La diaspora libanaise est le cheval de bataille du ministre libanais des Affaires étrangères, Gebran Bassil. Infatigable et bourré d'énergie, le jeune ministre a profité, comme à son habitude, de sa présence à New York pour établir le contact avec la communauté libanaise qui est « disséminée partout » dans le monde. « Personne n'a cherché à établir le contact, par un quelconque moyen, avec la diaspora. De ce fait, j'ai fait mon travail ! Ce travail continu est le plus important du ministère. Pour moi, la diaspora libanaise est la plus précieuse richesse du Liban. Il faut beaucoup y travailler pour lui donner sa valeur et pour savoir en tirer profit des deux côtés, » assure Gebran Bassil, dans un entretien accordé à L'Orient-Le Jour, à l'hôtel Waldorf Astoria, où réside la délégation libanaise.
Profitant de ce voyage, le jeune ministre a mis les bouchées doubles pour poursuivre son objectif. Car sa visite à New York comporte deux importants volets : la diaspora et le « travail politique ». Jonglant avec son emploi du temps chargé et pris par une dynamique communicative, M. Bassil n'a pas hésité à faire le va-et-vient entre Boston, dans le Massachusetts, Danbury, dans le Connecticut, Union Town, à New Jersey, et Pittsburg, en Pennsylvanie, pour aller au-devant de ce qu'il considère la richesse et la « crème du Liban. »
Rencontres tous azimuts
Un va-et-vient continu entre quatre villes a ponctué sa visite new-yorkaise et s'est manifesté par de nombreuses et innombrables rencontres avec la diaspora. « Tout au long de mon séjour à New York, j'ai rencontré tous les soirs de nombreux Libanais. Je me suis consacré aussi au travail politique, avec de nombreuses rencontres avec des chefs d'État, de gouvernement et des ministres des Affaires étrangères, affirme-t-il. Dans ces quatre villes de la côte est, j'ai rencontré de petites communautés américaines d'origine libanaise. Ce qui me prouve combien les Libanais sont infiltrés partout dans la société américaine », constate-t-il. Et d'ajouter : « Certains villages sont constitués en majorité de Libanais avec leurs traditions et leurs clubs libano-américains. Certains ne parlent même pas l'arabe, n'ont pas de parents au Liban et ne connaissent pas leur patrie d'origine. D'autres ont même changé leur nom de famille pour s'américaniser. Néanmoins, ils montrent toujours un certain attachement au Liban », relève M. Bassil avec satisfaction.
(Lire aussi : Ban réitère son appel à l'élection rapide d'un président au Liban)
Message
« Cette complémentarité entre le Liban et les Libanais expatriés est le vrai message du Liban qui se concrétise par ces communautés libanaises. Que signifie la formule "le Liban est un message" ? s'interroge-t-il. Ce message ne prend son ampleur et sa signification que par la capacité du Libanais non pas seulement à survivre dans sa terre natale mais aussi à pouvoir germer et fleurir sur n'importe quelle autre terre », dit-il sur un ton poétique. Son « travail est continu. » Gebran Bassil a déjà visité dix pays d'Amérique latine et aussi des dizaines de villes américaines. C'est son cinquième voyage aux États Unis « pour voir la diaspora libanaise ». L'objectif de cette visite est différent cette fois. Il s'est concentré sur « de petites communautés » dans leur environnement. « Car j'ai voulu voir quelque chose de différent », souligne-t-il. Ne cachant pas son admiration pour la diaspora, Gebran Bassil a su tisser, et continue de tisser, des liens solides tous azimuts de manière à faire profiter le Liban de cette manne abondante. « Je considère que la crème libanaise est partout. Tous ces Libanais sont bien établis. C'est ce mélange qui donne la valeur et le goût différent au Liban, » constate-t-il.
Activité politique
À New York, l'activité politique de Gebran Bassil lui a permis de tenir des rencontres politiques. Qu'a-t-il récolté de ces différentes entrevues à haut niveau ? Le ministre fait un constat bien pessimiste. « Il est triste de voir que le monde patauge dans la boue sans savoir s'en sortir, relève-t-il. Il est aussi très triste qu'on n'ait pas de réponses rapides à des crises existentielles, non seulement pour un petit pays comme le Liban, mais aussi pour une région riche comme le Moyen-Orient et le monde entier », constate-t-il. Concernant les réfugiés, il indique que résoudre ce problème n'est pas une mince affaire. « La présidente du Brésil a proposé d'absorber tous les réfugiés syriens pour faciliter les choses, indique M. Bassil. Comment cela ? Ce n'est pas seulement la capacité d'un pays comme le Canada, le Brésil ou l'Australie à recevoir les réfugiés qui peut résoudre le problème ! C'est l'effet négatif sur la région en drainant sa population », indique-t-il.
(Lire aussi : Salam appelle la communauté internationale à assumer ses responsabilités vis-à-vis des peuples du M-O)
Région monochrome
Lors de ses rencontres politiques, la question des chrétiens d'Orient qui émigrent a-t-elle été évoquée ? Le ministre Bassil fait un constat pessimiste indiquant que la nature a horreur du vide. « Si la région se vide, elle va être remplie. Mais ce qui est encore plus dangereux, c'est qu'elle se vide de ses éléments modérés pour se remplir d'éléments extrémistes, déclare-t-il. La région se vide de sa diversité pour avoir une couleur monochrome. » Il en est de même pour l'Europe. « On videra aussi une population de certains constituants de la société européenne pour obtenir un milieu monochrome. Est-ce le monde qu'on cherche ? s'interroge-t-il. Il ne s'agit pas de répercussions sur une communauté, sur une géographie, ou sur une culture, c'est toute l'humanité qui est concernée. »
Mouvement positif
Comment peut-il décrire le Liban d'aujourd'hui ? Est-il optimiste ? « En ce qui concerne la politique libanaise, je ne suis pas optimiste, souligne M. Bassil. Mais les signes qui ont été donnés par le peuple lors de ces derniers mouvements sont plus positifs. Je trouve que le pouls de cette population vibre toujours et a toujours de l'énergie pour s'exprimer et pour demander le changement et proposer quelque chose de différent, affirme-t-il. Je compte beaucoup sur ce mouvement, qui est le nôtre, qui est celui de la société civile, celui de tous les Libanais. Ils doivent élever leur voix, mais sans généraliser, pour pouvoir vraiment bien cibler et bien viser, afin d'accomplir une mission et concrétiser une action. Il faut rehausser le moral. C'est de cette façon que cela peut commencer. Comment ? »
Une seule réponse pour le comment : le retour au peuple libanais. Le choix des Libanais doit prévaloir. Suite à des élections générales, législatives ou directes, le président sera élu par référendum. C'est la volonté du peuple libanais. C'est à lui d'assumer la responsabilité », conclut Gebran Bassil.
Lire aussi
Salam à « L'OLJ » : Le pays est en danger, il devient plus vulnérable, plus fragile !
Laurent Fabius à « L’OLJ » : « Nous mesurons la grande difficulté de la situation » au Liban
commentaires (13)
Et lui, le plus grand brasseur de vent, yâââï, et du Mahjar et du Liban !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
13 h 46, le 04 octobre 2015