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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Une intervention occidentale en Libye aggraverait la situation

Une réconciliation politique entre les différentes factions et le soutien sans faille des pays de la région pourraient aider l'ancienne Jamahiriya à repousser la progression de l'EI.

Un pompier libyen devant un réservoir en feu depuis trois jours à Ras Lanouf, dans le nord de la Libye, après des attaques de l’État islamique. Photo AFP

Depuis début janvier, l'État islamique (EI) multiplie les menaces et les attaques contre les forces de l'ordre et les installations pétrolières majeures en Libye. Ras Lanouf, es-Sider sont les deux sites les plus visés, probablement en raison de leurs capacités de production massive de pétrole brut (plus de 30 %). Ce modus operandi n'est pas sans nous rappeler celui que le groupe a appliqué en Irak, puis en Syrie, à savoir profiter d'un appel d'air sécuritaire majeur pour mettre la main sur les différentes ressources, l'or noir particulièrement.
Cette rapidité d'expansion inquiète d'autant plus que le processus politique de réconciliation interlibyenne est encore très loin du compte et reste d'une lenteur frustrante pour la communauté internationale qui s'impatiente. Lundi encore, le Parlement de Tobrouk a rejeté le gouvernement d'union nationale proposé par l'Onu et son émissaire Martin Kobler. Contrairement à celui de Tripoli, non reconnu par l'Occident, l'on pourrait penser que le gouvernement de Tobrouk est le plus à même d'accepter les diktats extérieurs. Les divisions politiques qui déchirent le pays depuis 2013 auront même eu pour conséquence la perte de plus de 70 milliards de dollars en ventes pétrolières seulement, d'après le PDG de la National Oil Corporation, Moustapha Sanalla.


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Processus de désinformation
Dans ce contexte, de plus en plus de « témoignages » et de rumeurs, relayés par certains médias, dont le quotidien ach-Chark el-Awsat (prosaoudien et basé à Londres), rapportent la présence de troupes américaines, britanniques, et même russes(!) en Libye, à Tobrouk et Tripoli, et leur rôle dans la formation de forces de sécurité locales. Une intervention militaire occidentale n'est plus à écarter, selon certains observateurs. Pour Kader Abderrahim, maître de conférences à Sciences-Po Paris et chercheur à l'Iris (Institut de relations internationales et stratégiques), interrogé par L'Orient-Le Jour, les Occidentaux ne prendront pas le risque de lancer une offensive militaire en Libye, même dirigée contre Daech (acronyme arabe de l'EI), sans avoir obtenu au préalable l'accord du gouvernement, quel qu'il soit. « Il y a tout un processus de désinformation de la part des Occidentaux qui s'est mis en branle, comme on le voit avant chaque conflit. On l'a déjà vu en Irak, en Afghanistan... Ce processus est supposé faire pression sur les différents protagonistes libyens qui ne parviennent toujours pas à s'entendre sur un gouvernement d'union nationale », explique le chercheur.
Des troupes au sol pouvant poser problème, certains pays ne désirant probablement pas risquer de perdre des effectifs, des conseillers pourraient éventuellement être envoyés, suggère pour sa part Frederic Wehrey, spécialiste de la Libye à l'institut Carnegie Endowment for International Peace à Washington, interrogé par L'Orient-Le Jour. L'entraînement de troupes locales pourrait alors constituer un compromis réaliste à plus d'un égard, mais son impact reste à évaluer.


(Portrait : Haftar, un général controversé au cœur de la crise en Libye)

Base de retrait
D'ici là, l'imminence supposée (ou pas) d'une intervention militaire en Libye soulève la question des enjeux à prendre en compte. Cela fait cinq ans que le dirigeant Mouammar Kadhafi est tombé, à la suite d'une intervention militaire occidentale, franco-britannique plus précisément, dont le mandat (résolution 1973) prévoyait l'absence de troupes au sol et la lutte contre l'armée de Kadhafi uniquement, rappelle M. Abderrahim. Aujourd'hui, la question est beaucoup plus compliquée qu'en 2011, parce que le pays est partagé entre deux gouvernements, deux Parlements rivaux. De son côté, l'EI ne cesse de progresser, établissant « une base de retrait forte de plus de 3 000 hommes », estime M. Wehrey. Cette progression inquiète à juste titre les pays voisins, comme l'Algérie, le Niger, le Tchad et la Tunisie. Cette dernière a payé cher cette proximité, avec trois attentats terroristes préparés depuis la Libye et subis en 2015 sur son territoire. L'Algérie aussi est extrêmement inquiète de voir cette instabilité chronique à sa frontière. « Ces pays s'inquiètent donc de voir, à nouveau, la machine occidentale se mettre en branle pour une intervention militaire qui n'apporterait de toute façon que plus de confusion et d'instabilité », explique M. Abderrahim, pour lequel, si elle doit avoir lieu, cette intervention doit se faire de manière concertée avec les pays de la région, et surtout avec les Libyens.

Pour nombre d'observateurs, la résolution 1973 a eu des conséquences néfastes sur le pays, qui se révèlent progressivement avec le temps. Une autre intervention occidentale, même mise en place dans les règles, pourrait donc ne pas changer la donne, trop d'incertitudes faisant obstacle. « Qui bombarder ? Le gouvernement de Tripoli, parce qu'on juge qu'il n'est pas légitime et qu'il est majoritairement islamiste ? Daech ? Ils sont disséminés dans tout le pays », souligne le chercheur. Un front uni, formé par les deux gouvernements libyens est donc crucial pour qu'un appui occidental éventuel ait une chance, même infime, d'extirper Daech du pays. Un processus politique est également nécessaire, mais reste, pour le moment, au point mort. Le 17 décembre, pourtant, après la signature de l'accord de Skhirat au Maroc, l'imminence d'un gouvernement d'union nationale avait été annoncée. Aujourd'hui, néanmoins, la moitié des parlementaires censés siéger à Tobrouk est réfugiée à Tunis, l'autre moitié au Caire, pour des raisons de sécurité, indique Kader Abderrahim. Dans ces conditions, conclut-il, il reste extrêmement compliqué de faire siéger des parlementaires pour faire ratifier un accord qui a été signé à l'extérieur du pays concerné, avec des ingérences et des pressions étrangères très importantes.

 

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commentaires (2)

Si l'intervention n'a pas lieu c'est parce qu'il n'y a plus d'hommes en europe et en occicon. Arrêtez de tergiverser . La guerre c'est se battre sur des terrains en hommes , pas avec des game boys ...

FRIK-A-FRAK

10 h 16, le 30 janvier 2016

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Commentaires (2)

  • Si l'intervention n'a pas lieu c'est parce qu'il n'y a plus d'hommes en europe et en occicon. Arrêtez de tergiverser . La guerre c'est se battre sur des terrains en hommes , pas avec des game boys ...

    FRIK-A-FRAK

    10 h 16, le 30 janvier 2016

  • SEULE UNE VRAIE INTERVENTION OCCIDENTALE FERME... DANS TOUS SES ASPECTS... Y METTRAIT UNE FIN A L,HYDRE LYBIENNE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 10, le 30 janvier 2016

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