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Liban - Communautés

Pour sa première sortie officielle, le président Aoun se rend à Bkerké

Raï met en garde contre le blocage des institutions par la pratique des veto et des portefeuilles ministériels réservés.

Le chef de l’État entouré des patriarches Grégoire III et Raï (g. à d). Photo Émile Eid

Le chef de l'État, Michel Aoun, a effectué hier une visite protocolaire au siège patriarcal de Bkerké. Il s'agit de la première visite officielle qu'il effectue depuis son élection. Sensible à un geste qui s'inscrit dans une longue tradition, le patriarche maronite, Béchara Raï, a souligné que « la présidence de la République et le patriarcat maronite agissent de concert pour le Liban, entité, institutions et peuple ».
À son arrivée à Bkerké, le président de la République a été accueilli par le patriarche, entouré de trois de ses pairs des autres Églises catholiques orientales, Grégoire III (grec-catholique), Ignace Youssef III Younan (syriaque-catholique) et Grégoire Pierre XX Gabroyan (arménien-catholique), ainsi que des supérieurs et supérieures générales des ordres religieux maronites qui participaient à la 50e session annuelle de l'Assemblée des patriarches et évêques catholiques au Liban (APECL). Le nonce apostolique, Mgr Gabriele Caccia, figurait aussi parmi les présents. Le chef de l'Útat était accompagné du chef du Courant patriotique libre et ministre sortant des Affaires étrangères, Gebran Bassil.Après une liturgie d'action de grâce, dans la chapelle patriarcale, le patriarche Raï et le président Aoun se sont exprimés devant les journalistes. Le patriarche a commencé par s'inscrire dans la ligne suivie par le patriarche Élias Hoyeck, le père du Grand Liban, qui a affirmé un jour : « Moi le patriarche maronite... moi le patriarche du Liban... J'ai consacré ma vie à la cause libanaise, que je considère comme une cause sacrée... pour ce qui me concerne, il n'y a pas des communautés au Liban, mais une seule communauté qui s'appelle la communauté libanaise. » « Cette ligne d'action, a poursuivi le patriarche Raï, son successeur, le patriarche Antoine Arida, le père de l'indépendance, l'a mise en œuvre. C'est ainsi que dans un discours célèbre adressé à une foule de Libanais de toutes les confessions, régions et courants, le 25 décembre 1941, il avait dit : "Nous affirmons aujourd'hui que ce siège patriarcal n'est pas un bien wakf pour la seule communauté maronite, mais la maison de tous les Libanais, un bien wakf dans l'intérêt du Liban, sans aucune distinction entre une communauté et l'autre". C'est pourquoi, a conclu Mgr Raï, s'adressant au chef de l'État, nous vous apportons aujourd'hui notre soutien inconditionnel en votre qualité de chef de l'État, de symbole de l'unité nationale, de garant du respect de la Constitution et de la sauvegarde de l'indépendance du Liban, de son unité, de son intégrité territoriale, conformément aux dispositions de la Constitution (article 49). »

