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Culture - Portrait

Serge Najjar, « l’avocat de l’architecture modeste »

Il a le regard clair, presque transparent. En attente. Le coup d'œil précis, tout en couleurs, en ombres et en lumières, qui accroche le béton, le cerne et l'humanise. Serge Najjar, outsider en plein dans le cadre et photographe de la ville, expose son travail, « A closer look at the ordinary »*.

« Galaxy ».

La photo est sa « douce folie ». Douce, mais carrée, (re)tenue, concentrée. Docteur en droit et avocat à la cour, Serge Najjar s'est fait connaître en tant que photographe sur Instagram sous le pseudo de Serjios. Premiers partages presque anonymes de façades, perspectives et contre-plongées, dans un format alors exclusivement carré, une composition parfaite et des clichés facilement identifiables en noir et blanc. Le succès est immédiat et surprenant, tellement, que Serge Najjar est contacté par le directeur d'Instagram, qui veut publier une interview du discret auteur de ces photos. « J'avais peur de la couleur, peur de beaucoup de choses d'ailleurs. Instagram m'a tout appris. C'est le meilleur exercice pour un amoureux de la photo. La plus grande encyclopédie moderne de la photo », murmure-t-il.

Très vite, Naïla Kettaneh Kunigk le repère et lui organise sa première exposition, « Lines, Within », à la galerie Tanit de Munich et de Beyrouth. « J'étais stupéfait par l'accueil. J'étais comme dans un rêve. » Dont il sortira pourtant. « Pendant deux mois, j'étais incapable de reprendre une photo. J'avais perdu ma passion. » Passion : ce mot revient avec une étrange douceur et anime le feu intérieur, apparemment maîtrisé, de cet autodidacte qui, par ailleurs, adore son métier d'avocat. « Mon travail me permet de prendre une distance qui me sauve et sauve mon envie de créer. Cette liberté est essentielle. Je ne serais jamais dépendant d'un besoin financier direct. J'ai carte blanche sur ma création. C'est le plus beau cadeau que l'on puisse avoir. Je ne suis pas dans le domaine de l'art, poursuit-il. Je ne m'identifie pas aux personnes qui le sont. Ils pensent que je suis un outsider... » Outsider, peut-être, mais qui poursuit sa démarche avec une belle consistance et un respect de son exigence. Avec aujourd'hui, 4 ans plus tard, 70 000 followers au compteur et des interviews dans Libération, Casa Vogue, Telegraph, CNN ou encore National Geographic, Serjios, Serge Najjar, a remporté le Prix Photomed en 2014 et participé à de nombreuses expositions à l'étranger.

Mais loin de cette agitation qui l'oblige, contre sa nature, à « se mettre à nu », le photographe préfère se laisser porter et emporter par une multitude de façades urbaines qui l'interpellent, qu'il (re)découvre en leur donnant de nouvelles couleurs. Dans un immuable rituel, une belle errance architecturale, il part tous les samedis, l'angoisse et la caméra en bandoulière, sillonner les rues de la capitale et les régions du pays. « Cet exercice m'a surtout permis de découvrir des façades libanaises des années 60 et 70. De véritables joyaux qu'on ne regarde plus. » Happé par les chantiers, blocs de béton en devenir où « il y a de la vie, il se passe quelque chose », il attend. Une ombre, une lumière, un mouvement. Un prêtre qui descend des escaliers, un ouvrier qui nettoie un mur, et voilà une photo composée, une histoire imaginée et une émotion partagée. « Ce n'est pas vraiment l'architecture qui m'intéresse. J'aime la géométrie, les formes, les angles, les lignes, les ombres. L'architecture est mon meilleur terrain de jeu. En prenant quelque chose de méconnu, en le transformant, je sens que je fais quelque chose d'utile. Je suis un peu l'avocat de l'architecture modeste. »

Gros plan sur l'ordinaire
Inspiré par les constructivistes russes, Poliakof, et par Cartier-Bresson, qui « a tout compris et a une intelligence discrète qui m'émeut », Serge Najjar propose dans son exposition « A closer look at the ordinary » 34 photos qui illustrent parfaitement son parcours, avec un premier cliché pris en 2012. Même précision d'un tireur à l'arc, même rapport à la photo, mais un changement de format, de cadrage et d'angles. « Je m'éclate plus », confie-t-il.

Blue Escape, Paper Clip, Red Swipe, Soul of the Visible, Slices of Life, les murs deviennent des pages blanches, les silhouettes des virgules, les escaliers des Stairway to Heaven. « Il s'agit surtout de ramener l'abstrait vers le réel. Ce n'est pas un dessin, il y a un homme dans cette structure, dans ces formes et ces contrastes. » Sans retouches, les clichés clairs, nets, précis, et pourtant abstraits, « irrationnels, comiques et minimalistes », provoquent, au-delà de la surprise, un sourire, un émoi, une belle impression.
« J'ai toujours le sourire aux lèvres quand je prends la photo. » Nous l'avons eu 34 fois, en partageant cette « douce folie ».

*L'inauguration aura lieu aujourd'hui de 18 heures à 21 heures. L'exposition se poursuivra jusqu'au 31 mars à la galerie Tanit, Mar Mikhaël, Beyrouth.

 

Pour mémoire
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« Faites des photos, pas la guerre ! »

La photo est sa « douce folie ». Douce, mais carrée, (re)tenue, concentrée. Docteur en droit et avocat à la cour, Serge Najjar s'est fait connaître en tant que photographe sur Instagram sous le pseudo de Serjios. Premiers partages presque anonymes de façades, perspectives et contre-plongées, dans un format alors exclusivement carré, une composition parfaite et des clichés facilement...

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