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Diaspora - Médecine

À Paris, deux médecins libanais combattent l’obésité

À l'hôpital Antoine-Béclère, l'adiposité est prise en charge par une équipe pluridisciplinaire, dont les principaux acteurs sont deux praticiens libanais. La synergie créée entre eux a permis d'obtenir des résultats spectaculaires dans la lutte contre l'obésité.

Tous les patients obèses n’ont pas besoin de recourir à la chirurgie bariatrique.

Perdre ses kilos excessifs et maintenir son poids n'est pas un rêve inaccessible. Du moins pour l'équipe du centre de l'obésité de l'hôpital
Antoine-Béclère, un des centres de l'assistance publique des hôpitaux de Paris, où plusieurs centaines de patients continuent à bénéficier chaque année de son expertise et de son savoir-faire.
Au nombre de cette équipe qui compte vingt personnes, deux médecins libanais: Ibrahim Dagher, chef du service de chirurgie digestive minimale invasive, et Rached el-Khoury, endocrinologue nutritionniste, coordinateur médical de la prise en charge de l'obésité. La synergie créée entre ces deux praticiens, il y a cinq ans, a contribué à l'essor du centre de l'obésité. En 2011 en fait, l'Agence française de la santé lui a accordé le label de « centre spécialisé ». En 2014, il a été classé premier à l'assistance publique. Il a également été primé, il y a quelques mois, par le prix Hélioscope-GMF qui récompense les hôpitaux œuvrant à améliorer la qualité de vie des patients.


Pourtant, à l'hôpital Antoine-Béclère, le traitement chirurgical de l'obésité (chirurgie bariatrique) n'est pas une chose nouvelle. « Nous pratiquons la chirurgie depuis plusieurs années déjà », explique à L'Orient-Le Jour le professeur Dagher, en marge des travaux du congrès annuel de l'Association médicale franco-libanaise, tenu récemment à Beyrouth. « Depuis cinq ans toutefois, nous avons connu un essor très important avec l'arrivée du Dr Khoury au sein de l'équipe, ajoute-t-il. Il a assuré le suivi médical qui était indispensable au traitement de l'obésité. La chirurgie n'est en fait qu'un coup de pouce dans cette prise en charge plus globale. Il s'agit certes d'un acte important. Ses résultats dépendent toutefois de la préparation et du suivi du patient. C'est justement cette approche pluridisciplinaire qui nous a permis de nous distinguer des autres centres parisiens et français. »

 

(Lire aussi : Gebran Bassil à « L'OLJ » : La diaspora est la plus précieuse richessse du Liban)

 

Prise en charge pré et postopératoire
La force du centre réside dans les objectifs que l'équipe s'est fixés. «Ils consistent, d'une part, à minimiser le risque de la chirurgie, en ayant recours aux techniques minimales invasives, c'est-à-dire moins agressives, poursuit le professeur Dagher. Nous cherchons d'autre part à optimiser, à long terme, l'efficacité de la chirurgie, à travers la préparation et le suivi du patient. »
«D'où l'importance de la collaboration entre le médecin et le chirurgien, insiste de son côté le Dr Khoury. Elle aide à prévenir les morbi-mortalités chirurgicales, c'est-à-dire le taux de mortalité due à une maladie. La prévention chirurgicale et postchirurgicale est certes importante. Néanmoins, c'est la préparation du patient en amont et la prise en charge de ses comorbidités (c'est-à-dire des troubles associés à son obésité, comme le tabagisme, le diabète, l'hypertension, l'apnée du sommeil...) qui vont aider à diminuer sensiblement les risques de la chirurgie. Une personne qui fume, à titre d'exemple, a quatre fois plus de risques d'avoir des complications qu'un non-fumeur. L'hypertension multiplie ces risques par trois. »
La préparation du patient se fait ainsi dans les six mois qui précèdent la chirurgie. Elle vise à « diagnostiquer » et à « contrôler » les comorbidités liées à l'obésité. « Ce sont des pathologies chroniques sournoises et asymptomatiques ignorées par le malade, surtout s'il est jeune, puisqu'à cet âge, il ne réalise pas que son obésité peut induire des pathologies associées », fait remarquer le Dr Khoury.
En effet, dans 20 % des cas, le diabète est découvert chez les jeunes dans le bilan préopératoire. « Près de 30 % de nos patients sont diabétiques et 20 % d'entre eux ignorent qu'ils le sont », constate le Dr Khoury.
Après l'opération, un suivi du patient se fait à trois, six, neuf et douze mois, puis une fois tous les ans.

