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Moyen Orient et Monde - Yémen

Yémen : De la révolution à la guerre par procuration

La chute de Saleh a entraîné le pays dans un conflit meurtrier entre les rebelles chiites, appuyés par l'Iran, et le pouvoir légitime, soutenu par l'Arabie saoudite.

L’ancien président yéménite, Ali Abdallah Saleh, tout sourire, signant sa démission, le 23 novembre 2011. AFP Photo/Saudi Television

De déserts en wadis, de villes bondées en villages où peu d'âmes se côtoient, du Nord au Sud, la colère gronde. L'Arabie heureuse est sur le point de vivre cinq années d'une violence inouïe. Le 4 janvier 2010, la première étincelle de ce qu'on appellera quelques années plus tard les printemps arabes est lancée. La mort par immolation du jeune vendeur ambulant, Mohammad Bouazizi, devenu symbole de la révolution tunisienne, va provoquer une onde de choc jusqu'aux tréfonds yéménites. L'effet copycat est immédiat. Plusieurs jeunes hommes arabes vont offrir en sacrifice leur vie, comme un ultime signe de protestation politique.

Des jeunes meurent, un vieux fuit. Ben Ali tire sa révérence de la plus irrévérencieuse manière : il part se réfugier sous les djellabas de ses amis saoudiens. Le 19 janvier, à Hadramout, au sud de la péninsule Arabique, un homme s'asperge d'essence. Une semaine plus tard, même scène macabre à Aden. Le désespoir de ces hommes, luttant pour survivre dans un pays où le taux de chômage atteint les 35%, aura eu raison d'eux. La moitié de la population est analphabète, mais les images et les nouvelles se répandent à une vitesse grand V. Le monde arabe est en ébullition, et le Yémen n'échappe pas à la règle. Là-bas aussi, un mamamouchi estime que 21 ans au pouvoir, c'est trop peu pour quitter son trône. Sauf que, dès les premiers jours des manifestations, des « non au renouvellement des mandats, non à la transmission héréditaire du pouvoir », sont scandés à l'unisson par plus de 16 000 personnes dans les ruelles du vieux Sanaa, suivies par des dizaines de milliers d'autres dans l'ensemble du pays. La rumeur court que le président Ali Abdallah Saleh souhaite céder sa place à son fils. Mais les Yéménites ne veulent pas d'une dynastie « à la Assad », ou « à l'Aliev ». Le dictateur s'accroche à son poste comme une arapède à son rocher et massacre à qui mieux mieux son peuple. Mais la fronde a enflammé le pays entier. Le 22 janvier 2012, Saleh se repent et demande pardon à son peuple. Mais une part de lui-même ne se remet pas de l'affront que ses compatriotes lui on fait subir. Il prépare, amer, sa vengeance. D'autant plus qu'un autre occupe désormais sa place. Abed Rabbo Mansour Hadi est élu lors des premières élections au suffrage universel direct, le 12 février 2012.

Tempête de la fermeté
Deux années se sont écoulées et le printemps yéménite, dont les plaies sont encore loin d'avoir été pansées, est balayé par un coup d'État. Le 19 septembre 2014, les rebelles houthis s'emparent du siège du gouvernement dans la capitale, puis du palais présidentiel quelques mois plus tard. En mars 2015, les rebelles zaydites contrôlent désormais Sanaa. Celui qui les avait férocement combattus, à coups de phosphore blanc, arme chimique interdite lors de leur insurrection en 2004, revient sur le devant de la scène, à leurs côtés cette fois-ci. Un soutien discret de l'ex-président, encore très influent auprès des tribus et au sein de certaines factions de l'armée.
Avec un allié de taille, l'Iran, la progression des rebelles chiites est fulgurante. Le président iranien Hassan Rohani salue la prise de pouvoir des houthis, et déclare soutenir « la stabilité et la paix ». Mais l'Arabie saoudite sunnite ne l'entend pas de cette oreille et lance, le 26 mars 2015, l'opération Tempête de la fermeté, embarquant d'autres pays sunnites à ses côtés. En prenant le port stratégique de Hodeida sur la mer Rouge, ainsi que certaines régions pétrolières au centre et au sud du pays, les houthis menacent le golfe d'Aden et le très stratégique détroit de Bab el-Mandeb, situé entre Djibouti et le Yémen. Le président Hadi, réfugié à Riyad, peine à reprendre le pouvoir, à mesure que le pays s'enfonce dans le chaos. Le printemps yéménite, qui aura eu la peau d'un dictateur, paraît si peu de choses face à cette nouvelle guerre par procuration, sur fond de tensions régionales intenses entre Riyad et Téhéran, qui continue de mettre le pays à feu et à sang. Dans ce chaos indescriptible germent d'autres menaces. Aqpa (el-Qaëda dans la péninsule Arabique) et le groupe État islamique (EI) prolifèrent rapidement et les sécessionnistes du sud gagnent en légitimité.
Après s'être battu pour la liberté, le peuple yéménite doit désormais lutter pour sa survie. Et celle de son pays.

 

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