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Liban - Décryptage

Une explosion pour brouiller les cartes

Les propos du directeur général de la Sûreté générale à la chaîne NTV, dimanche soir, ont eu un écho positif auprès des milieux financiers et politiques. Le général Abbas Ibrahim a en effet affirmé que « le conflit entre le Hezbollah et le secteur bancaire est derrière nous ». M. Ibrahim a fait cette déclaration en réponse à une question qui lui a été posée. Mais l'homme connaît bien le dossier, ayant joué un rôle de médiateur non seulement entre le Hezbollah et les banques, mais aussi entre des parties américaines et le Liban officiel.

Sa discrétion et son attachement aux institutions de l'État, dont il se veut un fidèle serviteur, ainsi que ses fonctions à la tête de la Sûreté générale, font de Abbas Ibrahim l'homme idéal pour gérer les missions difficiles. Son nom a commencé à s'imposer dans les négociations pour la libération des otages avec l'affaire des pèlerins de Aazaz, qui a connu un dénouement heureux (octobre 2013), suivie par celle des religieuses de Maaloula qui a aussi eu une fin heureuse (mars 2014). Il y a eu ensuite l'affaire des militaires enlevés par le Front al-Nosra qui ont été libérés. Reste encore le dossier des militaires enlevés par l'État islamique dont l'issue est encore incertaine, faute de l'ouverture d'un canal sérieux de négociation avec cette organisation terroriste.

Ce palmarès a poussé des parties sécuritaires américaines à solliciter son intervention pour la libération d'otages américains en Syrie. Et dans ce dossier, le général Ibrahim a enregistré un premier succès, obtenant la remise en liberté d'un photographe américain, Kevin Dawes, qui a repris le chemin de la liberté en avril via l'aéroport de Hmaymim (près de Lattaquieh), actuellement contrôlé par l'armée russe, après avoir été arrêté dans les régions contrôlées par le régime en 2012. Ce qui fait du général Ibrahim un médiateur fiable et un interlocuteur indispensable dans de nombreux dossiers délicats.

 

(Lire aussi : Washington appuie la stabilité au Liban, mais... Le décryptage de Scarlett Haddad)

 

Les responsables américains l'ont donc testé et ont finalement décidé qu'il était sérieux et compétent. C'est dans ce contexte que le secrétaire d'État adjoint au Trésor, Daniel Glaser, s'est entretenu avec lui à plusieurs reprises, d'abord au Liban, puis aux États-Unis et de nouveau au Liban, à la fin du mois de mai. Ces entretiens portaient essentiellement sur les sanctions économiques américaines contre les fonds du Hezbollah dans les banques. Plusieurs parties libanaises étaient d'ailleurs intervenues dans ce dossier, notamment une délégation parlementaire libanaise qui s'était rendue à Washington, suivie par le ministre des Finances, Ali Hassan Khalil, alors que d'autres personnalités libanaises se sont rendues aux États-Unis à la même période, pour des raisons diverses, des conférences à donner ou la participation à des colloques. La plupart de ces personnalités sont revenues au Liban avec la nette impression que les États-Unis veulent imposer les sanctions économiques mais qu'en même temps, ils ne veulent pas provoquer des problèmes au Liban, dont la situation est déjà suffisamment compliquée, ni remettre en cause la stabilité dans ce pays. L'appui américain officiel à l'armée est ainsi clair et indiscutable, mais en même temps, les dirigeants américains ferment les yeux sur une éventuelle coopération entre les unités de l'armée et les combattants du Hezbollah à la frontière libano-syrienne.

 

(Pour mémoire : Kahwagi déterminé à poursuivre la bataille contre le terrorisme)



