Les poissons d'avril se sont répandus sur la Toile comme une traînée de poudre en ce 1er avril. Beaucoup de médias ont naturellement joué le jeu et n'ont pas hésité à publier le leur.
Au Liban, par exemple, c'est souvent autour de la politique, locale ou internationale, que gravitent les plaisanteries. Mais pour le quotidien panarabe Asharq al-Awsat, c'est le pays du Cèdre lui-même qui est un poisson d'avril. C'est du moins ce que dit le dessin du caricaturiste jordanien Amjad Rasmi, publié hier dans les colonnes du journal basé à Londres et sur son site web. « L'État libanais : poisson d'avril », pouvait-on ainsi lire sur son dessin, qui consiste en un drapeau libanais. Cette caricature reflète les tensions accrues entre Beyrouth et de nombreux pays arabes, notamment les monarchies du Golfe. Celles-ci ont récemment qualifié le Hezbollah, membre du gouvernement, de groupe terroriste. La Ligue arabe a fait de même. Les voisins du Liban accusent ce dernier de favoriser leur rival iranien sous la pression du parti chiite.
Le dessin d'Amjad Rasmi a naturellement déplu à de nombreux Libanais.
« Le Liban, malgré ses crises, les échecs de son gouvernement, ses années de guerre (...), reste la vérité la plus ancrée dans cette région », a ainsi écrit le journaliste Ali Hachem, responsable d'al-Mayadeen online. Kalam el-Nass, l'une des émissions politiques libanaises les plus populaires, visiblement choquée par le dessin, l'a relayé et s'est contentée d'écrire sur son compte Twitter : « Pas de commentaire. » Vers 15h30 toutefois, le dessin n'apparaissait plus dans la rubrique caricature d'Asharq al-Awsat. Le journal l'a remplacé par une caricature, toujours signée Amjad Rasmi, dépeignant des rebelles houthis au Yémen combattus par une coalition arabe menée par l'Arabie saoudite.
« L'État libanais est responsable... »
En début de soirée, l'Agence nationale d'information rapportait que plusieurs personnes se sont introduites dans les locaux du quotidien et les ont vandalisés. « Un groupe de jeunes activistes de la société civile sont entrés dans les locaux situés au 11e étage de la tour Bourj el-Ghazal, à Tabaris, au moment où la plupart des employés du quotidien étaient absents, et ont déchiré plusieurs exemplaires du journal », écrit l'Ani.
Selon l'Ani, les individus qui ont vandalisé les locaux sont : Pierre Hachache, Abbas Zahri, Hassan Qoteich, un individu de la famille Harez, un cameraman de la chaîne al-Jadeed de la famille Zeineddine et Bilal Allaou. Une vidéo postée hier en soirée sur le compte personnel de M. Hachache sur Facebook enregistre d'ailleurs leur intervention dans les locaux du journal. Les forces de l'ordre se sont déployées sur place et ont interrogé les employés présents dans les locaux du journal. Le parquet général a été informé de l'affaire et une enquête est ouverte. Réagissant au saccage de ses bureaux, Asharq al-Awsat a affirmé, selon plusieurs médias locaux, que l'État libanais est responsable de la sécurité de ses employés. Le journal a par ailleurs précisé qu'il ne fermera pas ses locaux à Beyrouth et qu'il poursuivra son travail normalement.
De son côté le ministre de l'Information, Ramzi Jreige, a considéré en soirée hier que cette caricature diffusée dans un journal qui n'est pas publié à partir du Liban est « lourde et de mauvais goût », relevant par la même occasion que « cela ne peut être vrai car le Liban est une vérité qui a mille ans et ne peut être un mensonge ».
D'autre part, SKeyes, le Centre Samir Kassir pour la défense des libertés culturelles et d'information, a dénoncé « l'entrée par la force dans les bureaux d'Asharq al-Awsat d'un groupe de jeunes, peu importe leurs motifs », et demandé à la justice de sanctionner les coupables « dont l'identité n'est pas cachée ».
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commentaires (7)
Ash Harq al Awsat a parfaitement raison The Lebanese state is a joke Le plus drole c est que ceux la meme de la societe civile qui se sont plaints de l etat libanais dans la rue pendant des mois sont les premiers choques
Jihad Mouracadeh
19 h 07, le 02 avril 2016