À Zahlé, trois listes et un maître de jeu, le panachage

Trois listes, dont une dite de coalition partisane, une deuxième qui se veut indépendante bien qu'émanant d'une figure politique de proue et une troisième à dominante politico-familiale, s'apprêtent à se livrer une bataille acharnée à Zahlé.
La première est présidée par Assaad Zogheib, un ancien président de municipalité « ayant déjà fait ses preuves » et rompu à la vie municipale. Elle regroupe 8 candidats indépendants, 13 issus des partis chrétiens – 5 membres des Forces libanaises, 5 du Courant patriotique libre et 3 du parti Kataëb – et un sunnite, mais pas de candidat au siège chiite. Une seconde liste, présidée par Moussa Fattouche, frère du député Nicolas Fattouche, se veut « loin du jeu politique », comme l'affirme le député, mais « axée sur les attentes locales ». Elle regroupe des compétences diverses, avec quelques ingénieurs, médecins et avocats. Bien qu'ils se soient réapproprié les slogans en vogue du développement, les candidats de la liste se placent principalement sous l'étendard de la « crainte de l'implantation et de l'afflux des réfugiés syriens », installés en grand nombre à la ceinture limitrophe de cette ville à dominante chrétienne.

Faute d'avoir pu s'entendre avec les partis chrétiens sur un quota généreux de candidats, la veuve de l'ancien ministre et député Élie Skaff a finalement décidé de faire cavalier seul en parrainant une troisième liste de 21 candidats, des indépendants mixés à une dizaine de candidats issus de l'ancien conseil municipal. Sur sa liste également, un candidat sunnite, proche du courant du Futur, qui devrait lui assurer le soutien inconditionnel du courant haririen – et donc des voix sunnites. La liste peut également tabler sur une grosse majorité de voix chiites avec un candidat, Ali el-Khatib, un ingénieur respecté de tous et proche du tandem Amal-Hezbollah. Sur ordre du Hezbollah, M. Khatib, dont la candidature était au départ prévue sur la liste de M. Zogheib, a été contraint de changer de casquette et de rallier la liste des Skaff à la dernière minute. Un revirement qu'un notable chiite de la ville explique par le fait que le Hezbollah, qui doit soutenir également son allié le CPL sur la liste concurrente de M. Zogheib, a voulu préserver ses bonnes relations avec la famille Skaff, fruit d'une alliance de longue date qu'il pourra exploiter aux prochaines échéances. « Il a un œil fixé sur l'avenir », commente la source, qui place dans ce contexte la visite effectuée par Myriam Skaff au secrétaire général adjoint du parti chiite, le cheikh Naïm Kassem.

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Vote communautaire
Ayant par ailleurs officiellement informé depuis le début son allié du CPL – en tandem avec les FL – qu'il ne votera nulle part pour ces derniers, le Hezbollah tient à rendre le vote de ses partisans à Zahlé le plus utile possible et à éviter dans la mesure du possible un éparpillement de voix superflu. Ainsi, le parti chiite sera appelé à faire le grand écart dans une ville aux enjeux éminemment chrétiens, étant politiquement contraint de soutenir des candidats choisis dans chacune des trois listes : le CPL sur la liste présidée par M. Zogheib, le candidat chiite et d'autres sur la liste de Skaff, mais aussi, théoriquement, un autre allié de longue date de l'axe Damas-Téhéran, le député Nicolas Fattouche, et son frère. C'est ce qui fait dire d'ores et déjà à de nombreux observateurs que le panachage sera roi lors de cette consultation aux spécificités multiples, avec une variable aux effets prévus pernicieux : les voix chiites.

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Sans aller jusqu'à dire que les quelque 6 000 électeurs chiites (sur 76 000 inscrits au total), dont près de 3 500 se rendront aux urnes selon les prévisions, feront pencher la balance dans un sens comme dans un autre, il n'en reste pas moins que ce vote communautaire aura une importance de taille s'il est pratiqué à une large échelle. Il reste à voir s'il se fera par ailleurs au détriment du CPL, dont on dit qu'il s'inquiète déjà du boycott, par une partie de la communauté chiite, de ses alliés FL, et d'un éventuel éparpillement des voix chiites. Selon des sources proches de la campagne électorale, les aounistes ne peuvent compter que sur près de 1/4 des voix chrétiennes propres au courant et celles qu'ils espèrent obtenir des FL, lesquelles affirment se prévaloir de près de plusieurs milliers d'électeurs inscrits. Pouvant également tabler sur une majorité de voix chrétiennes, le Bloc populaire de Myriam Skaff peut également compter sur le soutien de quelque 2 000 voix sunnites au moins, en plus des voix chiites dont une grande partie lui sera acquise.

Quant à la liste Fattouche, qui de l'avis d'un analyste de la ville risque fort de « connaître un vote-sanction, notamment en raison de ses déboires avec la famille Skaff et son affairisme antiécologique », sa participation équivaudrait bien plus à une tentative symbolique pour « rester sur la sellette en prévision de l'échéance parlementaire ». N'ayant pas d'ancrage partisan non plus, mais comptant sur une popularité locale séculaire, les Skaff mènent également une « bataille d'existence » après le décès de la figure emblématique que fut Élie Skaff, et face à une liste de coalition partisane qui, elle, compte principalement sur un vote chrétien fourni.
Autant d'équilibres fragiles et d'enjeux politiques par excellence qui risquent de noyer en définitive les objectifs de développement et de réformes martelés par l'ensemble des protagonistes en lice.

Remarque :

Une source autorisée du Bloc populaire de Myriam Skaff, veuve de l'ancien député et ministre Elie Skaff, a indiqué vendredi 6 mai à L'Orient-Le Jour que contrairement aux informations rapportées précédemment, le candidat chiite représentant le tandem Hezbollah-Amal, Ali el-Khatib, ne fait pas partie de la liste de Mme Skaff mais a rejoint, en définitive, la liste présidée par Assaad Zogheib et parrainée par les trois partis chrétiens, les Forces libanaises, les Kataëb et le Courant patriotique libre du général Michel Aoun.
Par ailleurs, le député sunnite de Zahlé Assam Aragi a indiqué que le Courant du Futur "ne s'est pas impliqué et ne s'impliquera pas dans l'élection municipale de Zahlé".

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