L'Arabie saoudite a fait monter la pression mardi sur le Liban en demandant à ses ressortissants de quitter ce pays qu'elle accuse de favoriser les intérêts de son rival iranien sous l'influence du Hezbollah. Son allié régional, les Emirats arabes unis, a suivi en décrétant une interdiction de voyage dès mardi à ses citoyens au Liban et en réduisant au "minimum" sa présence diplomatique à Beyrouth, selon les termes d'un communiqué officiel. Puis vint le tour de Bahreïn qui a "définitivement" interdit à ses ressortissants de se rendre au Liban.
Quatre jours après avoir interrompu ou suspendu des programmes d'équipement de 4 milliards de dollars destinés à l'armée et aux forces de sécurité libanaises, Riyad a demandé aux citoyens saoudiens de quitter le Liban et a déconseillé tout voyage dans ce pays.
"Le ministère (saoudien) des Affaires étrangères demande à tous les citoyens de ne pas se rendre au Liban pour leur sécurité. Il demande aussi à ceux qui y résident ou qui le visitent de quitter le Liban et de n'y rester qu'en cas d'absolue nécessité", a déclaré le porte-parole du ministère, cité par l'agence officielle SPA.
Il a en outre conseillé aux Saoudiens qui doivent rester au Liban d'être "prudents et de rester en contact avec l'ambassade saoudienne à Beyrouth pour une éventuelle assistance".
C'est la première fois que Riyad demande aussi clairement aux Saoudiens d'éviter le Liban.
Les relations entre les deux pays se sont particulièrement tendues ces derniers jours, l'Arabie saoudite annonçant vendredi le gel d'un programme d'aide de trois milliards de dollars au profit de l'armée libanaise et la suspension d'un autre d'un milliard de dollars pour les forces de la Sécurité intérieure.
Le programme de trois milliards de dollars avait fait l'objet d'un accord avec la France pour la fourniture d'armes et d'équipements à l'armée libanaise. Une première livraison de missiles de type Milan a été effectuée et une autre était prévue pour le printemps prochain. Mais le gros du contrat n'a pas été exécuté.
Paris n'a pas réagi officiellement à l'annonce de Riyad mais, de source proche du dossier, on a indiqué que l'engagement de Paris aux côtés du Liban reste une constante intangible dans le contexte des conflits dans la région. Concernant le contrat proprement dit, le dialogue va se poursuivre avec les deux parties (Arabie saoudite et Liban), a ajouté cette source qui a préféré parler d'une "suspension" plutôt que d'une "rupture" de contrat. Les discussions se poursuivent depuis très longtemps sur ce contrat, avec pour objectif de garantir la sécurité du Liban, a-t-on rappelé de même source.
(Lire aussi : Le gouvernement face au gel de l'aide saoudienne : ce qu'en dit la presse libanaise)
Riyad excédé par le Hezbollah
L'Arabie saoudite a expliqué avoir pris cette décision en réaction aux positions inspirées par le Hezbollah et jugées hostiles à son égard. Riyad a notamment cité le fait que le Liban n'ait pas condamné au sein de la Ligue arabe et de l'Organisation de la conférence islamique (OCI) les attaques le mois dernier contre ses représentations diplomatiques en Iran par des manifestants. Ces attaques avaient suivi l'exécution le 2 janvier d'un dissident chiite saoudien, Nimr al-Nimr, qui avait été condamné à mort pour "terrorisme" et provoqué la rupture des relations diplomatiques entre Ryad et Téhéran, à l'initiative de l'Arabie saoudite.
L'Arabie saoudite est à couteaux tirés avec l'Iran qui soutient, tout comme le Hezbollah, le régime du président syrien Bachar el-Assad, tandis que Riyad milite pour sa chute et appuie l'opposition syrienne.
Le Hezbollah et l'Iran dénoncent en outre l'intervention militaire saoudienne contre les rebelles chiites houthis au Yémen.
Les nouvelles pressions sur Beyrouth interviennent en dépit de l'affirmation par le Conseil des ministres, réuni lundi en session extraordinaire, de son "attachement au consensus et son soutien aux frères arabes".
Le Premier ministre Tammam Salam a annoncé à l'occasion vouloir effectuer une tournée dans le Golfe pour réparer les dégâts, une démarche qui semble compromise pour le moment.
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commentaires (8)
Pauvre riadh! S'il savait combien on est accommodant quand on veut et combien nous ne sommes pas à vendre. Qu'il aille vour au sousan si nous y sommes. Riad avec ses sous, n'est pas habitué à se faire cracher au visage quand il dépasse les limites autorisées... il va falloir qu'il s'y habitue, hélas pour lui.
Ali Farhat
01 h 09, le 24 février 2016