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Liban - Presse

Nouvelle vague de licenciements en perspective au « Nahar »

Dix millions de dollars : telle est la somme dont « an-Nahar » a besoin pour pouvoir payer ses dettes, verser les salaires et prendre un nouveau départ.

Photo Marwan Assaf

Ils ont choisi d'être journalistes par conviction, refusant d'exercer d'autres métiers, pensant qu'ils servaient une noble cause, celle d'informer et d'être le miroir de leur société. Ils ont choisi de vivre en décalé, travaillant le dimanche et le soir, contrairement à la majorité des salariés. Certains ont payé le prix de ce mode de vie dans leur vie privée. Ils ont travaillé avec passion, tout en sachant que leur métier ne leur permettra jamais de s'enrichir, qu'ils sentiront toujours que leurs efforts sont toujours sous-estimés.
Actuellement, beaucoup d'entre eux au Liban ne perçoivent plus leurs salaires et ils continuent quand même à travailler, à se rendre dans des entreprises qui leur doivent plusieurs mois de salaires impayés ou encore des indemnités.

C'est le cas des journalistes d'an-Nahar qui cumulent treize mois de salaires impayés et qui, la semaine dernière, ont reçu des semblants de propositions de démissionner ou de modification de contrats, pour passer du statut de salarié à celui de pigiste. Cette procédure a touché notamment les anciens journalistes qui ont atteint l'âge de la retraite mais dont l'entreprise n'a jamais modifié le contrat.

C'est sous couvert d'anonymat que deux journalistes d'an-Nahar témoignent à L'Orient-Le Jour.
« Il n'y a pas eu de proposition claire. L'administration a laissé entendre aux personnes qu'elle a convoquées qu'elle modifierait leur contrat, qu'elles deviendront des pigistes payés à l'article. Elle a voulu aussi qu'en cas de démission nous signions des papiers stipulant que nous acceptons qu'elle nous verse des indemnités quand elle aura les moyens de le faire, bref des papiers sans valeur. C'est ce qu'a fait en septembre dernier l'administration du quotidien al-Moustaqbal, créant un précédent. Les employés congédiés, des journalistes pour la plupart, ont signé de tels documents. Nous n'accepterons pas de le faire », souligne une journaliste sous couvert d'anonymat.

« Personne de nous n'est aussi naïf. Nous ne ferons pas ce cadeau à l'administration », renchérit un journaliste qui lui aussi a requis l'anonymat. « La proposition de l'administration n'était pas claire. Je pense qu'elle-même ne sait pas quoi faire », dit-il, comparant la situation à celle « d'un véhicule plein de passagers, qui n'a pas de conducteur, et qui dévale une descente à toute allure». « C'est dommage de voir que notre cas est sur toutes les lèvres et que la situation d'an-Nahar et de ses journalistes est rapportée par la presse », a-t-il poursuivi.

 

Laisser faire les avocats
An-Nahar compte actuellement environ 170 journalistes et employés. Au cours des dernières années, beaucoup ont été congédiés. Depuis le début de la crise aussi, un bon nombre est parti.
« Ce sont surtout des jeunes qui ont préféré faire d'autres métiers ou travailler ailleurs. Nous n'avons pas ce luxe. Même si certains de nous travaillent ailleurs, et l'administration nous laisse faire pour des raisons financières, an-Nahar demeure notre priorité », note la journaliste qui a plus de vingt-cinq ans de carrière dans cette entreprise. Elle précise que les actionnaires se répartissent comme suit : « Le groupe Tuéni détient 51 % des actions, le groupe Hariri 36 %, le prince saoudien al-Walid ben Talal 10 % et Ali Ghandour, un homme d'affaires jordanien, 10 %. »

« L'administration est obligée de respecter la loi et de nous payer des indemnités en cas de licenciements arbitraires. Nous savons depuis la semaine dernière que la direction compte mettre à la porte 70 % du personnel. Nous ne savons pas si elle a d'autres plans. Si elle compte par exemple recruter ces mêmes personnes avec d'autres formes de contrats », note-t-elle. Elle révèle aussi qu'il existe diverses pressions sur les journalistes. « L'administration parle actuellement d'horaires fixes, impensables pour un journaliste », poursuit-elle.

Joint au téléphone par L'Orient-Le Jour, le directeur de la rédaction d'an-Nahar, Ghassan Hajjar, souligne que le quotidien arabophone « a besoin de dix millions de dollars pour couvrir ses dettes et redémarrer. Nous allons procéder à des licenciements, à des changements de contrats. Certains journalistes travailleront à la pige. Les licenciements toucheront 70% de l'équipe du journal », poursuit-il.

À la question de savoir si an-Nahar a les moyens de payer des indemnités, il note que « ce sont les avocats de l'entreprise qui s'occupent de l'affaire ».
« D'ici à la fin de l'année, cette étape devrait être achevée. Il y aura d'autres procédures, d'autres étapes à suivre. Nous les annoncerons en temps dû. Nous n'avons jamais voulu procéder à des licenciements. Nous sommes tombés de 32 pages à 12 pour réduire les dépenses. Nous nous voyons dans l'obligation de licencier, et croyez-moi, nous ne sommes pas contents. Nous savons que les temps sont difficiles pour tout le monde mais nous n'avons pas le choix », souligne-t-il en conclusion.

 

 

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Ils ont choisi d'être journalistes par conviction, refusant d'exercer d'autres métiers, pensant qu'ils servaient une noble cause, celle d'informer et d'être le miroir de leur société. Ils ont choisi de vivre en décalé, travaillant le dimanche et le soir, contrairement à la majorité des salariés. Certains ont payé le prix de ce mode de vie dans leur vie privée. Ils ont travaillé avec...

commentaires (4)

Sans exagération aucune, si An-Nahar éternue c'est tout le Liban qui s'enrhume. Je pourrais appliquer ma réflexion à L'Orient-Le Jour aussi. Je lis ces deux journaux "références" depuis 1943 ou 44 sans interruption. Ce serait tragique pour quelqu'un de mon âge si l'un des deux aurait un problème.

Un Libanais

14 h 02, le 15 novembre 2016

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Commentaires (4)

  • Sans exagération aucune, si An-Nahar éternue c'est tout le Liban qui s'enrhume. Je pourrais appliquer ma réflexion à L'Orient-Le Jour aussi. Je lis ces deux journaux "références" depuis 1943 ou 44 sans interruption. Ce serait tragique pour quelqu'un de mon âge si l'un des deux aurait un problème.

    Un Libanais

    14 h 02, le 15 novembre 2016

  • REGRETTABLE ! MAIS C,EST CE QUI SE PASSE AVEC TOUS LES JOURNAUX ET REVUES DU MONDE... LA TECHNOLOGIE A TUE LE PAPIER...

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 36, le 15 novembre 2016

  • Bravo pour la transparence de cet article, notamment sur la répartition du capital et la situation des journalistes et bravo pour avoir écrit cet article attirant l'attention sur ce qui fut le plus important quotidien arabophone du Proche-Orient. Ce coup de projecteurs va peut-être contribuer à la recherche d'une solution équitable. La presse écrite est en grande difficulté partout dans le monde mais des solutions justes sont indispensables pour assurer la liberté de penser des journalistes et leur bien-être social et économique.

    Marionet

    08 h 33, le 15 novembre 2016

  • C'est triste...

    Soeur Yvette

    05 h 25, le 15 novembre 2016

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