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Liban - Société

L'OIM dénonce le trafic de personnes au M-O

« L'autre crise des migrants » : une étude a été publiée hier par l'Organisation internationale pour les migrations et la Fondation Walk Free, pour protéger de l'exploitation et des abus les travailleurs étrangers vulnérables de la région Mena.

La chercheuse, Samantha McCormack, présente les résultats de l’étude, « L’autre crise des migrants », financée par l’Union européenne.

Pour la troisième année consécutive, le Liban est considéré par le département d'État américain comme un pays où le nombre de victimes de trafic humain est très significatif. En dépit de ses efforts, après l'adoption en 2011 d'une loi criminalisant le trafic de personnes, le pays du Cèdre « n'a pas réussi à prouver qu'il a redoublé d'efforts pour combattre efficacement ce fléau ». Et ce, malgré « la multiplication des institutions gouvernementales qui ont pour mission de lutter contre la traite des êtres humains ». Quant aux victimes, elles se concentrent au sein de la main-d'œuvre migrante ; ce sont généralement des employées de maison étrangères (Philippines, Éthiopiennes, Sri Lankaises, Malgaches, Népalaises, Bangladaises...), des « artistes » de cabarets (Biélorusses, Russes, Ukrainiennes, Moldaves, Ouzbèkes, Algériennes, Marocaines et Tunisiennes...), mais aussi des ouvriers agricoles étrangers, pour ne parler que de ces réalités.

Victimes de trafic humain
C'est ce qui ressort d'une étude publiée hier par l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), en collaboration avec la Fondation Walk Free, intitulée « L'autre crise des migrants » et qui a pour objectif de protéger et d'assister la main-d'œuvre migrante vulnérable, exploitée, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord; une main-d'œuvre sous-payée, constituée d'hommes, de femmes, d'enfants même. Cette étude a été réalisée sur un échantillon de 162 migrants victimes de trafic humain, dans cinq pays arabes, au Liban, en Égypte, en Irak, en Jordanie et en Arabie saoudite. Pour l'occasion, l'événement, qui s'est déroulé au Mövenpick Hotel, à Beyrouth, a été marqué par la participation de représentants des cinq pays arabes concernés.

(Lire aussi : À Aïn Najem, la stupeur après l'horrible meurtre de Nathalie Solbane Farhat)


Lorsqu'on parle de trafic humain au Liban, on parle particulièrement de travail forcé et d'exploitation. Les victimes, principalement des employées de maison étrangères, sont pour la quasi-totalité d'entre elles privées de liberté de mouvement et confinées au domicile de leur employeur (96 %). Une large proportion d'entre elles ont des horaires de travail élastiques (89 %), voient leurs salaires retenus (83 %) de même que leurs passeports (81 %). Dans une moins large proportion, ces victimes de trafic humain sont déçues de leurs conditions de travail et assurent avoir été trompées (75 %), elles souffrent d'abus psychologiques (71 %) et d'abus physiques (60 %). Enfin, la moitié de ces victimes ont également reçu des menaces ou ont été menacées d'une action légale.

Sur le plan régional, les choses ne sont pas meilleures. Bien au contraire. La directrice régionale pour la région Mena de l'OIM, Carmela Godeau, dénonce « des conditions de travail précaires ». Elle constate des « politiques xénophobes à l'égard des travailleurs étrangers » dans les pays de la région. « L'OIM travaille avec les gouvernements et les sociétés civiles pour changer l'image des migrants dans les sociétés, améliorer leurs conditions de travail et de vie, et leur assurer davantage de protection », note-t-elle à ce propos.


(Pour mémoire : En l’absence d’une loi réglementant le travail domestique, la SG réduit les libertés des employées de maison étrangères)

 

Le système de la kafala encourage les abus
Car le rapport est consternant. « La migration vers les pays de la région Mena offre d'importantes opportunités, mais aussi de sérieux risques aux millions de femmes et d'hommes d'Asie du Sud, d'Asie du Sud-Est et d'Afrique subsaharienne, qui voyagent dans la région pour travailler dans le bâtiment, en usine, dans le secteur agricole, dans les services alimentaires, dans la vente, et dans des maisons privées comme employés de maison, jardiniers, chauffeurs, soignants et nounous », souligne la chercheuse Samantha McCormack, de la Fondation Walk Free. Elle tient d'abord à souligner que les 162 cas de trafic humain analysés ne sont pas représentatifs de tous les migrants. « Les expériences de ces cas donnent des informations uniques sur les abus persistants et enracinés à l'égard des travailleurs migrants dans la région », affirme-t-elle.

« L'exploitation commence dans le pays d'origine des migrants, où les pratiques de recrutement sont souvent trompeuses et les frais de recrutement exorbitants. Les abus sont bien plus graves dans le pays d'accueil », constate la chercheuse. Et d'expliquer que tous les travailleurs rencontrés au cours de l'enquête se sont vu confisquer leurs documents d'identité. « Par ailleurs, 87 % d'entre eux sont confinés dans leur lieu de travail et sont privés de sortie ; le salaire de 76 % d'entre eux est retenu ; 73 % de l'échantillon a subi des abus psychologiques, alors que 61 % de l'échantillon a subi des abus physiques. Enfin, plus de la moitié de ces travailleurs font face à des horaires de travail excessifs et 48 % se disent privés de manger et de boire », note-t-elle. Mme McCormack ajoute que nombre de travailleurs migrants sont trompés sur la nature de leur travail. De même, les cas d'abus sexuels sont nombreux.

Pourquoi tant d'abus à l'égard de la main-d'œuvre étrangère au Moyen-Orient ? « Le dossier n'est pas prioritaire », déplore la chercheuse. Elle note que le système du garant ou kafala encourage les abus. Elle évoque aussi la « discrimination à l'égard des migrants et des femmes » dans la région Mena, ainsi que l'absence de lois pour protéger les migrants. « Chaque travailleur migrant a pourtant le droit de donner et de retirer son travail », conclut-elle, espérant que les résultats de l'étude pousseront au changement.

 

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