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Lifestyle - La mode

Afef Jnifen, son émotion de retrouver Beyrouth

De passage à Beyrouth pour le tournage de l'émission de téléréalité « Project Runway Middle East » sur MBC, cette belle brune au sourire désarmant, membre du jury présidé par Élie Saab qui va choisir le ou la styliste de l'année, n'est pas une nouvelle venue dans l'univers de la mode : elle fait partie, en effet, de la puissante génération des supermodels des années 90.

Dans sa loge, sur « Project Runway ».

Née en 1963 à Medenine, en Tunisie, Afef Jnifen a une enfance relativement nomade, sous l'aile d'un père diplomate. C'est ainsi qu'elle se retrouve au Liban où elle passe deux années scolaires à Beyrouth, de 1980 à 1982. Aujourd'hui, elle vit en Italie où elle poursuit une carrière de journaliste, notamment à la télévision, et d'activiste. Elle est mariée avec l'homme d'affaires italien Marco Tronchetti Provera. Elle raconte.

 

Quelle est la cause pour laquelle vous militez ?
Je me suis donné pour mission de défendre les minorités, tous ceux qui subissent des injustices et dont la voix arrive difficilement. Cela va des êtres humains aux animaux. Je travaille également au sein d'une fondation qui prend soin des animaux abandonnés ou persécutés.

 

Fille de diplomate, avez-vous été marquée par votre enfance nomade ? Que représente pour vous le Liban ?
Toute mon enfance, dans les années 70, j'ai passé mes étés en Irak auprès de mon père. Au début des années 80, alors qu'il était en poste à Beyrouth, il nous a fait venir. La première année, j'étais inscrite aux Makassed, parce que mon père voulait que j'acquière une bonne formation en arabe. L'année suivante, j'ai rejoint le collège Saint-Élie Btina, dans le secteur de l'Unesco. Étrangement, les locaux de la MBC où nous tournons l'émission se trouvent à proximité du lieu où j'ai vécu à Beyrouth. Je me souviens, j'étais sur la plage avec une amie quand les avions israéliens ont survolé la ville. Nous les avons vus arriver. Mon père a aussitôt organisé notre départ par la Syrie avec les autres diplomates. J'étais très attachée au Liban et aux Libanais. J'ai senti ce jour-là que j'abandonnais un proche en difficulté. C'est pourquoi j'éprouve toujours une émotion rare quand je viens ici, bien que je n'avais pas d'histoire d'amour à Beyrouth, même pas un petit copain. Il y a douze ans, mon mari m'a demandé ce que je souhaitais pour mon anniversaire. Je lui ai dit que je voulais le célébrer à Beyrouth. Et c'est ainsi que j'ai embarqué avec moi des amis du monde entier. Tout était neuf alors. Aujourd'hui, on commence à voir sur les façades une patine qui n'existait pas.

 

En tant que mannequin professionnel, avez-vous dû, au début de votre carrière, faire face à des interdits de la part de votre famille ?
J'appartiens à une famille musulmane, à la fois traditionnelle et très ouverte qui traitait déjà hommes et femmes à égalité. J'ai reçu une éducation plutôt souple. D'une part, mon père n'était pas très présent, donc je n'étais pas vraiment sous contrôle. D'autre part, je suis la seule fille parmi cinq garçons, donc ma mère m'a traitée comme un garçon. Maman était attachée aux traditions, mais quelque part je me suis éduquée moi-même.
Mon premier job de mannequin, je l'ai décroché en 1984. J'étais déjà mariée avec mon copain tunisien dont la sœur avait une maison aux Bahamas. Nous étions en vacances chez elle et Jean-Paul Goude tournait non loin de là une pub pour le Club Med avec Carla Bruni. Il me voyait passer tous les jours, jusqu'au moment où il est venu vers moi et m'a proposé un rôle dans le clip. J'ai demandé à réfléchir. Le lendemain j'ai dit O.K., et tout s'est emballé. Goude m'a dit d'aller voir Azzedine Alaïa à Paris. Je suis allée le voir et il m'a tout de suite bookée pour son premier défilé. Par la suite, j'ai notamment été la muse de Roberto Cavalli, mais j'ai aussi beaucoup travaillé pour Giorgio Armani, Jean-Paul Gaultier et Chanel. Roberto voulait que je fasse l'ouverture et la finale de ses défilés. J'ai aussi été le visage de L'Oréal.
Pour ce qui est de la réaction de mes parents, ma mère ne voyait pas les choses d'un très bon œil, mais elle ne pouvait rien dire, comme j'étais mariée et que mon mari ne désapprouvait pas. Mon père était à l'époque en poste en Arabie saoudite. Un jour, maman est venue avec une lettre de mon père où il me disait sa déception. Nous ne nous sommes plus parlés pendant deux ans.

