été altérés par le conflit et qu'ils agissent souvent en adultes. « Je voulais des paroles d'enfants mais j'ai découvert qu'ils avaient une maturité vertigineuse. Les psychologues nous ont expliqué que cette maturité, c'est le mal. Ils font beaucoup de travail pour ramener ces enfants à des choses d'enfants », indique le cinéaste.

 

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Jeanine Jalkh, elle, évoque « deux catégories d'enfants », marqués par leur accès ou non à l'éducation et à l'encadrement. « Les enfants pris en charge par l'Unicef et l'ONG Beyond dans la Békaa ont reçu beaucoup d'amour ainsi qu'une sensibilisation aux droits de l'homme. Il y a un contraste entre eux et les jeunes que nous avons vus à Saïda. Ces enfants-là traînaient dans la rue, se frappaient devant nous. Ils étaient lâchés dans la nature et beaucoup d'entre eux n'étaient pas scolarisés au moment du tournage », déclare-t-elle.

« Lorsque je suis allée dans les camps de la Békaa, les enfants ont dessiné des cœurs sur ma voiture pleine de poussière. Alors qu'à Saïda, ils ont endommagé mon véhicule avec une barre de fer. La différence entre ces deux messages est significative. Les enfants pris en charge ont manifesté leur amour et ceux laissés pour compte ont eu un comportement destructeur », explique Mme Jalkh. Elle confie que Qoussaï avait de la difficulté à s'exprimer, alors que Shayma, elle, parlait avec fluidité. « On voyait que Qoussaï portait beaucoup de souffrances en lui », indique la journaliste.

« Je pense que le message du film est qu'il y a toujours de l'espoir et de la lumière. Au lieu d'avoir des bombes humaines, on peut avoir des enfants brillants et passionnés », ajoute-t-elle. Un constat que l'on retrouve chez Bonvoisin qui déclare : « Les enfants sont la lumière dans tout ce marasme et ce chaos. Ces enfants-là vont constituer la société syrienne dans 15 ans. Nous avons espoir dans leur éducation. »

 

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« Je m'attendais à de la violence, mais c'était humain »
« Il est inconcevable que des humains puissent vivre de la sorte, cela remet beaucoup de choses en question, confie Bernie Bonvoisin au sujet de son passage dans les camps de réfugiés. Voir les choses sur écran, c'est une chose, voir la terreur et la détresse dans le regard, c'est autre chose. Je m'attendais à de la violence mais c'était humain, je me sentais dans quelque chose de surréaliste. » « Il y a ma vie avant et après le Liban. En tant qu'Occidental, j'ai remis en cause pas mal de choses. Mes problèmes ne sont rien face à tout ce qu'ils vivent », ajoute-t-il.

Après le passage d'une version raccourcie du documentaire, fin juin, sur France2, Bernie Bonvoisin reçoit une centaine de mails du monde entier de la part de personnes lui demandant comment elles peuvent aider les jeunes réfugiés. C'est alors qu'il décide de lancer un appel aux dons pour l'ONG Beyond, qui l'a marqué par son travail sur le terrain, par le biais de la plateforme Kiss Kiss Bank Bank. « Je n'ai pas changé d'avis sur les grosses ONG. Je pense que l'humanitaire, c'est 24 sur 24, 7 jours sur 7. »

« Je reconnais que le Liban a fait un effort incroyable pour accueillir 1 million et demi de réfugiés. C'est une démarche incroyable. En France, ça a été la panique totale quand nous en avons accueilli 7 000. 1 million et demi de réfugiés par rapport au nombre de la population au Liban équivaudrait à 8 millions de réfugiés en France. Si cela était arrivé chez nous, je pense que nous nous serions effondrés, mais vous non. Je suis très respectueux face à l'attitude du Liban », souligne le cinéaste.

« On n'a pas d'autre solution que de vivre ensemble, on est tous frères et sœurs. Il faut aller vers les autres. Associer toute une communauté à la barbarie de quelques-uns, c'est du délire. Tout ce que les réfugiés veulent, c'est retourner chez eux, avoir un toit sur la tête et une éducation convenable pour leurs enfants. Le discernement est important, attention à ne pas faire d'amalgames », conclut-il.

 

 

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