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Liban : Oublier le froid, la misère et la solitude juste le temps d’un repas de Noël

Une fois par mois, une centaine de personnes du troisième âge se rassemblent dans une salle des anciens bâtiments de l’Université Saint-Joseph pour bénéficier d’un repas chaud assuré par l’association Rifaq el-Darb. Chaque année pour Noël, Rifaq el-Darb, qui s’occupe des têtes blanches vivant dans la solitude et le besoin, organise un déjeuner de gala afin que les fêtes de fin d’année apportent un peu de chaleur à ceux qui ont beaucoup perdu et qui n’ont plus la vie devant eux pour tenter de tout reconstruire.

Mikhaël au centre, chantant et dansant lors d’un déjeuner organisé par Rifaq el-Darb.

Takié est originaire de Bhamdoun Gare. Elle porte de grosses lunettes noires et elle est coiffée d’un impeccable chignon. Quand on regarde Takié, on a du mal à imaginer qu’elle vit dans un taudis à Achrafieh.
Takié n’a pas toujours été pauvre. Jusqu’au début des années quatre-vingt, elle habitait son village natal. Elle y travaillait à l’hôtel Héliopolis, la zone étant connue comme un haut lieu d’estivage.
Mais la guerre l’a obligée à partir. Elle a été blessée, perdant un œil et grièvement atteinte à la jambe, alors qu’elle fuyait à Deir el-Qamar. Elle a vécu ensuite l’horrible siège de la ville.
Takié ne s’est jamais mariée. Après avoir quitté Bhamdoun, elle a vécu avec son frère, décédé aujourd’hui, dans une minuscule maison humide et sombre à Achrafieh où elle est toujours.
Elle a un autre frère qui vit à Dekwané avec sa famille. Il lui rend visite deux fois par semaine. Parfois, elle est accueillie à Zahlé pour quelques jours par des proches.
Sinon, les jours ordinaires, la septuagénaire passe son temps auprès d’associations. Entre les couvents assurant des repas chauds dans divers secteurs d’Achrafieh et les restos du cœur, elle parvient à se nourrir au quotidien. C’est aussi les associations qui l’aident à se procurer des médicaments dans les dispensaires.

 

Les personnes seules et démunies rentreront chez elles en emportant des cadeaux.

 


Mikhaël, le SDF de Gemmayzé
Mikhaël est, depuis longtemps, SDF. Mais rien ne laisse deviner que ce septuagénaire jovial n’a pas d’endroit où il rentre tous les soirs pour dormir. Si, peut-être les deux grands sacs en plastique qu’il a traînés avec lui jusqu’au vieux bâtiment de l’Université Saint-Joseph.
Mikhaël est souriant et propre. Et il vous indique d’emblée qu’il ne veut pas aller à l’asile, qu’il préfère mener la vie de liberté qui est la sienne. Il aime chanter et danser. D’ailleurs, c’est lui qui anime avec beaucoup de gaieté les déjeuner de Rifaq el-Darb. Il aime aussi voir de nouvelles têtes et rencontrer des gens.
Mikhaël passe sa vie dans la rue, surtout à Gemmayzé, où il vend de nuit comme de jour des chewing-gums.
À midi, il se rend auprès d’une association ou au resto du cœur pour manger. Pas très régulièrement cependant, car il préfère les plats que les gérants des restaurants lui offrent parfois, les restes des plats du jour que l’on ne veut pas jeter. À Gemmayzé, Mikhaël a un lieu de prédilection : une petite échoppe qui vend des saucisses de Frankfort et des crêpes, située en face du collège du Sacré-Cœur.
« La personne en charge me donne un sandwich de hot-dog. C’est délicieux. Mais rarement on m’offre avec le soda », indique-t-il, notant que « le coca est sa boisson préférée ».
« J’ai beaucoup d’amis à Gemmayzé », dit-il, fier. D’ailleurs, parfois, il peut mettre ses deux gros sacs dans une épicerie ou un restaurant du quartier pour se promener librement.
Les soirs, quand il fait beau, il s’assoupit sur un trottoir. En hiver, il opte pour les entrées d’immeubles. Et il y en a encore quelques vieux bâtiments qui gardent leur portail ouvert la nuit.
Mikhaël a une sœur qui habite Hamra. Elle essaie depuis quelques années de le convaincre d’aller à l’asile. « Mais je pense qu’elle a baissé les bras, elle sait qu’elle ne peut pas me persuader, dit-il. Je vais souvent chez elle. C’est dans son appartement que je prends ma douche. Parfois, quand je suis trop fatigué de la rue, je dors chez elle. Et puis c’est elle qui m’achète mes paquets de chewing-gums et de bonbons pour que je puisse me faire un peu d’argent », raconte-t-il.
Mikhaël n’a jamais eu d’emploi régulier. Il y a bien longtemps, il travaillait dans les salons des églises, quand il y avait des décès. « Je servais le café et l’eau aux personnes venues présenter leurs condoléances. Parfois même j’aidais à porter le cercueil. Aujourd’hui, tout ce boulot est assuré par les hommes des pompes funèbres », raconte-t-il encore.

