C'est un discours d'une grande dignité, un discours d'homme d'État, que le ministre de l'Intérieur a tenu hier, devant un parterre de personnalités de tous horizons, à l'occasion de la troisième commémoration de l'assassinat de Wissam Hassan, l'ancien chef des services de renseignements des FSI, lors d'une cérémonie oratoire à l'Unesco.
M. Machnouk a fait le point des rapports que le courant du Futur entretient avec le Hezbollah et Michel Aoun, affirmant que, faute pour ces derniers de remplir les engagements qu'ils ont pris au moment de la formation du gouvernement de Tammam Salam, ce sera pour les ministres du courant du Futur la sortie aussi bien du gouvernement que du dialogue national.
Wissam el-Hassan a été tué le 19 octobre 2012, en plein cœur d'Achrafieh, dans un attentat à la voiture piégée qui avait fait huit morts au total.
« Nous avons rejoint ce gouvernement alors que le sang d'un nouveau martyr, Mohammad Chatah, n'avait pas encore séché, a dit M. Machnouk. Nous l'avons rejoint sur la base d'un modus vivendi avec le Hezbollah, sachant que les grands titres de nos différends, comme ceux des armes et de l'engagement militaire en Syrie au secours d'un régime assassin, étaient gelés. Car ni le Hezbollah ne pouvait les imposer au pays ni nous pouvions l'empêcher d'aller, seul, en dehors de l'appareil d'État, au secours de ce régime assassin. L'idée était qu'il y avait des dossiers en suspens qu'il fallait régler au service de la population et par souci d'un fonctionnement minimum des institutions. »
« Et nous voilà aujourd'hui sans institutions fonctionnelles, sans sécurité dans la Békaa ni services offerts à la population. Nous avons ajourné les grandes questions, dans l'espoir de pouvoir régler les petites, et nous voilà bredouilles, avec des institutions confisquées, une Constitution soumise à des caprices personnels et des tentatives d'embarquer le Liban dans des aventures contraires à ses intérêts, à son identité et à son arabisme. »
« Si les choses demeurent en l'état, a ajouté le ministre de l'Intérieur, ce sera le premier pas vers la démission du gouvernement tel que nous l'avons souhaité, et un premier pas aussi vers la sortie du dialogue que nous avons voulu comme garant de la paix civile. Nous ne serons pas les faux témoins de nos responsabilités nationales. »
(Pour mémoire : Procès Hariri : Wissam el-Hassan avait démissionné de ses fonctions quelques jours avant l'assassinat)
Entrer par effraction
« Ce n'est pas par effraction, cher Michel Aoun, que l'on entre dans la demeure commune des Libanais, bien que ce soit le langage à la mode. Certes, il faut nommer un nouveau commandant en chef de l'armée, mais il faut d'abord élire un président de la République grâce auquel nous pouvons régulariser le fonctionnement des institutions, loin de la mentalité de l'effraction. Entre-temps, nous continuerons à avoir confiance dans la conduite nationale du général Jean Kahwagi et du général Ibrahim Basbous, et de parier sur leur patriotisme jusqu'au dernier jour de leur mandat. »
Selon M. Machnouk, après l'assassinat de Wissam Hassan et de la cohorte des martyrs du 14 Mars, c'est au tour de l'État et de ses symboles passés et présents d'être lynchés moralement. Le ministre, évoquant les collectifs d'action civique qui agissent, a affirmé d'emblée que « les slogans de ces collectifs sont ceux de tous les Libanais ». Mais, a-t-il ajouté, certains utilisent ces manifestations pour bloquer le fonctionnement des institutions.
Quelque part, derrière les manifestations de colère légitimes qui se produisent, a-t-il averti en substance, il y a une volonté de détruire tout ce que Rafic Hariri a édifié. « Permettez-moi de vous dire que le Liban fera face au chaos et l'empêchera par tous les moyens légaux possibles. »
M. Machnouk a par ailleurs parlé de sa désillusion au sujet des accords de sécurité destinés à pacifier le Liban. Il a déploré le fait que le plan de sécurité dans la Békaa « n'existe que sur le papier ». « Il y a un an j'ai demandé au Hezbollah de cesser de couvrir le chaos dans la région afin que soit mis en œuvre un plan sécuritaire, mais ce n'était que promesses en l'air. »
Poignant discours de Marwan Hamadé
La cérémonie oratoire a également donné à l'ancien ministre Marwan Hamadé l'occasion de s'exprimer, par moments avec une grande véhémence, contre la série d'assassinats dont il a failli lui-même être la première victime, le 1er octobre 2004. M. Hamadé n'a pas manqué de rappeler que les principaux accusés de l'assassinat de Rafic Hariri, le 14 février 2005, appartiennent tous au Hezbollah, et de dénoncer l'impunité dont ils jouissent dans leurs périmètres de sécurité. « Qui donc a délégué au Hezbollah le droit de prendre ces vies dont Dieu seul est le maître ? » s'est-il écrié.
Et M. Hamadé de raconter comment, au hasard d'un voyage, il avait rencontré le juge Jean-Louis Bruguière, qui avait instruit l'affaire Samir Kassir, et de l'avoir entendu s'indigner de ce que le procès international était toujours en cours. « Cessez de chercher et d'enquêter ! Tout le monde sait que les commanditaires et les exécutants de ces assassinats se trouvent à Damas et à Téhéran ! »
Par ailleurs, M. Hamadé devait lancer un poignant appel à Saad Hariri à rentrer au Liban et à reprendre sa place à la tête du courant du Futur.
Auparavant, le général Ibrahim Basbous avait également pris la parole pour assurer que la « liberté de manifestation et d'expression est sacrée ».
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commentaires (9)
En tout cas un bon fumier qui fera sûrement son effet pour être à son tour un jour PM. PERSONNELLEMENT J'AIME BIEN CET HOMME.
FRIK-A-FRAK
11 h 03, le 18 octobre 2015