 

(Pour mémoire : Entre l’obésité et l’asthme, une corrélation indéniable)

 

De 15 à 75 ans...
Les patients qui recherchent l'aide de l'équipe du centre d'obésité de l'hôpital Antoine-Béclère sont âgés entre 15 et 75 ans. Tous les patients n'ont toutefois pas besoin d'être opérés. Ainsi, l'an dernier, quelque 1 200 patients ont été pris en charge au centre. Seuls 500 d'entre eux ont eu recours à la chirurgie.
«Nous avons fixé ce seuil pour garantir une bonne
qualité de prise en charge des patients, insiste le Pr Dagher. Sans oublier que tous les patients n'ont pas besoin de recourir à la chirurgie.»
En effet, « la chirurgie bariatrique est conseillée aux patients qui ont un IMC (indice de masse corporelle ou Body Mass Index-BMI) égal ou supérieur à 35 kg/m2, associé à une comorbidité susceptible d'être améliorée, ou encore si l'IMC est supérieur à 40 », indique le Dr Khoury.
L'IMC est obtenu en divisant le poids de l'individu par sa taille en mètre carré. On parle de surpoids ou de préobésité lorsque l'IMC est compris entre 25 et 29,9. Sont obèses les personnes dont l'IMC est supérieur ou égal à 30. Les spécialistes distinguent trois classes d'obésité : classe I pour un IMC compris entre 30 et 34,9, classe II ou obésité sévère lorsque l'IMC varie entre 35 et 39,9 et classe III ou obésité morbide lorsque l'IMC est supérieur ou égal à 40.
«Notre centre est l'un des rares en France à opérer les adolescents obèses, avance le professeur Dagher. Nous sommes d'ailleurs reconnus pour la prise en charge de l'obésité chez l'adolescent. Nous avons plusieurs publications dans ce cadre.»
Quid des enfants? «Nous opérons les enfants âgés de plus de 15 ans et 3 mois, qui est l'âge légal accepté en France pour se faire opérer dans un centre de chirurgie pour adulte, répond le professeur Dagher. Mais en pratique, ces patients sont suivis en amont pendant plusieurs années par une équipe d'endocrinologues pédiatriques. Après la chirurgie, nous les suivons conjointement avec leur médecin traitant. Les résultats sont spectaculaires. D'ailleurs, les meilleurs résultats sont obtenus chez les jeunes et les adolescents âgés entre 15 ans 3 mois et 25 ans. Un peu philosophiquement, je pense que ces personnes ne se sont pas encore habituées à leur schéma corporel obèse, d'où ce changement spectaculaire. »

 

(Pour mémoire : Nouvel éclairage génétique sur les origines de l’obésité)

 

Résultats pérennes chez 90 % des patients
Les résultats finaux de la prise en charge sont obtenus dans les douze à dix-huit mois qui suivent l'opération. «L'année qui suit l'opération est cruciale pour aider les patients à changer leurs habitudes alimentaires, fait remarquer le Dr Ibrahim. S'ils ne le font pas, ils vont reprendre du poids.»
Combien de patients le font-il vraiment ? «Tous, affirme le Dr Khoury. Au début, ils sont obligés de changer leurs habitudes alimentaires, parce que l'estomac est plus petit. Mais avec le temps, les résultats sont pérennes chez près de 90% des malades. En fait, la chirurgie est essentiellement un problème hormonal et neuro-hormonal et non un problème mécanique. Les patients arrivent à changer leurs habitudes alimentaires, parce que les hormones sécrétées dans l'intestin et impliquées dans la faim et la satiété sont modifiées. Le phénomène est donc purement métabolique et endocrinien. Ainsi, à cinq ans, le taux de réussite est observé chez 80 à 90% des patients. Ils perdent plus de 50% de leur excès pondéral. Scientifiquement, cela est considéré comme étant un bon résultat. Perdre plus de 70% de l'excès pondéral est considéré comme étant un très bon résultat. »


Pensent-ils reproduire ce schéma au Liban? «Nous aimerions faire profiter le Liban de notre expérience, avance le professeur Dagher. Nous essayons de mettre en place des collaborations et des échanges dans ce sens. » « Notre démarche est purement scientifique, renchérit le Dr Khoury. Elle consiste à exposer scientifiquement le processus de notre prise en charge, dont l'efficacité a été prouvée et reconnue par des prix. Nous pourrons offrir à nos collègues du Liban une feuille de route pour améliorer la prise en charge de leurs patients.»

Perdre ses kilos excessifs et maintenir son poids n'est pas un rêve inaccessible. Du moins pour l'équipe du centre de l'obésité de l'hôpitalAntoine-Béclère, un des centres de l'assistance publique des hôpitaux de Paris, où plusieurs centaines de patients continuent à bénéficier chaque année de son expertise et de son savoir-faire.Au nombre de cette équipe qui compte vingt personnes,...