 

L'espace d'un déjeuner de gala, les personnes du troisième âge vivront la chaleur des fêtes.


Un peu de riz et de lentilles pour faire la cuisine
Marie fait beaucoup plus que ses 69 ans. Comme Takié et Mikhaël, elle est suivie depuis une quinzaine d’années par les volontaires de Rifaq el-Darb.
Marie et son époux Raymond mangent une fois par mois le repas servi par l’association. Ils habitent Achrafieh et ont cinq enfants, tous mariés. Le couple a toujours vécu dans l’indigence mais ne s’est jamais plaint, se contentant gracieusement de ce que la vie pouvait lui offrir.
L’époux de Marie était infirmier ; elle était femme de ménage. Tous les deux sont aujourd’hui à la retraite. Le couple passe son temps auprès des associations, que ce soit pour les médicaments ou encore les repas chauds servis au quotidien.
« Le pays est trop cher, nos enfants qui sont eux-mêmes parents sont incapables de nous aider, indique Marie. Tout a renchéri. Nous manquons du minimum », dit-elle, étranglant un sanglot.
De quoi a-t-elle le plus besoin ? « Un peu de riz ou de lentilles pour faire la cuisine, et aussi d’un sac de détergent. Je sens que la maison est sale, elle a besoin d’un véritable grand ménage », note-t-elle, les larmes aux yeux.
Raymond, l’époux de Marie, remarque sa gêne. Il la regarde tendrement, lui tient la main comme pour lui donner courage. Elle lui sourit.
Il y a longtemps, quand ils travaillaient encore et quand leurs enfants étaient petits, Raymond et Marie sortaient au restaurant. « Nous allions dans un restaurant de Raouché certains dimanches, nous amenions les enfants avec nous », raconte-elle avec un sourire. Aujourd’hui aussi, Marie aime se promener avec Raymond. D’ailleurs, le couple participe à toutes les activités et excursions de Rifaq el-Darb.
Marie et Raymond, Mikhaël et Takié participeront le jeudi 27 décembre à un déjeuner de gala offert par Rifaq el-Darb. Ils se rendront dans un restaurant de Attine, dans le Kesrouan, avec 1 000 autres personnes du troisième âge, venues de divers asiles et prises en charge par nombre d’associations du pays.
Au programme, des cadeaux, de l’animation, des chants, de la danse et un peu de bonheur pour ces têtes blanches qui vivent depuis très longtemps dans la solitude et l’indigence et qui ont le droit, ne serait-ce que l’espace des fêtes de fin d’année, de connaître un peu de joie.
Vous pouvez rendre leur Noël plus chaleureux en achetant des cartes de vœux de Rifaq el-Darb (25 000 LL l’une) pour que Noël n’oublie personne. En achetant une carte, vous permettrez à l’association de financer son déjeuner de Noël ainsi que toutes ses activités de l’année.

 


Pour vos dons, composez le 03-624645 ou le 03-522058.


Vous pouvez aussi consulter le site Web de l’association à l’adresse suivante : www.rifaqeldarb.org

Takié est originaire de Bhamdoun Gare. Elle porte de grosses lunettes noires et elle est coiffée d’un impeccable chignon. Quand on regarde Takié, on a du mal à imaginer qu’elle vit dans un taudis à Achrafieh. Takié n’a pas toujours été pauvre. Jusqu’au début des années quatre-vingt, elle habitait son village natal. Elle y travaillait à l’hôtel Héliopolis, la zone étant...
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