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À La Une - Liban - Salaires

Eviter au Liban le sort de la Grèce

Si la grille des salaires est transférée au Parlement, c’est tout le secteur privé qui menace d’une grève ouverte.

Les quinze représentants des organismes économiques réunis hier pour dire leur refus, une nouvelle fois, de la grille des salaires. Photo Marwan Assaf

Le Conseil des ministres n’a abouti hier à aucune décision finale concernant la grille des salaires, si ce n’est qu’à repousser le dossier, « le temps de poursuivre l’étude sur les sources de financement », et décider que la grille ne devrait pas être fragmentée, « car elle constitue un tout cohérent de mesures complémentaires ». Dans son discours, le président de la République, Michel Sleiman, a mis en garde le Liban contre « un destin identique à celui de la Grèce ». « J’appelle les responsables politiques libanais à agir avec objectivité et réalisme dans toutes les décisions économiques et financières qu’ils prennent », a-t-il affirmé.


Ambiance plus agitée sur le terrain. Ils étaient quinze, assis à la même table, l’air grave et avec un seul message : nous ne laisserons pas tomber l’économie libanaise. L’hôtel Phoenicia a accueilli hier tous les représentants des organismes économiques, réunis à l’initiative de leur président Adnane Kassar, pour lancer un ultimatum au gouvernement concernant la grille des salaires. Ils ont menacé, si la grille des salaires venait à être adoptée, d’utiliser leur dernière carte en lançant une grève générale dans tous les secteurs économiques qui paralyserait entièrement le pays. De son côté, le comité de coordination syndicale a également fait monter le ton en appelant à une grève générale demain mercredi.

 

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 « Une grille contre-productive et illusoire »
« Ce n’est pas contre le secteur public que nous menons notre bataille, mais contre le gouvernement qui n’assume pas ses responsabilités sociales et économiques », a affirmé le président des organismes économiques, Adnane Kassar, qui a taxé les décisions politiques de « démagogiques ». « Tout le monde sait qu’à l’approche des élections, les mouvements sociaux prennent de l’ampleur et des décisions hâtives et non réfléchies sont adoptées pour gagner en popularité », a-t-il renchéri.


« Les fonctionnaires ont le droit de demander une hausse de leur salaire, comme l’ont obtenu les salariés du privé il y a quelques mois, et en tant qu’organismes économiques, nous soutenons cette proposition », a pour sa part indiqué le président de l’Association des commerçants de Beyrouth (ACB), Nicolas Chammas, qui s’est prononcé pour une augmentation des salaires du public en fonction de la cherté de vie. « En revanche, promettre une nouvelle grille de salaires sans plan de financement est complètement suicidaire pour l’économie », a-t-il ajouté. Selon lui, celle-ci sera contre-productive et illusoire pour les bénéficiaires « puisqu’elle va mener le pays à la ruine ».

Relancer la croissance
« Si l’objectif de l’État est de ruiner le pays, il est sur le bon chemin », a affirmé le président de la Chambre de commerce, d’industrie et d’agriculture de Beyrouth et du Mont-Liban (CCIAB), Mohammad Choucair. Il a interpellé très sévèrement le gouvernement, qu’il accuse d’avoir fait régresser le pays à tous les niveaux. « Entre 2005 et 2010, le montant des IDE au Liban étaient de 5 milliards de dollars par an approximativement. Ils sont passés à presque zéro en 2011 et 2012. La croissance peine à atteindre 1 % et nous en sommes aujourd’hui à quatre heures d’approvisionnement électrique par jour, contre quatre heures de rationnement il y a quelques années », a-t-il accusé. « Qu’avez-vous fait pour attirer les investisseurs, pour limiter vos dépenses inutiles, pour mettre fin à la corruption ?


Vous promettez une nouvelle grille des salaires sans aucune contrepartie. » De son côté, M. Kassar a également fait allusion aux prises de position du gouverneur de la Banque du Liban (BDL) et des institutions financières internationales, qui ont mis en garde le Liban des conséquences que cette grille pourrait avoir sur la croissance du pays. « Il faudrait commencer par le commencement, à savoir, augmenter la productivité du pays grâce à des plans économiques à long terme », a opiné le président des organismes économiques. Ce plan devrait, selon tous les intervenants, permettre au pays de se relever en garantissant un environnement adéquat aux investisseurs, c’est-à-dire en s’attaquant aux problèmes de corruption, en remettant sur pied une infrastructure brinquebalante et en encourageant les secteurs productifs.


« C’est de décisions courageuses dont nous avons besoin », a insisté le président de l’Association des industriels libanais (AIL), Neemat Frem. Il a cité les dernières réunions « cri d’alarme » des organismes économiques des 20 octobre 2011, 4 juin 2012, 1er août 2012 et 24 septembre 2012, qui avaient pour objectif d’alerter le gouvernement sur la gravité de la situation économique. « Elles n’ont malheureusement abouti à rien », a-t-il regretté. « Arrêtons le blasphème économique, arrêtons l’improvisation », a martelé M. Chammas, en priant le gouvernement de ne pas succomber à des décisions populistes.

Nahas propose une solution
C’est certainement au vu de la gravité de la situation que le ministre de l’Économie et du Commerce, Nicolas Nahas, et le ministre d’État, Marwan Kheireddine, ont demandé à assister à la réunion de crise qui s’est tenue dimanche dernier au domicile de M. Kassar et qu’ils ont présenté à l’occasion un « plan de sauvetage » de la grille des salaires. Ce plan a été présenté hier en Conseil des ministres, sans parvenir toutefois à un accord. L’étude en question explique que le coût total de la grille est de 1 750 milliards de livres, dont 750 milliards consacrés à la cherté de vie et 1 000 milliards à la grille des salaires. M. Nahas a proposé de réduire les 1 000 milliards de moitié, soit 500 milliards de livres (350 millions de dollars), à débourser en cinq ans, grâce à une série de réformes. Ce plan prévoit également de maintenir inchangé le nombre de fonctionnaires au cours de ces cinq années-là. « Pour financer cette nouvelle version de la grille, une augmentation de 10 % de l’exploitation des terrains non construits et une restructuration des factures d’électricité pour les tranches les plus élevées font partie des solutions proposées », a expliqué à L’Orient-Le Jour le président du Rassemblement des chefs d’entreprises libanais (RDCL), Fouad Zmokhol. Ces deux réformes pourraient apporter à l’État environ un milliard de dollars par an et réduire de 20 % le déficit d’Électricité du Liban (EDL) respectivement, « sans augmenter les taxes frappant les citoyens », a-t-il indiqué. « Cette proposition est alléchante, mais elle est à prendre avec précaution, et pour l’instant les organismes économiques n’ont pas donné leur avis sur la question », a-t-il ajouté.
Ballotté donc entre des menaces de grève de part et d’autre, le gouvernement doit trouver une solution, et vite, avant qu’il ne soit trop tard.

 

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