La coalition civile contre le barrage de Janné a divulgué hier des informations et des photos qui montrent que l'abattage massif d'arbres a recommencé sur le site de construction de cet ouvrage, à Nahr Ibrahim (entre Kesrouan et Jbeil, un paysage paradisiaque connu sous le nom de Vallée d'Adonis), depuis au moins trois jours.
L'abattage d'arbres était interdit du fait que le permis accordé par le ministère de l'Agriculture à l'entrepreneur en charge des travaux était gelé depuis plusieurs mois, en raison d'études qui étaient toujours en cours. Le ministère de l'Environnement a également demandé à plus d'une reprise l'arrêt des travaux en raison des risques écologiques qu'ils entraînent.
Une récente étude d'impact environnemental, effectuée cet été à la demande du ministère de l'Environnement et de l'Office des eaux de Beyrouth, qui finance le projet de barrage, a d'ailleurs fait un rapport accablant sur les risques que pose une telle construction dans un cadre de biodiversité aussi fragile. L'abattage d'arbres faisait, de toute évidence, partie des facteurs de dégradation environnementale causés par la construction du barrage, qui devrait noyer de grandes superficies sous les eaux.
Par quel prodige l'abattage d'arbres a-t-il donc repris ? Selon des sources de la coalition, l'ancien permis d'abattage, pourtant officiellement gelé et dépassé, aurait été utilisé comme prétexte – et « renouvelé » – pour ce nouveau round. « L'abattage intensif se fait à l'aide de tracteurs qui effectuent la besogne le plus rapidement possible », déplore Raja Noujaim, porte-parole de la coalition. Contacté par L'Orient-Le Jour pour éclaircir la question du permis, le ministre de l'Agriculture Akram Chehayeb n'a pas été en mesure de fournir une explication hier du fait qu'il a besoin de revoir les détails du dossier avec le responsable concerné dans son ministère, nous promettant une réponse pour aujourd'hui... Mais selon les informations, aucun « nouveau » permis n'aurait été signé. Quoi qu'il en soit, hier soir, personne n'avait encore arrêté l'abattage sur le site, comme le confirment les témoins. Le ministre de l'Environnement Mohammad Machnouk, lui, était injoignable.
Interrogé sur ce rebondissement dans l'affaire de Janné, le ministre d'État pour la Réforme administrative, Nabil de Freige, s'est dit résolument contre une reprise des travaux sur le site, affirmant que tout doit être mis en œuvre pour arrêter les travaux. « Je suis député de Beyrouth, et la capitale est supposée profiter de l'eau retenue dans ce barrage, poursuit-il. J'affirme que nous pourrions avoir des sources d'eau beaucoup plus importantes sans détruire cette superbe nature, pour un ouvrage qui, comme l'ont prouvé toutes les études effectuées, sera un fiasco à tous les niveaux, que ce soit dans sa capacité de stockage, son impact sur la nature, ou les risques de tremblements de terre. »
Le terrain où se situe le barrage est en effet traversé, selon les hydrogéologues, par trois grandes failles géologiques. Ils ajoutent que le sol très calcaire semble peu propice à un barrage de grande envergure, devant stocker de si grandes quantités d'eau (90 millions de mètres cubes par an, et un réservoir de 38 millions de mètres cubes, selon les prévisions de ses concepteurs). Le barrage est conçu pour desservir les régions de Jbeil et de Beyrouth.
Pour mémoire
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commentaires (3)
Donnez le temps au ministre d'étudier les dossiers sur l'abattage, dans quelques jours tout sera oublié... F. MALAK
Rotary Beyrouth
13 h 36, le 17 mars 2016