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Liban - La psychanalyse, ni ange ni démon

Le discours collectif autour du symptôme

Nous avons vu, dans le dernier article paru dans L'OLJ (jeudi 23 juin), l'importance du symptôme pour l'être humain. Confronté à l'angoisse produite pas un conflit entre le pôle pulsionnel et le pôle surmoïque du sujet, ce dernier fabrique un compromis entre les deux pôles, compromis qui est la base même du symptôme. Cette vision freudienne du symptôme, qui ne considère pas ce dernier comme une maladie, sera reprise et complétée par Lacan. Lacan appelle le symptôme «sinthome», ou «saint homme», à partir de son étude de l'écriture de James Joyce. Plus précisément, du rapport de James Joyce à son écriture.

L'écriture de Joyce lui sert de métaphore paternelle, c'est-à-dire qu'elle lui permet de refouler là où son père était absent, absent au sens de carence. Nous avons vu déjà que pour qu'un enfant puisse refouler ses pulsions et établir une sublimation à la place, le père doit avoir une certaine rigueur et bien occuper sa place et sa fonction. Dans les cas où le père manque à sa fonction et n'occupe pas sa place, une psychose pourrait se mettre en place dans l'enfance et n'éclater qu'à l'âge adulte. C'est de cela dont il s'agit dans le cas de Joyce.

Le sinthome (le saint homme) supplée donc au père. Comme la fonction du père est une fonction de nomination, et que dans le cas de Joyce le père est défaillent, Joyce fera de son écriture une nomination, une pseudofonction paternelle défaillante, soit un sinthome. L'exemple de James Joyce permet à Lacan d'écrire autrement que Freud le concept de symptôme. De même, le discours collectif autour du symptôme aura pour le sujet des conséquences plus ou moins graves. Si le symptôme répond à un conflit de type névrotique, hystérique, obsessionnel ou phobique, le discours collectif, familial ou social autour du symptôme reste mineur. Face à ce type de symptôme, les parents, le milieu professionnel, le voisinage, le milieu scolaire ou universitaire produisent un discours discriminatoire mineur, et le rejet qui s'ensuit n'a que peu de conséquences. Le sujet ressent cette discrimination et ce rejet, et la souffrance suscitée s'ajoute à celle du symptôme, l'ensemble reste gérable.

Par contre, lorsqu'il s'agit de psychose et de délire, d'innommable le discours collectif autour du symptôme devient plus cruel, la discrimination plus douloureuse. Face au délire de l'un de ses membres, l'angoisse est grande et les parents la supportent mal. La famille risque d'éclater. Le phénomène du «bouc émissaire» apparaît: le sujet délirant devient la cause de tous les problèmes de la famille. Il subit cela de plein fouet : il est rejeté au sein de sa propre famille. Par exemple, réuni avec sa famille en présence des soignants, il s'entend dire souvent: « Toi et nous. » Ni le père, ni la mère, ni les frères et sœurs n'osent dire « Je et tu ». Chacun se protège dans le collectif familial et dit « nous ».

Du fait que les parents énoncent cela, le sujet se trouve rejeté à l'intérieur même du cercle de sa famille. À la souffrance due à l'éclatement psychotique s'ajoute une souffrance due au rejet de sa famille. En manque d'identité, le corps morcelé comme lorsqu'il était enfant (environ 2 ans) avant le stade de miroir, ce rejet devient sa nouvelle identité. Pour rappel, le stade du miroir (environ
1 an 1/2) permet à l'enfant qui n'a de son corps qu'une sensation interne morcelée de s'identifier à son image dans le miroir et de dépasser ainsi le morcellement. Pour cela, il a besoin du regard de sa mère. Lorsque sa mère pose sur lui et sur son image dans le miroir le même regard, l'enfant se reconnaît alors dans cette image qui représente une forme, une gestalt. Cette forme lui permet d'échapper à la difformité interne de son corps et il en tombe amoureux, comme Narcisse (on retrouve cela dans l'état amoureux où l'image idéalisée de l'autre répare nos infirmités réelles ou fictives).

Dans la psychose, il y a donc une régression à un en deçà du miroir. Le psychotique éprouve son corps comme morcelé. Par exemple, en passant devant un miroir, un psychotique peut ne pas se reconnaître dans son image et vivre un grand moment d'angoisse. En mal d'image, percevant son corps comme morcelé, le regard social et familial fige le psychotique dans la position de l'exclus, du marginal, du désorienté, du radié, du dépossédé et lui donne une certaine identité. Le discours collectif autour du symptôme va donc figer le symptôme, mettant le patient dans une position paradoxale: d'un côté, il se rebelle et rejette le discours familial, de l'autre, il épouse ce même discours qui lui donne une identité.
D'où la difficulté à guérir la psychose, le psychotique se rebellant contre sa famille qui en fait un « bouc émissaire » et, en mal d'identité, s'identifiant à ce même bouc émissaire pour préserver l'équilibre familial.

 

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