« On nous massacre encore comme des moutons pendant que le monde regarde ailleurs », affirme Nariman Husseini à L’Orient Today depuis la ville de Gaza. Assise dans ce qu’elle décrit comme ayant été sa maison spacieuse, avec six chambres et un grand balcon où elle cultivait plusieurs plantes, la dame répond à nos questions par des messages vocaux sur l’application de messagerie instantanée WhatsApp. « Les journalistes nous contactaient souvent pour des témoignages, mais c’est moins le cas en ce moment. Il y a quelques jours, je ne me souviens plus quand exactement car j’ai perdu la notion du temps, Israël a attaqué une école accueillant des réfugiés et je n’ai presque rien vu à ce sujet sur les réseaux sociaux », dit-elle.
Depuis la frappe sur la localité de Majdel Chams le 27 juillet dernier, sur le plateau du Golan annexé par Israël, qui a tué 12 jeunes gens sur un terrain de football, les tensions régionales ont considérablement augmenté. Elle a été imputée par Israël au Hezbollah, qui l’a fermement nié, dans le cadre des affrontements transfrontaliers quotidiens qui l’opposent à la milice chiite en parallèle à la guerre de Gaza. L’armée israélienne a répliqué en éliminant un plus importants chefs militaires du Hezbollah, Fouad Chokor, dans la banlieue sud de Beyrouth. La même nuit, elle a tué à Téhéran le chef de la branche politique du Hamas, Ismaïl Haniyé, sans le revendiquer, provoquant la fureur de l’Iran qui, au même titre que le Hezbollah, a promis de riposter. Ces événements successifs font désormais planer sur le Liban et le Moyen-Orient le risque d’une guerre à grande échelle.
En attendant, « pendant que le monde regarde ailleurs » comme le dit Nariman Husseini, les violences se poursuivent dans la bande de Gaza. Dimanche, 30 personnes ont été tuées dans des frappes israéliennes sur des écoles abritant des civils déplacés, avait rapporté l’AFP. Israël avait alors insisté, sans preuves, que des membres du mouvement Hamas s’y cachaient. Jeudi, au moins 18 Gazaouis sont morts dans de nouvelles frappes sur deux écoles selon le Hamas, en sus de 60 autres blessés et plus de 40 portés disparus. Depuis le déclenchement de la guerre à Gaza, le 7 octobre 2023, le dernier bilan fourni par le ministère de la Santé local, contrôlé par le mouvement palestinien, est de 39 699 Palestiniens.
« Davantage de détenus gazaouis disent avoir été violés »
Les journées à Gaza « se ressemblent, faites de poudre, de poussière, de faim, de frappes aériennes et du bruit constant des avions de combat au-dessus de nos têtes, nous rappelant ce qui pourrait nous arriver », explique aussi Husam Hisham. Chef cuisinier dans l’un des hôtels de l’enclave, ce Gazaoui vivait et travaillait à Khan Younès, dans le Sud. Il s’est depuis relocalisé à un endroit non divulgué pour des raisons de sécurité et, après dix mois de guerre, les jours commencent à se confondre, nous dit-il. Mais ce qu’il craint le plus maintenant, c’est « d’être violé par des soldats israéliens parce que cela semble être la nouvelle technique de torture », selon lui. Mercredi, l’agence de presse Reuters a publié des séquences vidéo diffusées par la chaîne israélienne Channel 12, montrant des forces israéliennes abusant sexuellement d’un prisonnier palestinien de Gaza au tristement célèbre camp israélien de Sde Teiman.
«Avant, je n’avais pas cette crainte, mais depuis que de nombreux Gazaouis ont été libérés – dont beaucoup sont des amis proches et des parents –, ils disent clairement avoir été violés avec divers objets, blessés et filmés. Vous ne pouvez pas imaginer la honte qu’ils ressentaient. Nous ne parlons pas de ces sujets dans notre culture. Nous les considérons comme ayb (indécents), mais maintenant, tout est à découvert. Dieu sait où ces vidéos seront diffusées. J’ai peur. » Les images de surveillance diffusées de Sde Teiman montraient une escouade de 9 ou 10 soldats israéliens sélectionnant un détenu parmi plus de 30 autres, les yeux bandés et allongés sur le sol, qui est ensuite conduit dans un coin.
Selon Reuters, « il est clair qu’ils connaissent l’existence des caméras de surveillance et essaient de cacher leurs actes avec des boucliers. » L’homme palestinien a été paralysé à la suite du viol, selon le média israélien Haaretz. Si plusieurs soldats ont été arrêtés depuis, le ministre israélien de la Sécurité nationale (extrême droite), Itamar Ben-Gvir, a déclaré qu’il était « honteux » pour Israël d’arrêter « nos meilleurs héros », tandis que le ministre israélien des Finances, également d’extrême droite, Bezalel Smotrich, a, lui, affirmé que les soldats israéliens « méritent le respect » et ne doivent pas être traités comme des « criminels ».
Des Gazaouis s’entraînent pour « combattre physiquement Israël »
Pour faire face aux soldats israéliens à Gaza, de jeunes hommes s’entraînent désormais dans les décombres de gymnases détruits. Sami*, 17 ans, qui a souhaité rester anonyme pour des raisons de sécurité, a ainsi expliqué qu’il en avait assez de rester inactif dans sa tente à Rafah. Ancien résident de la rue Shujaiya dans le centre de Gaza, il a déclaré que passer ses journées à attendre soit un cessez-le-feu, soit une frappe, était « insupportable ». Alors, lui ainsi que certains de ses amis ont découvert les restes de ce qui était autrefois une salle de sport avant la guerre et ont trouvé que certains des poids étaient encore intacts malgré les frappes.
« Nous avons décidé de mettre en place une routine où nous nous entraînons environ trois heures par jour, six fois par semaine. Cela peut sembler beaucoup, mais nous n’avons vraiment rien d’autre à faire », a-t-il expliqué. « Il n’y a pas assez d’armes pour que nous puissions combattre physiquement les soldats israéliens lorsque leurs troupes arriveront sur notre seuil », dit-il, bien que les principales tactiques d’Israël dans la guerre de Gaza ont été des frappes aériennes et une invasion terrestre avec des chars lourds.