 

Quelle est la différence, selon vous, entre la carrière de mannequin telle que vous l'avez vécue et celle des tops d'aujourd'hui ?
La génération de tops des années 90 était une génération spéciale. On voyageait beaucoup, on était sans cesse en contact avec toutes les cultures. Nous étions proches les unes des autres et nous venions de dizaines d'horizons différents. Il y avait beaucoup de Chinoises, de Japonaises, d'Asiatiques et de Noires. Les stylistes de l'époque avaient cet intérêt-là pour la personne humaine. Aujourd'hui le monde a changé et la société avec lui. Les mannequins sont réduits le plus souvent au rôle de cintres. Pour changer la donne, il faudrait que les acheteuses imposent leur point de vue, puisque ce sont elles qui font tourner l'industrie. Le marché arabe achète énormément d'articles de mode. Il peut changer la tendance s'il le veut.

 

Une expérience qui vous a particulièrement marquée au cours de votre carrière ?
L'anniversaire de Nelson Mandela à Johannesburg. J'ai eu le privilège d'être invitée à la célébration de ses 90 ans avec un certain nombre de personnes. Ce fut un moment de grande émotion. Il fait partie des personnages que je respecte le plus au monde. Parmi les privilèges de ce métier, il y a cette possibilité de rencontrer et de créer des liens avec des gens qui sont des mythes. Je n'aurais jamais cru que je pourrais un jour côtoyer des personnes qui étaient pour moi des idoles, comme Grace Jones, Claudia Cardinale, Elton John ou Sofia Lauren, et devenir leur amie.

 

Quand et comment avez-vous rencontré Élie Saab ?
Lors de son premier défilé à Rome, il y a plusieurs années. J'étais déjà connue, lui commençait tout juste à faire parler de lui. Nous avions entendu parler l'un de l'autre, et il m'a demandé de défiler pour lui. Par la suite, il m'a habillée pour les programmes que je présentais à la télévision italienne. J'adore son calme, son humanité incroyable quand on connaît le caractère de la plupart des autres designers. Il est toujours soucieux des autres, s'ils ont mangé, s'ils ont tout ce qu'il leur faut.

 

Comment se présente l'émission « Project Runway Middle East » ?
Justement, je suis ici en tant que membre du jury, aux côtés d'Élie Saab qui est partenaire du projet. Le niveau des candidats est encore moyen, mais ils s'améliorent. Nous avons tourné jusqu'à présent un épisode à Beyrouth et un autre à Cannes. Nous irons ensuite à Paris et la finale aura lieu à Dubaï.

 

Si le hasard ne s'était pas mêlé de votre vie professionnelle, qu'auriez-vous aimé faire ou être ?
Je referais tout ce que j'ai fait ! Je suis ce que je fais, je fais ce que je suis. Cela dit, j'ai fait une petite tentative de stylisme en créant une marque de maillots qui a eu son petit succès. Mais je me suis arrêtée. Il fallait savoir gérer les finances et le monde de l'argent m'est totalement inconnu.

 

 

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Née en 1963 à Medenine, en Tunisie, Afef Jnifen a une enfance relativement nomade, sous l'aile d'un père diplomate. C'est ainsi qu'elle se retrouve au Liban où elle passe deux années scolaires à Beyrouth, de 1980 à 1982. Aujourd'hui, elle vit en Italie où elle poursuit une carrière de journaliste, notamment à la télévision, et d'activiste. Elle est mariée avec l'homme d'affaires...

commentaires (7)

Ou, comment prendre le ton de l’occasion....

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

08 h 45, le 27 mai 2016

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Commentaires (7)

  • Ou, comment prendre le ton de l’occasion....

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    08 h 45, le 27 mai 2016

  • DES TOP MODELS... HUUUUMMMM... BEAUCOUP D,ENCRE Y COULERA...

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 50, le 26 mai 2016

  • Afef ou Äafâf ?

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    15 h 11, le 25 mai 2016

  • "Il y avait beaucoup de Chinoises, de Japonaises, d'Asiatiques et.... de Noires." ! "Noires" ?! D'Africaines noires, à la rigueur, comme elle qui est une brunette Africaine. N'est-ce pas ?

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    12 h 22, le 25 mai 2016

  • "C'est pourquoi j'éprouve toujours une émotion rare quand je viens ici, bien que je n'avais pas d'histoire d'amour à Beyrouth, même pas un petit copain." ! Née en 63, et ça devait se passer en 82 quand Israël était entré à Beyrouth et bombardait partout ! Ce qui fait qu'elle avait 19 ans. Ça va, pas trop "précoce".

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    12 h 16, le 25 mai 2016

  • "Quelle est la cause pour laquelle vous militez ? Je me suis donné pour mission de défendre les minorités.". Ça, c'est bien ! Mais : "Cela va des êtres humains,.... aux Animaux." ! Quid, alors, des végétaux ?!

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    12 h 09, le 25 mai 2016

  • Un peu de beauté pour changer ce climat morose des municipalités

    Sabbagha Antoine

    12 h 04, le 25 mai 2016

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