Plus encore, les services de sécurité américains encouragent la coordination entre les différents services libanais et même avec le Hezbollah lorsqu'il s'agit de lutter contre l'EI et les « cellules terroristes dormantes ». C'est à travers cette brèche (essentiellement dictée par le pragmatisme) dans le mur de l'hostilité déclarée entre l'administration américaine et le Hezbollah que la médiation du général Ibrahim avec d'une part le Hezbollah et de l'autre le gouverneur de la Banque centrale a pu aboutir à un compromis qui ne met pas en cause les lois américaines mais les adapte à la situation spécifique libanaise. C'est d'ailleurs un peu ce qui se passe dans de nombreux pays concernant l'application des lois américaines sur le blanchiment d'argent. Avant d'appliquer les mesures de sanction, les banques ont recours à une autorité du pays qui examine les dossiers des comptes suspects et soit confirme les soupçons, soit les écarte. Cela peut être la justice du pays (c'est le cas en Suisse) ou d'autres instances comme le gouverneur de la Banque centrale et la commission chargée de ce dossier au Liban. Si l'on tient compte de toutes ces données, il devient clair que l'explosion devant le siège principal de la Blom Bank, le dimanche 12 juin, était donc une tentative de saboter le compromis trouvé et d'approfondir le fossé entre le secteur bancaire et le gouverneur de la Banque centrale d'une part et le Hezbollah d'autre part.

Selon des sources sécuritaires, l'enquête va d'ailleurs dans ce sens et il s'agit certes de chercher à identifier les poseurs de la charge explosive mais aussi de savoir s'ils ont agi seuls ou à la demande d'une partie locale ou autre. L'enquête se déroule dans la plus grande discrétion, mais il faut espérer qu'elle aboutisse rapidement à identifier les coupables. Car les dommages causés par cet attentat vont bien au-delà des quelques kilogrammes de la charge explosive, destinée en réalité à brouiller les cartes.

 

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commentaires (4)

Le moins qu'on puisse dire est que le hezb résistant est INCONTOURNABLE dans notre paysage socio-politique, autant que la Russie et l'Iran le seraient dans le monde et en particulier au M.O Je ne vais pas me cacher derrière mon doigt, je soutiens moralement ouvertement leur combat de résistance face aux systèmes établies par l'étranger dans notre région, mais même ne le serai je pas , il est stupide de croire qu'on pourra faire sans leur vaillant combat, stupide de croire qu'un quelconque martien venu de je ne sais quelle planète, envoyé par un ou une présidente bouffon(ne) elu (e) ou pas ,nous imposer autre chose que de composer avec cette nouvelle et nécessaire réalité. On ne va pas enlever à Abbas Ibrahim tout le mérite de fin négociateur qu'il est , mais force est de comprendre qu'un négociateur ne peut mener à bien ses missions que si les protagonistes en place y trouvent leur compte. Scarlett vient de nous expliquer que les 2 partis , américaines et résistantes ont fixé leurs limites . Voilà où se situe le sens même du respect et de la dignité humaine. Toujours beacoup de plaisir à vous lire Scarlett , parce que vous êtes claire et précise.

FRIK-A-FRAK

10 h 25, le 22 juin 2016

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Commentaires (4)

  • Le moins qu'on puisse dire est que le hezb résistant est INCONTOURNABLE dans notre paysage socio-politique, autant que la Russie et l'Iran le seraient dans le monde et en particulier au M.O Je ne vais pas me cacher derrière mon doigt, je soutiens moralement ouvertement leur combat de résistance face aux systèmes établies par l'étranger dans notre région, mais même ne le serai je pas , il est stupide de croire qu'on pourra faire sans leur vaillant combat, stupide de croire qu'un quelconque martien venu de je ne sais quelle planète, envoyé par un ou une présidente bouffon(ne) elu (e) ou pas ,nous imposer autre chose que de composer avec cette nouvelle et nécessaire réalité. On ne va pas enlever à Abbas Ibrahim tout le mérite de fin négociateur qu'il est , mais force est de comprendre qu'un négociateur ne peut mener à bien ses missions que si les protagonistes en place y trouvent leur compte. Scarlett vient de nous expliquer que les 2 partis , américaines et résistantes ont fixé leurs limites . Voilà où se situe le sens même du respect et de la dignité humaine. Toujours beacoup de plaisir à vous lire Scarlett , parce que vous êtes claire et précise.

    FRIK-A-FRAK

    10 h 25, le 22 juin 2016

  • ABBAS IBRAHIM A PROUVE JUSQU,AUJOURD,HUI QU,IL EST UN HOMME HONNETE ET SERT LE PAYS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 50, le 22 juin 2016

  • L'enquête n'aboutira jamais comme toutes les précédentes qu'il est vain de ressasser.

    Un Libanais

    09 h 37, le 22 juin 2016

  • Intéressant!!!

    NAUFAL SORAYA

    06 h 48, le 22 juin 2016

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