Rechercher
Rechercher

Témoins à décharges

Il y a mille et un moyens de gâcher une sauce, et il en va de même pour les plus légitimes, les plus justifiées des contestations populaires.

C'est de l'intérieur cependant, autant que du dehors, que peut provenir le gâchis. Classiques, éprouvées, archiconnues sont les manœuvres des manipulateurs embusqués et autres tireurs de ficelles, qui croient détourner à leur profit la chienlit ambiante. Qui applaudissent aux invectives lancées contre les prévaricateurs et qui sont eux-mêmes les premiers des corrompus. Ce que, de mémoire de manifestant, l'on n'avait jamais vu cependant, c'est des responsables, et non des moindres, se faire justice eux-mêmes dès lors qu'ils se voyaient conspuer par la foule. Telle est en effet l'incroyable scène qui s'est déroulée durant la mouvementée journée de mercredi, lorsqu'un commando de miliciens déboulant à moto s'est acharné, à coups de gourdin, sur un groupe de manifestants et de grévistes de la faim allongés sur la chaussée, après qu'eut été proféré le nom du président de l'Assemblée : odieux crime de lèse-majesté que le parti Amal se défend bien évidemment d'avoir sanctionné en faisant usage de violence...

Pareil scandale, réédité hier bien qu'à moindre échelle, n'occulte en rien toutefois les failles vite apparues au sein même de ce qui était, au départ, une saine et salutaire rébellion contre la carence et la vénalité d'une grosse part du personnel politique libanais, illustrées par la manière incroyablement irresponsable dont a été gérée la crise des déchets ménagers. Sur le très adéquat slogan Vous puez !, et à la faveur d'une vertigineuse multiplication des associations et collectifs sont venus se greffer des revendications extrêmes, dénaturant le mouvement originel. Coupables, les responsables ? Bien sûr. Mais ce n'est pas en réclamant le départ du gouvernement, mieux encore, la chute du système – en instaurant, par conséquent, le vide –, que l'on peut espérer combler les béantes lacunes du pouvoir : on n'aurait fait là que jeter le bébé avec l'eau du bain. Ce n'est pas non plus en œuvrant à une sorte de lutte des classes, comme s'y emploient (fort gauchement, au demeurant) certains gauchistes d'un autre temps, que l'on peut unir le peuple libanais dans une même révolte contre les rapines, magouilles et autres tares qui affectent maints de nos dirigeants

On peut regretter enfin le rejet, par une partie substantielle des groupes contestataires, mais aussi par nombre de conseils municipaux, du plan d'urgence préparé par le ministre de l'Agriculture. C'est vrai qu'il arrive plutôt tard, ce plan qui prévoit notamment la création ou la remise en service provisoire de décharges en divers points du territoire. C'est vrai aussi que ce projet est loin d'être parfait ; mais n'est-ce pas là le propre de toute procédure d'urgence ? Et surtout, qui a mieux à offrir pour consommation immédiate, pressante ?

En ces temps de confusion générale, le fast poubelle est roi.

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

Il y a mille et un moyens de gâcher une sauce, et il en va de même pour les plus légitimes, les plus justifiées des contestations populaires.
C'est de l'intérieur cependant, autant que du dehors, que peut provenir le gâchis. Classiques, éprouvées, archiconnues sont les manœuvres des manipulateurs embusqués et autres tireurs de ficelles, qui croient détourner à leur profit la chienlit...