Dépasser les divisions
« Votre élection a uni les blocs politiques et parlementaires qui ont su dépasser les divisions du passé, a poursuivi le patriarche. Elle a uni en outre de larges fractions du peuple libanais, prélude à une réconciliation nationale encore inachevée et qui doit être complétée par une participation inclusive et équilibrée au pouvoir et au sein de l'administration. » Et le patriarche Raï de demander le respect « de la lettre et de l'esprit du pacte national et de la Constitution ».
« C'est votre chance, Monsieur le Président, d'appliquer effectivement le document d'entente de Taëf, a-t-il enchaîné, d'empêcher la paralysie à tout instant des décisions de l'État et son démantèlement. C'est le plus grand danger qui menace l'entité nationale. Il est donc indispensable, et le plus rapidement possible, de mettre au point une nouvelle loi électorale qui incitera tout le monde à voter, assurera la parité prévue par l'accord de Taëf et contribuera au renouveau des élites. »
Mais d'abord, a noté le patriarche, « notre souhait est de voir le président du Conseil réussir à former un gouvernement rassembleur dans un esprit de participation et non de partage de lots ».
Le chef de l'Église maronite a ensuite mis en garde contre « le remplacement du panier de conditions (le "package deal") par l'habitude de se réserver jalousement des portefeuilles, et d'opposer des veto à certaines parties ; ce serait contrevenir à la Constitution et au pacte, et introduire des coutumes dont d'autres commenceront à user en retour, entravant ainsi l'édification de l'État de droit. Nous souhaitons que ces nuages noirs soient dispersés dès le début de ce mandat ».
Le patriarche a ensuite réclamé une lutte sans merci contre « la corruption » et « l'ingérence des hommes politiques dans l'administration, la magistrature et les services de sécurité ». Il a de plus encouragé la lutte contre la pauvreté ainsi que le développement équilibré des régions et la décentralisation administrative.
Au passage, après avoir promis de mobiliser toutes les institutions de l'Église au service de la réussite du mandat, le patriarche a demandé que l'État remplisse sa part du contrat social, « règle leurs arriérés aux institutions concernées et les traite à égalité avec les institutions analogues des autres communautés ».
« Tout le monde sait le rôle joué par l'Église dans la mise en valeur du pluralisme et de l'unité dans la diversité, a conclu le patriarche, ainsi que dans le vivre ensemble entre chrétiens et musulmans, dans l'éducation à la paix reposant sur la justice et le développement. C'est d'ailleurs ce qui fait du Liban un exemple dans une région déchirée par les conflits sectaires. Il est donc impératif, pour protéger le message de paix du Liban dans la région, de suivre une politique qui le tiendra à distance des conflits extérieurs, comme vous l'avez promis dans le discours d'investiture, dans la ligne suivie par votre prédécesseur et son gouvernement. »

La corruption « gangrène le pays »
Prenant à son tour la parole, Michel Aoun a dénoncé la corruption qui « gangrène le pays » et fustigé « la prorogation répétée du mandat de la Chambre » qui a, selon lui, entraîné « l'affaiblissement des institutions », s'attirant à ce sujet une réplique du président de la Chambre (voir par ailleurs).
Sur le plan régional, le chef de l'État libanais a déclaré: « Tout l'Orient et toutes les Églises orientales vivent aujourd'hui l'une des périodes les plus difficiles qui soit ; une période où l'on essaie de déraciner les chrétiens de leur sol natal. On nous apprend qu'en Irak, les maisons des chrétiens de Mossoul ont été détruites dès que les familles les abandonnaient dans leur fuite. Au Liban, nous vivons dans la conscience de ces dangers. Même si nos souffrances ne sont pas physiques, elles nous accompagnent, psychologiquement, et transforment parfois nos rêves en cauchemars . » « Si nos chants liturgiques sont empreints de tristesse et de lamentation, c'est bien à cause des épreuves continuelles que les maronites ont vécu tout au long de leur histoire, avec les Mamelouks, les Ottomans et tous les conquérants », a-t-il dit.
Le chef de l'État a dénoncé enfin non seulement la corruption mais aussi « la décadence morale » dont elle est le signe, une décadence qui livre les administrations « à l'incompétence et à l'immoralité ».
Comme « garante des valeurs », il a demandé aux écoles et universités tenues par l'Église de remplir leur mission non seulement par l'enseignement, mais par l'éducation aux valeurs.

Le chef de l'État, Michel Aoun, a effectué hier une visite protocolaire au siège patriarcal de Bkerké. Il s'agit de la première visite officielle qu'il effectue depuis son élection. Sensible à un geste qui s'inscrit dans une longue tradition, le patriarche maronite, Béchara Raï, a souligné que « la présidence de la République et le patriarcat maronite agissent de concert pour le...

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