Au lendemain de la manifestation qui a rassemblé des dizaines de milliers de Libanais, place des Martyrs à Beyrouth, venus réclamer des comptes au gouvernement, plusieurs responsables ont commenté, dimanche, le mouvement de protestation. Le soutenant, globalement, alors qu'ils en étaient la cible. Mais sans apporter de réponses aux revendications, multiples, des manifestants.
Samedi, une multitude de Libanais, venus de tout le pays, ont répondu à l'appel à manifester, lancé par la société civile, pour dénoncer l'incurie du gouvernement. Une manifestation qui s'est déroulée dans le calme, dans une ambiance festive même, jusqu'en fin de soirée, quand la tension est montée d'un cran, place Riad Solh. Devant le Grand Sérail, des heurts ont opposé les forces de l'ordre à quelques protestataires. Mais les dérapages étaient loin d'atteindre l'ampleur de ceux qui ont eu lieu, au même endroit, le week-end précédent. "Les forces de l'ordre ont arrêté dix personnes suite aux émeutes place Riad Solh la veille, et une enquête judiciaire est en cours. Deux policiers ont par ailleurs été légèrement blessés", peut-on lire dans un message des Forces de sécurité intérieures publié dimanche.
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Si beaucoup de slogans étaient dirigés contre le ministre de l'Intérieur Nouhad Machnouk, réclamant notamment sa démission, cela ne l'a pas empêché de saluer les manifestants sur sa page Twitter. "Mes salutations aux forces de l'ordre qui font partie de vous, qui oeuvrent pour vous et votre protection. Mes salutations à tous les manifestants pacifiques et les organisateurs de la manifestation. Mes salutations à Beyrouth, embellie par ces manifestations civilisées, malgré l'insistance d'une minorité à ternir l'image des rassemblements. Mes salutations à la liberté, à la démocratie, la sécurité et la paix civile, qui nous unissent", peut-on lire dans le message publié par M. Machnouk qui n'a pas hésité à ajouter à ses tweets les mots-dièse reprenant les noms des collectifs qui ont manifesté contre le gouvernement.
Le catalyseur du mouvement de protestation a été la crise des déchets, qui sévit depuis plus d'un mois au Liban. D'où les appels spécifiques lancés, place des Martyrs, à la démission de M. Machnouk.
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Aoun critique
Le général Michel Aoun, chef sortant du Courant patriotique libre (CPL), a, pour sa part, critiqué dimanche de manière indirecte les Libanais qui ont manifesté samedi place des Martyrs pour dénoncer, entre autres, la corruption du gouvernement. "Ils englobent tout le monde dans leurs critiques contre la corruption, mais oublient qu'ils font partie de ce monde. Y a-t-il une volonté d'occulter l'identité réelle des corrompus et de les innocenter?", s'est interrogé le leader maronite sur sa page Twitter.
Le chef du Parti progressiste socialiste, Walid Joumblatt, a reconnu, pour sa part, qu'il faisait partie de la classe politique huée par les manifestants à Beyrouth, la veille, tout en critiquant les attaques visant le Premier ministre, Tammam Salam.
"Le plus important, c'est ce rassemblement spontané qui dépasse les clivages traditionnels et stériles entre ce qu'on appelle le 14 et le 8 Mars, mais je ne prétends pas détenir de réponses (aux revendications des manifestants) car je fais partie de cette classe politique que le public a huée samedi", peut-on lire dans le message du leader druze. "Faire porter la responsabilité à Tammam Salam est injuste à son égard, car il a été nommé à ce poste dans des circonstances difficiles, héritant des blocages initiés par les partis et la classe politique toute entière", ajoute-t-il cependant.
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Le ministre des Affaires sociales Rachid Derbas a, quant à lui, estimé que les appels à la démission de Nouhad Machnouk, son homologue de l'Intérieur, lancées par certains place de Martyrs, "ne changeront rien" à la donne actuelle. "La manifestation place des Martyrs hier était une chose très bonne, mais devait brandir des slogans décisifs en poussant la classe politique à trancher définitivement la question des dépotoirs de déchets, à défaut de quoi, le pays tout entier deviendra un dépotoir", a-t-il ajouté.
De son côté, le ministre du Tourisme Michel Pharaon a estimé que c'est "l'incapacité du Parlement à réclamer des comptes (aux responsables politiques) qui a poussé les Libanais à manifester et assumer ce rôle eux-mêmes".
Le ministre d'Etat Mohammad Fneich, membre du Hezbollah, a exprimé le soutien de sa formation aux manifestants : "Nous soutenons quiconque exprime sa colère...Ceci est un droit constitutionnel et légitime. Personne n'a le droit d'affronter les manifestants tant que ceux-ci sont pacifiques. Les forces de l'ordre doivent protéger les manifestants contre les éléments infiltrés". M. Fneich a toutefois appelé les protestataires à exprimer des "demandes claires et réalistes". Si le Hezbollah est préoccupé par la lutte contre les takfiristes et la préparation contre un éventuel conflit imposé par Israël, cela ne veut pas dire que le parti délaisse les préoccupations des citoyens, à savoir l'eau, le courant électrique, les déchets (...)", a renchéri le député Mohammad Raad, également membre du parti chiite.
Dans la soirée, lors d'un discours à l'occasion de la commémoration des 37 ans de l'enlèvement de l'imam Moussa Sadr, le président du Parlement Nabih Berry a estimé que les manifestants "ont raison". "Je dis à chaque manifestant qui a de bonnes intentions : le problème c'est le confessionnalisme et la corruption". "Demandez un État civil, demandez une loi électorale basée sur la proportionnelle", leur a-t-il dit.
Enfin, le patriarche maronite Béchara Raï a lui estimé que "la situation catastrophique actuelle du pays est due à la culture de consommation, tant au niveau matériel que social, politique et moral. Ce sont les intérêts personnels, politiques et matériels, qui empêchent l'élection d'un chef de l'Etat depuis un an et cinq mois, qui paralysent le travail du gouvernement et du Parlement (...), qui ont poussé les Libanais à manifester, justement, dans les régions libanaises et à l'étranger".
Votre heure a sonné", ont annoncé dimanche les organisateurs de la campagne citoyenne "Vous puez" à l'adresse des dirigeants libanais. Ils ont promis une "escalade" si les revendications n'étaient pas entendues d'ici à mardi soir, soit le terme de l'ultimatum de 72 heures lancé samedi pour trouver une "solution environnementale durable au dossier des déchets au Liban".
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commentaires (5)
LES POLITIQUES SOUTIENNENT LA PROTESTATION ? UNE BLAGUE BIEN LIBANAISE ! CAR... ON N'A VU AUCUN QUI EUT LE COURAGE OU LA DIGNITÉ D'UN JAPONAIS... JUSQU'AUJOURD'HUI... NON EN SE TIRANT UNE BALLE DANS LA CRÂNE VIDE DE TOUTE FAçON... MAIS SIMPLEMENT EN DÉMISSIONNANT... FAYNKON YIA PARAVENTS AUTO-ALLONGÉS ET AUTO-PROROGÉS QUI N'AVEZ JAMAIS ACCEPTÉ (?)... OH LA BLAGUE... ET CRIEZ CONTRE LES PROROGATIONS ? AYEZ LA DIGNITÉ D'UN JAPONAIS...
LA LIBRE EXPRESSION
12 h 22, le 31 août 2015