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Moyen Orient et Monde - Rapport

Les écoliers yéménites terrorisés à l’idée de mourir sous les bombes...

Lama Fakih, conseillère pour les situations de crise à Amnesty International, dénonce pour « L'Orient-Le Jour » les bombardements de la coalition menée par Riyad.

Des élèves de l’école al-Houda, à Beni Mushta, prêts à rejoindre les bancs de l’école malgré la peur d’être visés par les raids de la coalition menée par l’Arabie. Photo Amnesty

Après les hôpitaux, ce sont désormais les écoles publiques qui font les frais des frappes aléatoires de la coalition menée par l'Arabie saoudite, qui mène depuis le mois de mars une guerre au Yémen contre les rebelles chiites houthis. Amnesty International, Human Rights Watch et le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme rapportent d'ailleurs que les deux parties du conflit continuent de violer les lois humanitaires internationales ainsi que les lois internationales des droits humains.

Dans un rapport publié hier et intitulé Nos enfants sont bombardés, Amnesty International a enquêté sur cinq frappes aériennes contre des écoles situées dans des territoires contrôlés par les rebelles, entre août et octobre 2015. Cinq civils ont en outre été tués et 14 autres blessés, dont quatre enfants.
L'une des problématiques soulevées par le rapport, à défaut d'une réponse de la part de Riyad sur ces agissements, est de mettre en évidence le rôle indirect des Occidentaux.
En effet, les forces de la coalition sont directement armées par les États occidentaux, dont le Royaume-Uni et les États-Unis. Ces derniers, en dépit des rapports affligeants sur des bombardements illégaux ayant fait de nombreuses victimes civiles, publiés par l'ONG, ont approuvé, le mois dernier, un transfert d'armes d'un montant de 1,29 milliard de dollars à destination du royaume wahhabite. En revanche, le Royaume-Uni, en tant que signataire du Traité sur le commerce des armes, devrait en principe refuser de donner son aval à un transfert d'armes « dès lors qu'il sait que les armes en question serviront à commettre des attaques dirigées contre des civils ou des biens à caractère civil, ou d'autres violations du droit international humanitaire ».

« Nous continuons de mettre la pression sur ces pays, même si nous sommes conscients que c'est une bataille particulièrement ardue. Nous avons identifié leurs armes lors des bombardements menés par la coalition sur ces écoles. Nous exigeons qu'ils s'investissent et enquêtent de manière sérieuse », interpelle, interrogée par L'Orient-Le Jour, Lama Fakih, conseillère pour les situations de crise à Amnesty International, qui vient de rentrer du Yémen.


(Lire aussi : Possible trêve dans une semaine au Yémen)

Scolarité perturbée
Dénoncés par l'ONG comme de véritables « crimes de guerre », les dégâts infligés perturbent par ailleurs la scolarité de plus de 6 500 enfants, inscrits dans les écoles des gouvernorats de Hajjah, d'el-Houdeida et de Sanaa, situés au nord-ouest du Yémen, à moins de 250 km de la frontière saoudienne.
Les bombardements contre l'établissement scolaire pour filles, al-Chaymah, à al-Houdeida, ont démarré en août, en pleine journée, mais, fort heureusement, la plupart n'abritaient pas d'élèves au moment des faits. Quelque 3 200 écolières, ayant entre 4 et 18 ans, y étaient scolarisées. La directrice de l'école est encore sous le choc. « Pour moi, toute humanité a disparu. Attaquer, sans sommation, un établissement d'enseignement... Où se trouve l'humanité ? » confie-t-elle dans une vidéo réalisée par l'ONG.
À Mansouriyah, l'école al-Asma a également été réduite en ruines, après avoir été prise deux fois pour cible à deux jours d'intervalle. Seul établissement à 5 km à la ronde, les parents n'ont pas les moyens d'envoyer leurs enfants ailleurs, qui traînent désormais dans la rue.

« C'étaient des établissements, qui, malgré la guerre qui sévit depuis mars 2015, continuaient de dispenser des cours », explique l'humanitaire. Selon l'ONG, aucune de ces écoles n'était utilisée à des fins militaires par les rebelles chiites, ni même utilisée en tant que dépôt d'armements. Contacté par Amnesty, le gouvernement saoudien a refusé tout commentaire. « Aucune preuve n'a montré que ces écoles étaient utilisées par la partie adverse. Il n'y a eu que des rumeurs sur les réseaux sociaux au sujet de l'une d'entre elles qui aurait renfermé des armes, mais le directeur de l'établissement a fait venir les enseignants et certains parents pour témoigner du contraire », poursuit Lama Fakih.


(Lire aussi : Au Yémen, les humanitaires tirent la sonnette d'alarme)

Un enfant sur trois déscolarisé
À Beni Moushta, le directeur de l'école d'al-Houda, établissement non touché physiquement, constate pourtant les effets collatéraux des frappes: « Plus de 300 élèves étaient inscrits pour la rentrée, mais, avec les frappes contre l'école voisine, ils ne sont plus que 5 par classe. » D'après l'Unicef, au moins 34 % des enfants ne vont plus à l'école depuis les premières frappes aériennes. « L'impact psychologique sur les enfants est énorme. Ils ne peuvent plus apprendre en classe correctement quand ils se savent menacés. Pourtant, ceux avec qui je me suis entretenue ont une soif d'apprendre, malgré le chaos ambiant », confie Lama Fakih.

Une petite fille, qui s'est confiée à l'humanitaire, lui raconte le jour où elle collectait des livres à la bibliothèque. Quand des avions sont passés au-dessus de l'école, les enfants, hystériques, étaient terrorisés à l'idée de se faire tuer par des projectiles. Une autre jeune fille interrogée dans la vidéo appelle la coalition à cesser de prendre les jeunes Yéménites pour cible: « Ils devraient avoir honte de viser des écoles, de viser des enfants. Les enfants saoudiens étudient dans des universités et à l'étranger, alors que nos enfants se font bombarder... »

À ce jour, selon le ministère de l'Éducation, installé à Sanaa, plus de 1 000 établissements scolaires ne fonctionnent plus: 254 ont été entièrement détruits, 608 l'ont été partiellement et 421 servent d'abri aux personnes déplacées dans le pays par le conflit.

 

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